Pendant trois jours, du lundi au vendredi, le président de la République a été l’hôte de la Casamance pour lancer le projet Pôle de développement de la Casamance. A cet effet, 23 milliards de francs ont été mis sur la table pour booster le développement de la région Sud dont l’économie est anéantie par plus de trente années de guerre. Il est vrai que cette manne financière est loin de satisfaire les besoins des trois régions de la région naturelle de Casamance à savoir Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, mais il s’agit là d’un pas pour inciter les privés à investir dans cette zone aux potentialités inestimables. Toutefois, tout cet argent ne peut servir à rien si les conditions d’une paix durable ne sont pas réellement instaurées. Si les différents régimes des présidents Abdou Diouf à Macky Sall en passant par Abdoulaye Wade ont toujours montré des signes de bonne volonté pour une paix définitive, il n’en a jamais été de même, hélas, pour les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) qui versent dans la roublardise et la rouerie pour torpiller les différents accords de paix conclus.
Et si l’actuel président de la République a toujours montré de bonnes dispositions pour ramener la paix dans cette partie du Sénégal meurtrie par une guerre destructrice de plus d’un tiers de siècle, il n’a pas été payé de retour par les rebelles. Lesquels ne parlent pas du tout le même langage. En effet, lorsque le chef du front Nord du Mfdc, M. Salif Sadio, martelait sur les ondes de RFI en juillet 2012 ceci : « Notre mission s’arrête seulement à dégager le Sénégal de la Casamance, pour que vive une Casamance, libre, souveraine, et en paix ! Nous, on ne peut pas dialoguer d’autre chose que le départ du Sénégal de chez nous », le Dr Ahmed Apakena Diémé, membre du cercle des intellectuels et universitaires du MFDC- Allemagne,assène que « Ni Sant’Egidio, ni le groupe de réflexion de Robert (Ndlr, Sagna)ni les deux voisins de la Casamance, la Gambie et la Guinée Bissau, ne sont en mesure de garantir l’application des accords qui seraient conclus… Ce n’est donc pas une organisation comme Sant’Egidio sans aucune qualification juridique ou n’incarnant aucunement un pouvoir étatique ou inter étatique, avec effet contraignant, qui va servir de médiateur sérieux. Cette communauté est en mal de publicité, et veut, de manière mafieuse, s’occuper d’un dossier politique dont la complexité contraste avec l’amateurisme qui caractérise actuellement sa démarche et ses communiqués qu’il fait à la place du MFDC.»Dans ces conditions, force est d’admettre qu’il serait utopique pour le président de la République de penser que la paix est pour demain puisque des irréductibles politiques comme NKrumah Sané, Apakena Diémé, et des écervelés militaires comme Salif Sadio et César Attoute Badiate versent délibérément dans le flou.La paix en Casamance n’est pas pour demain et pour cela, le président de la République ne doit verser dans un optimisme béat avec ces quelques rebelles qui l’ont « accueilli ».
Que d’accords de paix torpillés !
Pour mieux comprendre que la paix des braves à laquelle appelle le chef de l’Etat, garant de l’unité nationale, n’est pas à portée de main, il suffit de remonter à la genèse de ce conflit et de rappeler quelques rendez-vous de paix manqués du fait de la duplicité des rebelles qui en réalité n’ont jamais voulu d’une paix définitive en Casamance.
Sous le prétexte d’un droit à disposer d’eux-mêmes, Diamacoune Senghor, un prélat qui n’a pas assimilé les enseignements du Christ, lesquels enseignent l’amour du prochain et le pardon, a déclenché une guerre meurtrière en 1982.Et au nom de mensonges historiques,ce conflit contre l’armée nationale a fini par transformer la partie la plus paradisiaque du Sénégal en zone infernale où il ne fait plus bon de vivre. Ceux qui y vivent encore la peur dans le ventre, c’est par attachement viscéral à leur terroir ou par résignation. On ne peut pas aujourd’hui compter le nombre d’accords de paix torpillés par ceux-là qui s’auréolent du nom de rebelles irrédentistes et qui n’ont jamais été de bonne foi lors de la signature des accords de paix. Les accords de Cacheu et de Toubacouta en 1991-1992, les accords de Ziguinchor de juillet 1999, les Assises de Banjul de décembre 1999 n’ont jamais produit les résultats escomptés. En octobre 2003, le chef charismatique et historique de la rébellion avait déclaré : « Ma rencontre avec le président Abdoulaye Wade, le 4 mai 2003, est incontestablement un tournant décisif dans le processus de recherche de la paix en Casamance. Le président Abdoulaye Wade a accepté tous les points de garantie que je lui avais demandés au nom du mouvement. Ces points sont, entre autres, l'amnistie pour tous les combattants, la reconstruction des infrastructures socio- éducatives de la Casamance, le rééquipement des villages et le financement de la relance de l'économie de la région. Je fonde ma volonté de faire la paix sur celle du président Abdoulaye Wade qui a solennellement donné des garanties qui sont des éléments suffisants, à mon avis, pour arrêter définitivement ce conflit. Au sortir de cette crise, je me rendrai personnellement avec une délégation représentative de toute la Casamance à Dakar afin de réaffirmer à Abdoulaye Wade la volonté du MFDC d'oeuvrer pour la paix immédiate dans notre pays…Désormais, la lutte du MFDC sera le combat contre les fossoyeurs de la paix en Casamance afin que nous retrouvions tous une paix définitive au Sénégal ».
Mais ces fossoyeurs, c’était lui et ses ouailles qui ont toujours joué aux fourbes pour abuser des bonnes dispositions de l’Etat sénégalais. A chaque fois que les rebelles ont été en mauvaise posture, le défunt prélat rebelle a demandé au gouvernement des négociations de paix. Mais jamais la bonne foi et la sincérité n’ont été au rendez-vous. Ces négociations avec le gouvernement ont toujours constitué des moments de réorganisation et de réarmement pour les irrédentistes. Et ce avec l’appui de pays comme la Gambie et la Guinée Bissau qui ont toujours servi de base-arrière pour la rébellion. D’ailleurs, ces pays ont beaucoup servi à faire transiter des armes pour l’équipement des rebelles. La Mauritanie, lors de la crise de 1989, a acheminé via la Gambie dans les zones rebelles beaucoup d’armes lourdes qui ont servi à tuer les soldats sénégalais. De Mandina Mancagne en 1995 à Babonda 1997, 48 Diambars ont trouvé la mort dans des conditions atroces du fait de ces armes fournies par les pays voisins.
L’argent, nerf de la guerre
Beaucoup de milliards ont été injectés en Casamance et jamais les résultats escomptés n’ont été atteints. Ce qui est surprenant, c’est que la plupart des rendez-vous de paix l’ont été à la demande des rebelles en position de faiblesse. L’argent a servi à remplir les comptes bancaires des Monsieur Casamance ou à financer des chefs rebelles qui développent des champs de cannabis dont le produit à servi à acheter des armes lorsque celles-ci n’étaient pas fournies par des pays voisins du Sénégal. Sous le règne du président Abdou Diouf, les rebelles ne recevaient que des dotations alimentaires. D’ailleurs, une fois, l’abbé Diamacoune avait lancé un cri de détresse à l’endroit des rebelles restés dans la forêt sans nourriture. Mais, sous le magistère de Wade, l’argent a surtout été utilisé comme moyen de corruption pour amener les rebelles à déposer les armes. Hélas, malgré les mallettes qui prenaient le chemin du maquis, jamais les armes ne se sont tues. Au contraire, les frustrations se sont accrues du fait de la captation de ces ressources par certains responsables au détriment des combattants dont la vie est extrêmement difficile dans le maquis. Des personnalités qui jouent aux rabatteurs ont détourné une partie de l’argent, l’autre étant allée dans les poches des Monsieur Casamance et autres rapaces qui font de la guerre en Casamance un fonds de commerce.
Aujourd’hui les chefs rebelles Salif Sadio, César Attoute Badiate, respectivement du front nord et du front sud gèrent leurs bases en y entretenant leurs activités narco-maffieuses sans être inquiétés. D’ailleurs, ce qui le confirme, c’est cette fausse générosité de Salif Sadio qui a offert un scanner de trois millions de francs à l’hôpital régional de Ziguinchor et qui l’exprime à travers un communiqué daté du 3 mars : « Le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), par son chef Salif SADIO, soucieux du danger que constitue le manque du service d’un scanner dans un institut sanitaire comme celui-là, s’engage, dans le cadre humanitaire, à payer les frais de réparation de cette machine vitale au bon fonctionnement de l’hôpital, qui s’élèverait à trois millions francs CFA, contribuant ainsi à réduire les peines des populations dans le cadre sanitaire». Un tel geste n’est même pas à prendre au sérieux quand on sait que ce dernier a tué plusieurs innocents dans une guerre qui n’est pas la leur. Aujourd’hui, beaucoup de ceux qui vont utiliser ce scanner sont éclopés ou amputés à cause de leur « samaritain » d’aujourd’hui. Beaucoup de ces patients qui bénéficieront des services de ce scanner ont perdu des parents ou proches à cause de Salif Sadio et des autres rebelles qui agissent au nom de l’indépendantisme ou au nom d’un simple banditisme de grand chemin. Donc ce serait manquer de respect à tous ces Sénégalais qui souffrent dans leur chair de la perte d’un parent à cause de ce conflit, quand on veut mettre en honneur l’horreur du rebelle le plus sanguinaire de l’histoire du MFDC. Qui plus est, cet argent sale risque de servir dans une institution de l’Etat construit et administrée avec de l’argent propre, c’est-à-dire l’hôpital de Ziguinchor.
Serigne Saliou Guèye
Article paru dans « Le Témoin » N° 1157 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2014)