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AFRIQUE

B. Ndala : « Il existe une demande officielle pour le transfert des eaux de l’Oubangui vers le lac Tchad »


Alwihda Info | Par Herman Bangi Bayo (AEM) - 23 Juillet 2009



Benjamin Ndala, le secrétaire général de la CICOS (Commission internationale du Bassin du Congo, Oubangui et Sangha)
Benjamin Ndala, le secrétaire général de la CICOS (Commission internationale du Bassin du Congo, Oubangui et Sangha)
Le lac Tchad est en train de s’assécher dangereusement et son salut pourrait venir du fleuve Oubangi qui pourrait le dépanner en eaux. Des discussions ont été engagées au niveau diplomatique et les techniciens s’en occupent en même temps. Il s’agit là de l’une des actions de la Commission internationale du Bassin du Congo, Oubangui et Sangha, un organisme que nous vous proposons de découvrir à travers cette interview avec son secrétaire général, Benjamin Ndala.


AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM) : La CICOS n’est pas un organisme très connu du grand public

BENJAMIN NDALA (BN) : La CICOS est une initiative de l’UDEAC (Union douanière et économique de l’Afrique centrale) et la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) qui avait souhaité, auprès de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique, l’élaboration d’un code de navigation interne dans la sous-région. Cette requête a été acceptée et financée par les Nations Unies qui avait, cependant, demandé également l’intégration de la République démocratique du Congo parce qu’on ne peut pas parler du Bassin du Congo sans ce pays. Cela s’est fait sans problème car l’article 36 du traité de la CEMAC stipule que cet organisme peut avoir un accord sur un secteur économique avec un pays non membre de la CEMAC. Mais, il s’est posé le problème de l’organisme compétent pour statuer en cas de litige entre les navires des États membres. C’est de là qu’est née l’idée de mettre en place une commission chargée de régler ce genre de problèmes. Pour cela, nous sommes allés à Strasbourg rencontrer la Commission centrale du Rhin, vieille de 3 siècles. Ses experts nous ont aidés, avec le financement des Nations Unies, à rédiger l’accord instituant un régime fluvial uniforme, d’où la création de la CICOS qui est constituée de la République Centrafricaine, de la République du Congo, du Cameroun et de la République Démocratique du Congo.

AEM : Combien de temps a duré cette mise en place ?

BN : Les démarches ont commencé en 1998 lors de la réunion tenue à Bangui au siège de la CEMAC élargie aux experts de la RDC. Il s’est agi de discuter, ensemble, sur le projet de code de navigation intérieure parce que le terme navigation fluviale n’est pas approprié, l’Oubangui et le Kasaï n’étant pas des fleuves. Un fleuve est un cours d’eau qui se jette dans la mer tel n’est pas le cas avec ces deux cours d’eau. Mais lorsqu’on parle de la navigation intérieure, on inclut les fleuves, les lacs et les rivières. La CICOS s’occupe donc, concrètement, des problèmes qui touchent à la navigation intérieure tels que le dragage, le balisage, l’exploitation, le transport des marchandises et des passagers, les accidents, la sécurité de la navigation etc.

AEM : Quelles sont les ressources qui assurent le fonctionnement de la CICOS ?

BN : Nous avons institué une taxe communautaire d’intégration qui est un prélèvement de 1% sur les droits de douane sur les produits provenant des États non membres de la CEMAC. En sus de trois États membres de la CEMAC, deux autres pays membres de la CEMAC, le Gabon et le Tchad, bénéficient des cours d’eau du Bassin du Congo. Le sucre produit au Gabon transite par l’Oubangui pour atteindre Bangui ; pareil avec les bêtes à pieds (vaches, moutons, chèvres) venant du Tchad et qui sont vendues à Brazzaville et à Kinshasa. D’autre part, par solidarité, la Guinée équatoriale finance la CICOS à travers cette taxe. Mais ce mode de financement a aussi ses limites en cas de récession économique à l’instar de la RCA (République centrafricaine) dont les importations sont en baisse constante. S’agissant de la RDC, c’est un pays post-conflit qui éprouve des difficultés multiples qui ne lui permettent pas d’honorer convenablement ses engagements.

AEM : Qu’en est-il de la circulation des biens et des personnes ?

BN : Il existe quelques difficultés parmi lesquelles l’ensablement provoqué par plusieurs phénomènes comme le changement climatique, l’urbanisation sauvage des villes, la diminution des écoulements des eaux, etc. Il y a également le problème de diminution ou l’absence totale d’unités fluviales aménagées pour le transport des passagers.

AEM : La navigation est également menacée par la baisse des cours d’eau, quelles en sont les causes ?

BN : L’on peut citer le changement climatique. Et les zones les plus touchées sont situées à l’hémisphère nord et c’est le cas de l’Oubangui. Aujourd’hui, on ne peut pas se rendre à Bangui ou à Zongo toute l’année : la navigation est coupée 200 jours sur les 365 jours de l’année. Malheureusement, la RVF (Régie des voies fluviales) et le SCEVN (Service commun d’entretien des voies navigables) n’ont pas suffisamment de moyens pour y faire face.

AEM : Comment la CICOS entend -t-elle y remédier ?

BN : Nous en appelons aux États membres et aux bailleurs de fonds. L’Agence de la Coopération Française au Développement vient de financer la construction de 3 barges en RCA pour assurer le transport des passagers. C’est important mais cela ne résout pas entièrement le problème vu le niveau des besoins. Nous faisons aussi de la sensibilisation en informant les populations du danger d’embarquer sur des unités transportant des combustibles. Nous alertons également les exploitants de baleinières sur les surcharges qui sont à la base de plusieurs accidents. La pollution des eaux de fleuve provoquée par l’urbanisation et l’industrialisation et qui menace la faune fluviale fait également partie de nos préoccupations naturellement.

AEM : On constate, par ailleurs, un vieillissement du personnel navigant…

BN : Effectivement, d’après des enquêtes menées, 65 % de l’ensemble du personnel navigant ont plus de 57 ans et plus de 90 % du personnel navigant jeune sont formés sur le tas. Il a donc été décidé la création d’un centre régional de formation en navigation intérieure qui sera implanté au sein de l’école de navigation de l’ONATRA de Kauka en RDC. Un accord avec ce pays fait de la CICOS le propriétaire du centre tandis que l’ONATRA en restera le propriétaire foncier. Ce centre a été réhabilité grâce au soutien de la coopération allemande. La formation va démarrer le 1er septembre prochain.

AEM : La thématique de la déforestation est-elle abordée au sein de la CICOS lorsque l’on imagine bien le lien réchauffement climatique, déforestation et baisse du niveau d’eau ?

BN : Le volet forêt est traité par la COMIFAC (Commission internationale de la forêt de l’Afrique centrale). À l’instar des forêts de l’Amazonie, les forêts du Bassin du Congo sont des forêts humides et qui dit forêt humide dit eau ; donc tout est lié. En effet, la diminution des écoulements de l’eau aura une conséquence sur la forêt et la biodiversité aquatique. C’est le cas des riverains de l’Oubangui qui se plaignent de la rareté des gros poissons suite à la destruction de leurs habitations par des ensablements.

AEM : Avec la diminution de certains cours d’eau comme le lac Tchad, est-il envisageable, à moyen ou à long terme, que l’on puisse l’approvisionner en eau du Bassin du Congo ?

BN : Il y a une demande officielle faite dans ce sens pour transférer les eaux de l’Oubangui vers le lac Tchad. Cela a été évoqué lors de la 10ème session de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale). La CICOS a été chargée d’étudier la question et à l’instant, nous avons eu des discussions avec la Commission du Bassin du lac Tchad pour aplanir les divergences sur les termes de référence élaborés par ce dernier. Nous allons nous retrouver le 10 septembre courant pour continuer les discussions afin de trouver un compromis. | Propos recueillis par Herman Bangi Bayo (AEM)



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