"Je suis pour un gouvernement de coalition", a répondu Moncef Marzouki, le président du CPR qui a passé des années en exil en France sous Ben Ali. "Nous souhaitons un gouvernement d'union nationale le plus large possible incluant tous les partis". Quant au chef du parti de gauche Ettakatol, Mustapha Ben Jaafar, il reconnaît que "les discussions ont commencé avec tous les partenaires politiques, y compris Ennahda, et elles se poursuivent en attendant l'annonce des résultats définitifs". Lui-même s'est dit "prêt à assumer les plus hautes responsabilités si un consensus se dégage". Dans une interview au journal belge Le Soir mardi, il s'est aussi dit candidat à la présidence de la république par intérim.
"Il n'y aura pas de rupture"
De son côté, Nourredinne Bhiri, dirigeant d'Ennahda a confirmé que "les discussions sont bien engagées et portent sur la formation d'un gouvernement de large union, où personne ne sera exclu, sauf ceux qui refusent d'y participer. Le dialogue est bien avancé et se poursuit pour aboutir à un consensus le plus rapidement", a-t-il ajouté, affirmant que son parti était "prêt à faire des concessions pour construire la Tunisie de demain". Abdelhamid Jlazzi, directeur de campagne du parti interdit sous le régime de ben Ali, a ajouté qu'Ennahda coopérera aussi avec les milieux d'affaires pour améliorer les conditions sociales et économiques. "Il n'y aura pas de rupture mais de la continuité parce que nous sommes arrivés au pouvoir par la démocratie, et non pas par des blindés", a-t-il promis. "Nous avons souffert de la dictature et de la répression, maintenant, une occasion historique nous est donnée de savourer le goût de la liberté et de la démocratie".
Pendant toute la campagne, Ennahda s'est prévalu d'un islamisme modéré sur le modèle du parti AKP, au pouvoir en Turquie. Le parti a fortement médiatisé Souad Abdel-Rahim, une de ses candidates à Tunis, une femme non voilée qui a dit et répété qu'Ennahda préserverait les acquis des femmes. Mais une partie de la population, soucieuse de préserver la laïcité historiquement attachée à la Tunisie indépendante, s'inquiète de la résurgence des islamistes. Les manifestations salafistes contre la diffusion à la télévision tunisienne de Persépolis, dessin animé dans lequel, contrairement aux principes de l'islam, on aperçoit une incarnation d'Allah, ont alimenté ces craintes. Mardi, quelque 400 personnes se sont rassemblées devant le siège de l'Instance supérieure indépendante pour les élections, à Tunis, en accusant Ennahda et d'autres formations de fraude électorale. "Quelle démocratie ?" et "Honte à toi Ghannouchi !", pouvait-on lire sur leurs banderoles.
A l'inverse, les proches de Rachid Ghannouchi affirment que les partisans d'un islam plus orthodoxe jugent le chef de file d'Ennahda comme étant trop libéral. "Les salafistes, les wahhabites et mêmes certains membres de la confrérie des Frères musulmans ne l'aiment pas, certains pourraient même dire que c'est un 'kafir'", un apostat, rapporte un ami égyptien de Ghannouchi qui le connaît de ses années d'exil à Londres.TF1