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«Garder le pouvoir est une question de vie ou de mort pour les Wade» EL HADJ HAMIDOU DIALLO, SG DU BRDS


Alwihda Info | Par Djamil @ - 18 Décembre 2008



«Garder le pouvoir est une question de vie ou de mort pour les Wade» EL HADJ HAMIDOU DIALLO, SG DU BRDS

Le Secrétaire général du Bloc pour le renforcement de la démocratie au Sénégal (Brds), parti créé en 2004, a rompu le silence. Dans un entretien qu’il nous a accordé, le Pr El Hadj Hamidou Diallo a, sans langue de bois, parlé de l’après-Wade. Pour M. Diallo, si Karim veut se présenter pour la succession de son père, c’est parce qu’il est obligé de défendre un système dont il est question de rendre pérenne pour se mettre à l’abri des poursuites judiciaires. Par rapport aux activités du Front siggil Senegaal, le leader du Brds a soufflé le chaud et le froid sur Niasse et compagnie.


Le Matin : M. EL Hadj Hamidou Diallo, vous-êtes le secrétaire général du Brds. Depuis les dernières élections législatives, les Sénégalais n’entendent plus votre formation sur la scène politique. Qu’est ce qui explique ce mutisme ?

Nous avons été à l'élection présidentielle dans une coalition avec Idrissa Seck. Après l'élection présidentielle, nous sommes partis aux élections législatives dans le cadre de la coalition Takku Defaraat Sénégal avec Robert Sagna.

Et, ce sont ces deux expériences qui ont été malheureuses pour nous,qui nous ont fait comprendre qu’un parti, dans le cadre d’une coalition, subissait toujours l'oppression de ce qu'on appelle"grand parti". Donc, il y a toujours un phénomène de chantage, de chantage financier, quand on n'a pas beaucoup de moyens financiers, c'est dur d'être dans le champ politique et de s'y maintenir. Un parti politique, c’est une agence sociale. Le chef de parti ne résout pas des problèmes politiques dans son parti mais des problèmes sociaux. Ça fait qu’en dehors des élections, il n'est pas judicieux d’entretenir son parti. C'est pour ça que notre parti ne reste pas entièrement dans le champ politique. Nous faisons beaucoup du social et nous créons des emplois. C’est dans l'éducation que nous créons le plus de choses. Donc, nous avons pensé que pour faire de la politique, il fallait que je crée des écoles. Nous donnons des emplois à nos militants et nous formons la jeunesse. Ce qui fait qu'en attendant qu'on arrive aux joutes électorales, nous sommes sur le terrain pour travailler. Nous ne faisons pas de la politique, nous travaillons.

Quelle lecture faites-vous de la marche de protestation des Imams de Guédiawaye contre le coût élevé de facture d’électricité ?

C’est une substitution. Le front social est en train de se substituer à la société civile et aux partis politiques. La société civile est une société civile de ballon. Ils se réunissent, ils font du bruit. Ils ont des partenaires étrangers. Ils ont des sommes immenses qu’on leur donne. Ils travaillent avec cet argent au nom du peuple. Mais s’ils (les membres de la société civile) se regardent, ils n’auront même pas cinquante personnes. S’il s’agit des partis politiques, chaque militant qui se déplace demande le transport. Donc, gérer un parti politique, c’est gérer aussi une organisation de la société. C’est dur. Conclusion : le peuple lui-même est arrivé à un moment où il n’a plus de repère. Il s’est rendu compte que personne ne peut plus le défendre. C’est pourquoi, le front social s’est substitué à la société civile et aux partis politiques. Il s’est rendu compte chaque fois qu’il marchait, il trouvait une solution à ses problèmes. Quand les jeunes de Niary-Tally ont fait du bruit, on a eu pendant deux ou trois mois le courant sans problème.

Et ça, c’est un danger parce que les partis politiques et la société civile constituent pour le pouvoir un terrain de discussion où l’on peut apaiser le front social. Mais ce front social va vers une ébullition. Et d’ébullition en ébullition, il tend vers une révolte. Et les révoltes ne sont pas bon pour un pays, ça détruit tout et on recommence à zéro. Dix ou quinze de construction pour un pays qu’on a péniblement mis en œuvre. Donc, c’est très dangereux et pour le pouvoir et pour tous les partis politiques et pour la société civile que de laisser des gens aller dans des marches. Un illuminé peut se lever et dire qu’il veut faire une marche. C’est dire que n’importe qui va se lever pour faire une marche. Mieux vaut qu’il n’y ait pas des marches, discuter avant que les marches ne se préparent. Donc, il faut prévenir. Il faut reconnaître qu’il y a une absence institutionnelle totale. L’État est absent partout.

Les tripatouillages de la constitution par le régime en place font dire à beaucoup d’observateurs de la scène politique que le Sénégal n’est plus un modèle en matière de démocratie. Votre commentaire ?

Notre parti, il s’appelle le bloc pour le renforcement de la démocratie au Sénégal (Brds). Nous n’avons pas voté la Constitution de 2001 parce que nous avons très tôt su qu’on allait vers des dérives monarchiques, dictatoriales. Et c’est à ce stade que nous en sommes. Wade dirige tout seul au sommet. Et il a toute une équipe de gens qui ont compris qu’il faut s’enrichir vite parce que ce pouvoir va disparaître. Donc, il n’a pas de gestionnaires autour de lui. Ce sont des gens qui cherchent à s’enrichir, des gens qui lui disent n’importe quoi, et lui-même, il croit à tout ce qu’on lui dit. Mais ils vont tous payer. Un franc qu’ils auront pris ils le rembourseront.

Comment vont-ils le rembourser ? je ne sais pas. Mais je sais que tôt ou tard ils rembourseront. Un bien mal acquis dessert toujours le voleur. Il n’y a plus de démocratie dans notre pays. Alors qu’avec Senghor il y avait de la démocratie. Abdou Diouf a suivi la voie et a transmis cette démocratie à Wade. Ce dernier devait grandir cette démocratie. Où est-ce que nous en sommes ? Ce n’est pas parce que le droit de marcher est reconnu constitutionnellement qu’il y a de la démocratie. Non. C’est triste ce qui se passe dans notre pays. Maintenant on est la risée non seulement continentale mais universelle. Tout le monde se moque du Sénégalais. On ne dit plus rien. C’est pourquoi, nous tous nous nous croisons les bras et comptons sur les marches pour régler nos problèmes. La démocratie n’a pas évolué au Sénégal, elle régresse.

Êtes-vous du côté de ceux qui pensent qu’il faut un dialogue politique entre pouvoir et opposition pour sortir notre pays des crises multisectorielles ?

Absolument. C’est pourquoi, je dis que je ne suis pas contre le Front siggil Senegaal. Je suis pour des Assises nationales mais pas dirigées par ceux qui sont derrière ce Front siggil Senegaal. C’est parce que c’est obscur pour moi. Le Brds a été le premier parti à dire que le Sénégal ne pouvait sortir de ses problèmes que si l’on s’asseyait pour discuter. Le Sénégal est une terre de dialogue. On doit discuter entre nous. Que ça soit dans nos familles, dans la rue, on nous a appris à dialoguer. Tant qu’on n’a pas dialogué, on ira de problème en problème. Et c’est là qu’interviennent les entourages des chefs de parti. Tous les entourages en général ne veulent pas le dialogue. Parce que dans ce dialogue, eux, ils perdent leurs avantages. Et c’est aux chefs de partis de se rendre compte qu’on est en train d’hypothéquer l’avenir de nos enfants.

Notre force au Sénégal, c’est parce qu’on dialogue qu’on évite beaucoup de conflits. Même quand il y a des conflits, ils se terminent autour d’une table. Au lieu de terminer par un dialogue autour d’une table, commençons par un dialogue. Ça va nous épargner d’un conflit. Donc, il faut qu’on dialogue.

Que pensez-vous des intentions prêtées à Karim Wade de vouloir succéder à son père à la Magistrature suprême ?

Ce n’est pas pour succéder. Non. Il ne cherche même pas à succéder. Pour lui (Karim, ndlr), il est obligé de se présenter parce qu’il s’agit de défendre un système. Le parti libéral, depuis 2000, a installé un système qui doit mettre énormément de personnes en prison. Ce système doit perdurer jusqu’à leur mort. Ils sont obligés de rester au pouvoir jusqu’à leur mort. Dès qu’ils perdront le pouvoir le nouveau régime va les traîner devant les tribunaux. Donc, ce n’est pas un problème de succession. C’est une question de vie ou de mort. Pour eux, il doit y avoir de succession en succession pour rester cinquante ans au pouvoir. Jusqu’à ce que nous tous nous nous éteignions et eux également qu’ils meurent au pouvoir. Si jamais ils perdent le pouvoir, tous y compris leurs alliés et peut-être même moi qui vous parle, on devra répondre de chaque franc que nous avons eu du système libéral, et comment expliquer tout l’argent qui a été dilapidé par ce système.

À votre avis, vu l’âge avancé du président Wade, est-il opportun de poser le débat sur sa succession au pouvoir ?

On ne doit pas parler de succession. On n’est pas en royaume. Non. On doit aller aux élections et le meilleur va gagner. Quand tout le monde parle de succession, c’est quoi si c’est un roi qui doit disparaître ou laisser le pouvoir et il y aura une succession. On doit aller vers des élections libres et démocratiques. Il ne s’agit même pas de parler de succession. La Constitution dit que chaque cinq ans on doit tenir des élections. Donc, on doit aller aux élections. Lui, (Wade,ndlr) c’est au sein de son parti maintenant qu’ils vont voir est-ce qu’il doit être remplacé ou pas ? Ça ne m’intéresse pas de savoir si Wade restera secrétaire général du Pds ou pas. Mais je sais que c’est urgent pour le peuple sénégalais de remplacer et Wade et son système. C’est urgent. C’est vital pour nous.

Donc, là vous vous retrouvez dans le combat que mène le Front siggil Senegaal ?

Le Front siggil Senegaal, c’est un front constitué de hautains. La plupart des chefs de partis de cette coalition de l’opposition sont hautains. Je ne suis pas devin pour dire qu’ils font du bruit mais ils vont casser bientôt. Dès qu’on arrivera aux élections, ils ont donné cette habitude, tout le monde veut être devant. Si c’était un Front avec quelqu’un devant, il ferait beaucoup mal, il serait beaucoup plus contondant. Mais puisque c’est une façade, elle ne peut rien pénétrer. Ils auraient dû mettre devant quelqu’un que tout le monde accepterait de suivre. Comme disent les Gauchistes, les Socialistes, on va taire nos contradictions secondaires pour aller vers la contradiction primaire pour descendre le régime de Wade. Mais un front où tout le monde veut être devant ne peut pas faire ce travail. Parce que nous allons combattre en face un front dirigé par Wade, qui va faire mal. Wade, c’est un pic. Un front contre un pic, c’est toujours le pic qui va pénétrer dans le front. Donc, le Front siggil Senegaal doit pouvoir dire dès maintenant au peuple sénégalais qui il va mettre devant. Ils vont atteindre jusqu’à la veille des élections, et Moustapha Niasse ira d’un côté et Tanor de l’autre. Non. Le peuple veut savoir derrière qui il sera. Le peuple sénégalais est un peuple qui n’a pas de rétroviseur. Nous ne regardons pas dans notre passé. Le peuple sénégalais est généreux, il pardonne. Donc, vous faites des choses ignobles, vous revenez pour vous présenter, il n’y a pas de problème, vous avez des gens qui vont voter pour vous. Puisque le peuple sénégalais ne veut pas regarder dans le rétroviseur, ne veut pas de leçon historique, l’histoire va donc nous donner sa leçon.

Le Front siggil Senegaal est constitué de chefs de parti qui sont prétentieux. Ils ne reçoivent même pas le peuple et ils veulent diriger un pays. Il faut d’abord pouvoir recevoir les gens. Quand vous voulez voir un chef du Fss, il est plus facile de rencontrer Abdoulaye Wade qu’un secrétaire général du Fss. Il y a tellement de patrons dans leur parti. Pour voir un secrétaire général de parti, c’est tout un circuit. Il vous faut au moins trente personnes pour trente jours. Donc, je ne suis pas avec le Front siggil Senegaal, mais je ne suis pas contre lui.

Source: le Matin




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