Rodrigue Joseph Prudence MAYTE
Nul n’est censé ignorer que l’accord de Libreville obtenu à l’arraché devrait montrer ses limites. Il suffisait seulement d’observer le déplacement sans vergogne de la coalition Seleka d’une ville à une autre au lendemain de la signature de l’accord de Libreville pour scruter dans les moindres détails l’imminence d’une éventuelle attaque de Bangui. Il va sans doute dire que le point d’achèvement de la rébellion était la prise de Bangui. Avec l’accord de Libreville, les rebelles de la coalition Seleka étaient contraints de trouver les méandres politiques, diplomatiques et stratégiques nécessaires pour renverser le régime de Bangui. Grande a été la surprise de plusieurs personnes lorsque la coalition s’est arc-boutée sur la nonchalance de l’ancien locataire du palais à respecter les termes de l’accord de Libreville pour lancer l’offensive finale occasionnant la déchéance du système en place. Seulement, les rebelles auraient du s’entourer de toutes les précautions politiques sur la scène internationale et nationale afin que le coup de force ne soit pas victime d’une batterie de condamnation.
Bien évidemment, le voisin encombrant qui parraine tous les événements fâcheux en Centrafrique s’occupe généralement de l’approche internationale tout en laissant la latitude aux rebelles de rassurer la classe politique nationale afin que chacun tire son épingle du jeu. Ce faisant, dès le changement brutal du régime de Bangui le Dimanche 24 Mars 2013, l’occupant de l’hôtel Ledger avait dissout la constitution et les différentes institutions du pays. Seul bémol, il s’est auto proclamé Président et cela a rendu possible les vagues de condamnation. Tellement que les déclarations du nouvel homme fort de Bangui ont été rassurantes pour la classe politique centrafricaine, quasiment toutes les forces vives de la nation ont décidé de participer à la période transitoire. D’emblée, le nouvel homme fort de Bangui décidait de respecter scrupuleusement l’accord de Libreville et de maintenir l’ancien premier Ministre en la personne de Nicolas TIANGAYE à son poste. Aussi, il a déclaré quitter le pouvoir d’ici trois (3) ans ; un récital que la classe politique centrafricaine affectionne entendre de vive voix.
Dans une ambiance bonne enfant, les premières heures de la chute du Président BOZIZE ont été bonifiées par l’occupant de l’hôtel Ledger car il a su surfer sur la vague du changement pour légitimer sur le plan national sa prise de pouvoir. Il faut admettre que les stratèges et les politologues de la coalition Seleka ont su avec stratagème embobiner quasiment toute la classe politique centrafricaine dans leurs quêtes d’accession à la magistrature suprême par les armes. Etant donné que les rebelles et la classe politique centrafricaine avaient un ennemi commun en la personne du Président BOZIZE, les choses ont évolué à une grande vitesse au point que les rebelles ont confondu vitesse et précipitation dans la répartition du gâteau au sein du gouvernement.
Manifestement, avec le changement brutal du régime de Bangui, l’accord de Libreville n’avait plus sa raison d’être. Est-ce une position stratégique que le nouvel homme fort de Bangui avait voulu prendre ou juste un réglage politique car il avait de facto maintenu TIANGAYE comme Premier Ministre. En tout état de cause, les leaders politiques ont acquiescé du fait que leurs intérêts n’étaient pas engagés. En dépit de la quiétude de la situation politique sur le plan national, la coalition Séleka est réellement inquiétée sur le plan international et le voisin encombrant doit mettre les bouchées doubles comme à l’accoutumée pour meubler le vide juridique et diplomatique du coup de force auprès de ses paires. Entre temps, la mise en place du Gouvernement par le Premier Ministre TIANGAYE a réellement démontré l’intention cachée du nouvel homme fort de Bangui.
L’inégale répartition des postes ministériels et la connotation des portefeuilles clés attribués à ses proches lieutenants étaient un signe avant-coureur de son choix politique. La création d’un ministère de pétrole alors que la Centrafricaine n’est qu’à la phase exploratrice du gisement démontre suffisamment l’intention des nouvelles autorités à se pérenniser au pouvoir. En plus de cela, il faut admettre que les nouvelles autorités disposent une approche ambitieuse en matière de la gestion de la chose publique…Les récentes nominations et les communications ciblées des nouvelles autorités constituent une véracité des faits. Assurément, tant qu’on ne tire pas la leçon du passé, on risque de répéter l’histoire…Il est certain que le paysage politique s’éclaircira bientôt en République Centrafricaine et les tractations devront bien sûr commencer. Ce qui est sûr et certain, le collectif « sauvons la Centrafrique » n’existe que de nom de nos jours ainsi que les autres plates formes politiques. Tout le monde est à table. Le plat proposé par le nouvel homme fort de Bangui a certainement un goût suave et il pourrait lui offrir une majorité opportuniste voire dévouée à la conquête du pouvoir pour les prochaines échéances électorales.
Certes, les Chefs d’états de la CEEAC ont suffisament épilogué la dessus mais il faut admettre qu’il n’y avait eu que des condamnations de principe débouchant sur un habillage politique. Ce n’était que du pipeau ! Les Chefs d’états étaient entrains de faire diversion car si les rebelles ont réussi sans ambages à franchir la ligne rouge de Damara alors on pourrait gamberger de canapé pour la suite. En réalité, la messe est dite et l’occupant de l’hôtel Legder ne peut que remplir les conditionnalités pour se maintenir au pouvoir. Si le voisin encombrant a su renversé le Président BOZIZE sans une contrainte générale, il fera tout ce qui est de son ressort pour que ses lieutenants restent autant que faire se peut au pouvoir. Ils lui rapporteraient plus en nature qu’un autre homme politique centrafricain qui viendrait certainement avec un regard inquisiteur et intransigeant. Il est d’une évidence absolue que depuis le début de la crise, l’or et le diamant centrafricain sont plus vendus via le Tchad que la République Centrafricaine.
De nos jours, il est permis de rêver mais c’est encore mieux de faire un rêve prémonitoire et réaliste… Les nouvelles autorités de Bangui meubleront très rapidement le vide juridique et chercheront à poser des actes concrets tout en sachant que la Centrafrique profonde se laisse facilement fasciner par les actions perceptibles …En revanche, le grand perdant de cette situation de fait est la classe politique centrafricaine qui devra repartir encore vers ses vieux démons ; la contestation. Si la classe politique centrafricaine ne comprenne pas cette insinuation abstraite, ce serait cherché une aiguille dans une botte de foin. De cette locution latine : « Alea jacta est » qui veut dire : « Le sort est jeté » il faut admettre que les rebelles sont en bonne posture à partir du moment où les Chefs d’états viennent de leurs déblayer le chemin. Avec une minauderie de conseil national de transition acquis à la cause du nouvel homme fort, les Centrafricains ne pourront qu’apprécier la suite.
Rodrigue Joseph Prudence MAYTE