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AFRIQUE

Centrafrique : Roland Marchal, "Ce gouvernement n'est pas innovateur"


Alwihda Info | Par V.M - 3 Octobre 2014



Roland Marchal, spécialiste de la Centrafrique, chargé de recherche au CNRS et enseignant à Sciences Po Paris est à Bangui.

Il répond aux questions de V.M pour LNC

- LNC : Mr Marchal, vous êtes en Centrafrique pour une raison particulière ?
- Roland Marchal : Je suis ici pour une mission dans le cadre du CNRS

- LNC : Quel est votre sentiment d'ensemble sur la situation actuellement ici ?
- R.M : Disons qu'il y a une grande déception du côté de la Communauté internationale, et qui commence à se crisper avec ce qui se passe du côté du pouvoir, c'est à dire rien.
Il n'y a pas de résultat avec ce gouvernement qui porte bien son nom de transition.
Les choses se déroulent indépendamment de la volonté du gouvernement.
Aucune dynamique n'est d'ailleurs impulsée au processus de réconciliation.

- LNC : Un gouvernement irresponsable ?
- R.M : Ecoutez, oui ! Le problème principal vient du côté du gouvernement qui ne contrôle rien.
Beaucoup de gens, même les centrafricains sont surpris par ce qui se passe. On crée des commissions à tout bout de champs pour pas grand chose.
Le gouvernement préfère rester à Bangui pour faire de la rhétorique et des péripéties. Alors que l'insécurité règne dans les provinces.

- LNC : Le fait que la présidente de transition Samba-Panza refuse d'aller en province vous surprend ?
- R.M : Evidemment !
Que des voyages à l'étranger, c'est INI-MA-GI-NA-BLE.
Et cela coûte très cher, et avec toujours plein de délégations.
100 millions de F CFA par ci 100 millions par là pour ces voyages, c'est énorme pour un pays comme la RCA. Mme Samba-Panza vient de passer une quinzaine de jours aux USA, c'est beaucoup.

- LNC : Y a t-il un problème de gouvernance selon vous ?
- R.M : Ce gouvernement a certainement des excuses, mais pas pour ses absences de stratégie, de mauvaise gouvernance et des éventuelles corruptions dont on parle actuellement.
Comme je viens de le dire, Mme Samba-Panza et ses ministres passent leur temps à voyager à l'étranger.
Là j'apprends que le Dialogue national qui était prévu pour novembre sera probablement repoussé en février 2015. Et en même temps sous quelles formes ? Avec qui ? Quel en est le calendrier ?
Les Accords de Brazzaville, c'est bien joli sur le papier, mais ils ne servent à rien, il n'y a pas d'application.
Quelle est l'opérationnalité de tout cela ? Et encore faille-t'il le vouloir.
Il faut poser des actes. Mais à Bangui, on ne se contente que de discours.
Je suis assez amer avec ce gouvernement.

- LNC : Comment parvenir à une pacification du pays avec des groupes armés qui installent dans le pays anarchiquement des Etat majors militaires ?
- R.M : Les problèmes ne sont pas les mêmes suivant les groupes armés que l'on considère.
Car il ne faut pas appliquer à tous le même type de négociation.
Or, le gouvernement ne se contente que de faire des copiers-collés des documents onusiens.

- LNC : Des élections que l'on vient de repousser, dans un tel climat sont-elles possible ?
- R.M : Bien sûr ! Si je devais faire un pari, je dirais fin 2016, mais ce sera probablement pour 2017.

Vous savez, si l'ONU veut des élections, il y'aura des élections.

Ce n'est qu'une question de volonté et d'argent. Il y a des donateurs pour ça.

Au Mali, Hollande avait décidé qu'il y'aurait des élections en juillet 2013, et cela s'est fait. Alors qu'il n'y avait rien pour ça.
Ici, on est tout content de dire que l'on a mis en place des cartes d'identité biométriques.

Pour des élections, il faut 100 millions de $. Mais quel en serait le sens pour ne pas radicaliser les communautés ?
Combien de musulmans doivent retourner au pays avant pour que cela ait une crédibilité ?
Et puis, il faut avant, qu'un réel processus de réconciliation soit mis en place. Pour le moment ce n'est pas le cas.

- LNC : Sangaris, Stop ou encore ?

- R.M : Contrairement à ce que disent beaucoup de gens, la France n'a rien à gagner ici. Il faut savoir que la Sangaris coûte 800.000 euros par jour à la France.
C'est elle la plus engagée dans le pays, les Sangaris ne peuvent pas partir comme ça !

- LNC : Pourquoi ?
- R.M : Parce qu'il y a de beaux discours à Bangui, mais il y a les errements constatés de la Misca qui se retrouvent dans la Minusca.
La situation actuellement est telle que le retrait français sera retardé, même si les Sangaris ne demandent qu'à quitter le pays. Surtout depuis que Hollande a encore ouvert des fronts guerriers ailleurs.

- LNC : Se relève-t'on d'une crise aussi profonde ?
- R.M : Il y a des choses étranges. Les milieux économiques se lamentent. Beaucoup de taxes, des levées de taxes sans arrêt. Ils ne peuvent pas renouveler leur trésorerie.
Ce n'est pas tout cela qui va inciter les opérateurs économiques à investir.
Maintenant, l'Union Européenne se démène. Il vient de mettre en place un grand plan de développement en 3 phases pour de nombreuses années, et la Banque Mondiale également se bouge pour la reconstruction économique.

- LNC : Si vous deviez avoir un mot de conclusion ?
- R.M : Vous savez, le gouvernement centrafricain n'est pas du tout innovateur. Et il y a ce sentiment d'irréalisme, des délais comme du reste.

© Octobre 2014 lanouvellecentrafrique.info



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