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AFRIQUE

Centrafrique : Les anti-Balakas veulent créer une "police militaire"


- 14 Mai 2014


Pour tracer la frontière entre délinquance et mouvement respectable, « Nous avons proposé à la Président de la République de former une police militaire anti-balaka, déclare Sébastien Wenezoui. Avec l’appui de l’Etat, un brassard pour les identifier, ils pourront sillonner la ville et arrêter les braqueurs. »


AA/Bangui(centrafrique)/Thiérry Brésilion

Centrafrique : Les anti-Balakas veulent créer une "police militaire"
Anadoly Agency. Associés aux atrocités commises contre les musulmans durant les mois les plus violents de la crise, les principaux groupes anti-balakas veulent donner l’image d’un mouvement discipliné et responsable pour être admis à la table des négociations politiques.
 
Après le point de contrôle de la gendarmerie nationale et de la douane à la sortie de Bangui, sur la route de Mbaiki au sud-ouest de la capitale, quelques hommes en tenue militaire disparates barrent la route avec quelques herses hérissées de pointes. Ils vérifient chaque véhicule entrant et sortant et obéissent aux ordres d’une des figures les plus populaires des anti-balakas, "Rambo", installé dans son poste de commandement, un ancien garage, en contrebas du check point tenu par ses hommes.
 
Habillé en civil, une arme de poing apparente sous la chemise, la silhouette replète, taciturne, ce caporal-chef dans les forces armées centrafricaines (FACA), affirme coordonner les activités des groupes d’anti-balakas des préfectures de la Lobaye et d’Ombella M’Poko à l’ouest de Bangui. Ces subordonnés ne s’approchent pas de lui sans se figer à distance dans un garde-à-vous impeccable et lui donnent du « Président ». Il s’efforce de rompre avec la réputation de bandes de criminels barbares, marginaux, sans foi ni loi, que les anti-balakas ont acquise depuis le début de l’année.
 
Considérés au départ comme des groupes d’auto-défense villageois contre les exactions de la Seleka (la coalition de rebelles venus du nord du pays pour installer Michel Djotodia au pouvoir en mars 2013), les anti-balakas avaient pris d’assaut la capitale le 5 décembre et déclenché une réaction sanglante de la Seleka. Celle-ci cantonnée dès la mi-décembre dans des camps militaires et en partie désarmée, les anti-balakas se sont livrés alors à une véritable vindicte contre les combattants de la Seleka, notamment tchadiens et soudanais, rapidement étendue à tous les musulmans.
 
Ces violences ont donné lieu à des lynchages, à la destruction de villages et de quartiers entiers et à des pillages auxquels les anti-balakas sont désormais associés. Qualifiés de « bandits » et « d’ennemis de la paix », dans les discours officiels, rejetés comme non chrétiens par les autorités religieuses, les anti-balakas, par la voix des leurs responsables, s’efforcent de reconquérir une image de patriotes responsables, disciplinés, animés d’un désir de paix.
 
Discipline militaire
 
« Ici, ce sont les règles de la discipline militaire qui s’appliquent. Nous sommes des anti-balakas, mais nous sommes en lien avec l’Etat major des FACA (l'armée centrafricaine) et je rends des comptes au Ministère de la Défense, insiste Rambo. Je suis toujours à l’effectif des FACA et je perçois toujours ma solde de militaire. » Les membres reconnus par le mouvement comme anti-balakas disposent désormais d’un badge où sont inscrits leur unité d’appartenance (section et compagnie). Plus question de poser désormais pour les photographes avec gri-gris et machettes et de mimer l’égorgement des musulmans.
 
« Le mouvement est constitué en grande majorité de jeunes civils, mais ils sont encadrés par des militaires de carrière, complète le sergent chef Victorien Balezou, assis aux côtés du « Président ». Les trois quarts ont une bonne moralité. »
 
Des femmes venues vendre au marché voisin de Petevo, à la sortie de Bangui, se sont cependant plaintes de harcèlement de la part d’anti-balakas. « Ces éléments ont été sanctionnés et désormais, nos hommes ne sont plus autorisés à se rendre avec leur arme en ville pour éviter ces problèmes », assure le sergent-chef Balezou. Rambo insiste « J’ai instauré la discipline dans mon secteur. Il n’y a plus de désordre. »
 
"Rambo" affiche aussi le désir de contribuer à apaiser avec les musulmans. « Fin janvier, après le départ de la Seleka de Boda [une localité à 140 Km à l’ouest de Bangui où réside une importante communauté musulmane, ndlr], je m’ y étais rendu.  Les musulmans avaient brûlé les maisons des chrétiens. J’ai demandé à nos éléments de ne pas s’attaquer aux civils. ». Des appels peu suivis d’effets.
 
Il insiste : « nous n’avons pas de problème avec les musulmans centrafricains. Les chauffeurs des camions qui passent ici sont musulmans et ils n’ont pas de problème. Notre problème ce sont les mercenaires tchadiens et soudanais. »
 
A la base, le discours, en revanche, reste plus virulent et les « arabes » (c’est à dire tous les musulmans) sont désignés comme les ennemis et certains anti-balakas sont parfois affublés d’un keffieh ou d’une djellaba pour singer ceux qu’ils veulent chasser du pays. « C’est vrai que le niveau intellectuel est bas et il va falloir expliquer à notre peuple que les Centrafricains musulmans sont nos frères », admet Sebastien Wenezoui, porte parole national des anti-balakas et l’un des fondateurs du mouvement, venu au poste de Rambo pour assister à une réunion des chefs.
 
« Depuis le 30 mars, nous avons donné l’ordre de ne plus entreprendre d’action violente, rappelle le porte-parole. Nos seules actions consistent à nous défendre contre les agressions des musulmans. Je me rends sur les radios chaque semaine pour appeler à cesser les vengeances. Notamment après l’escalade des dernières semaines. Au sud de KM5 [situé dans le secteur contrôlé par Rambo, ndlr] il y a un groupe dissident qui continue les violences. Mais nous avons identifié le responsable de la mort du jeune Bachir [un jeune musulman, de mère chrétienne, décapité le 28 avril, dont la mort avait déclenché de violents affrontements, ndlr] et j’ai même donné son nom à la radio. Ces gens seront poursuivis », promet-il.
 
Création d’une police militaire anti-balaka
 
Alors que les cadres du mouvement, dont le symbole est une colombe, clament à toute occasion leur souhait de contribuer à la paix et à la réconciliation, mettre fin aux violences attribuées aux anti-balakas, ou s’en démarquer, est clairement affiché comme une priorité. « La plupart des opérations que je mène désormais consistent à débusquer les faux anti-balaka », affirme Rambo.
 
Pour tracer la frontière entre délinquance et mouvement respectable, « Nous avons proposé à la Président de la République de former une police militaire anti-balaka, déclare Sébastien Wenezoui. Avec l’appui de l’Etat, un brassard pour les identifier, ils pourront sillonner la ville et arrêter les braqueurs. »
 
« Nous sommes régulièrement reçus à la Présidence, ajoute-t-il. Suite au projet de remaniement du gouvernement annoncé par Catherine Samba Panza le 6 mai, nous avons été sollicités pour proposer des noms de ministrables et de hauts fonctionnaires. »
 
Paléon Zilabo, qui se présente comme conseiller politique du mouvement, assure « les anti-balakas sont une insurrection populaire contre l’oppression de la Seleka, mais le mouvement n’est lié à aucun parti politique ». Cet ancien cadre du Kwa na Kwa (l’ancien parti de François Bozizé chassé du pouvoir en mars 2013 par Michel Djotodia) par l’autorité qu’il exerce mmême sur les commandants de zone, semble être un des artisans de ce recadrage. L’avenir devrait confirmer si cette mutation est seulement cosmétique ou, au contraire, elle est de nature à transformer la situation politique en Centrafrique.



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