Œil d’Afrique : Que pensez-vous du calendrier électoral publié récemment par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La CENI aurait été crédible si elle avait articulé le calendrier électoral dans un délai raisonnable et échelonné les différents scrutins de manière cohérente. Le fait d’avoir agi dans la précipitation, pour calmer le courroux des populations mécontentes et donner aux éventuels bailleurs de fonds l’impression de s’atteler sérieusement à la tâche, et programmé entre-temps des intervalles relativement courtes s’apparente à une manœuvre cousue de fil blanc. Cette mascarade relève, à mon avis, de l’inconscience. Ceux qui essaient de diviser à dessein les Congolais dans le seul espoir de garder le pouvoir le plus longtemps possible risquent d’être fatalement victimes de l’irresponsabilité dont ils ont fait preuve durant toute la mandature.
Œil d’Afrique : Comment pouvez-vous mettre en cause la sincérité de la CENI, alors que c’est un autre organisme qui a envisagé le recensement des populations en vue de prochains enjeux électoraux ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dans tout pays respectueux des fondamentaux propres à la démocratie et au progrès social, le recensement de la population est une opération capitale. C’est grâce aux données collectées à cette occasion que les petits et les grands projets concernant les administrés peuvent être pensés et réalisés. Rappelons que le recensement, outre les informations sur les caractéristiques de la population – âge, profession, moyens de transport, conditions de logement... –, permet de comptabiliser les personnes qui vivent dans un pays et d’établir la population officielle de chaque commune. Du nombre d’habitants dépendent également le nombre d’élus – au conseil communal, au parlement provincial et à l’Assemblée nationale –, la détermination du mode de scrutin, le nombre de pharmacies ou d’autres infrastructures comme les hôpitaux, les crèches, les écoles... Bref, le recensement permet de connaître la population, de définir les moyens de fonctionnement des collectivités territoriales en vue de la prise des décisions ou de l’adoption des mesures idoines.
Or, en République Démocratique du Congo, le président de la République et ses affidés ont voulu exploiter, à travers l’Office national de l’identification de la population (ONIP), le recensement pour une finalité purement politicienne, notamment dans le but de retarder les différents scrutins de 2016 et, surtout, de se maintenir au pouvoir au-delà du délai constitutionnel. Pour répondre à votre question, je n’aurais pas douté une seule seconde de la crédibilité de la CENI si celle-ci avait œuvré sérieusement en temps et en heure, et non dans la précipitation pour faire le jeu de la majorité kabiliste.
Œil d’Afrique :Ne croyez-vous pas que l’annonce du calendrier électoral montre toutefois le souhait du pouvoir en place à Kinshasa d’organiser les élections ? N’est-ce pas le gage d’une réelle volonté démocratique ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Une telle argumentation doit être soutenue devant les personnes qui veulent bien l’entendre. Je ne suis pas du tout un béotien, en matière de stratégie politique. Vouloir apprendre à un socialiste mitterrandien la manière de recourir au machiavélisme, cela revient à prendre politiquement un risque considérable.
Œil d’Afrique : Plus explicitement ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La CENI a proposé que le calendrier électoral commence par les élections locales et municipales, lesquelles n’ont jamais eu lieu depuis 2006, pour répondre à l’exigence de l’Accord de Sun City. Mais, comme la majorité kabiliste est en réalité minoritaire, elle n’a aucun intérêt à ce que le calendrier défini par la CENI soit respecté. Une défaite cuisante aux élections urbaines, communales et locales entraînera forcément une très large victoire de l’opposition aux élections provinciales, sénatoriales législatives et présidentielle. Tout a donc été minutieusement pensé pour que le calendrier électoral soit très serré, afin de pouvoir évoqué le moment venu l’impossibilité de le respecter. L’objectif de la majorité kabiliste consiste à reculer en 2017 les élections urbaines, communales et locales. Le peuple congolais doit veiller au grain pour que l’ordre du calendrier tel qu’articulé par la CENI ne soit pas inversé, voire repoussé sine die, pour la énième fois.
Œil d’Afrique : La loi électorale récemment promulguée par le président Joseph Kabila ne garantit-il pas, selon vous, un meilleur encadrement du processus électoral ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Comment voulez-vous que je fasse confiance à une loi injuste ? La Loi présentée par le Gouvernement et votée par le Parlement, promulguée dans la foulée par le président de la République après l’aval de la Cour Suprême de Justice, institution qui joue encore le rôle de la Cour constitutionnelle, légalise de facto l’inégalité des Congolais au regard de la représentativité politique. Elle doit être purement et simplement abrogée. Ainsi revient-il au peuple congolais de défaire pacifiquement dans la rue, en tant que souverain primaire, ce que le Gouvernement et le Parlement ont cyniquement concocté. Les Congolaises et les Congolais doivent réparer l’injustice flagrante que la Cour Suprême de Justice et la présidence de la République ont ignominieusement cautionnée. Face à la faillite des institutions étatiques, il revient au peuple congolais de rétablir l’ordre constitutionnel.
Propos recueillis par Roger Musandji
© Œil d’Afrique
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La CENI aurait été crédible si elle avait articulé le calendrier électoral dans un délai raisonnable et échelonné les différents scrutins de manière cohérente. Le fait d’avoir agi dans la précipitation, pour calmer le courroux des populations mécontentes et donner aux éventuels bailleurs de fonds l’impression de s’atteler sérieusement à la tâche, et programmé entre-temps des intervalles relativement courtes s’apparente à une manœuvre cousue de fil blanc. Cette mascarade relève, à mon avis, de l’inconscience. Ceux qui essaient de diviser à dessein les Congolais dans le seul espoir de garder le pouvoir le plus longtemps possible risquent d’être fatalement victimes de l’irresponsabilité dont ils ont fait preuve durant toute la mandature.
Œil d’Afrique : Comment pouvez-vous mettre en cause la sincérité de la CENI, alors que c’est un autre organisme qui a envisagé le recensement des populations en vue de prochains enjeux électoraux ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dans tout pays respectueux des fondamentaux propres à la démocratie et au progrès social, le recensement de la population est une opération capitale. C’est grâce aux données collectées à cette occasion que les petits et les grands projets concernant les administrés peuvent être pensés et réalisés. Rappelons que le recensement, outre les informations sur les caractéristiques de la population – âge, profession, moyens de transport, conditions de logement... –, permet de comptabiliser les personnes qui vivent dans un pays et d’établir la population officielle de chaque commune. Du nombre d’habitants dépendent également le nombre d’élus – au conseil communal, au parlement provincial et à l’Assemblée nationale –, la détermination du mode de scrutin, le nombre de pharmacies ou d’autres infrastructures comme les hôpitaux, les crèches, les écoles... Bref, le recensement permet de connaître la population, de définir les moyens de fonctionnement des collectivités territoriales en vue de la prise des décisions ou de l’adoption des mesures idoines.
Or, en République Démocratique du Congo, le président de la République et ses affidés ont voulu exploiter, à travers l’Office national de l’identification de la population (ONIP), le recensement pour une finalité purement politicienne, notamment dans le but de retarder les différents scrutins de 2016 et, surtout, de se maintenir au pouvoir au-delà du délai constitutionnel. Pour répondre à votre question, je n’aurais pas douté une seule seconde de la crédibilité de la CENI si celle-ci avait œuvré sérieusement en temps et en heure, et non dans la précipitation pour faire le jeu de la majorité kabiliste.
Œil d’Afrique :Ne croyez-vous pas que l’annonce du calendrier électoral montre toutefois le souhait du pouvoir en place à Kinshasa d’organiser les élections ? N’est-ce pas le gage d’une réelle volonté démocratique ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Une telle argumentation doit être soutenue devant les personnes qui veulent bien l’entendre. Je ne suis pas du tout un béotien, en matière de stratégie politique. Vouloir apprendre à un socialiste mitterrandien la manière de recourir au machiavélisme, cela revient à prendre politiquement un risque considérable.
Œil d’Afrique : Plus explicitement ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La CENI a proposé que le calendrier électoral commence par les élections locales et municipales, lesquelles n’ont jamais eu lieu depuis 2006, pour répondre à l’exigence de l’Accord de Sun City. Mais, comme la majorité kabiliste est en réalité minoritaire, elle n’a aucun intérêt à ce que le calendrier défini par la CENI soit respecté. Une défaite cuisante aux élections urbaines, communales et locales entraînera forcément une très large victoire de l’opposition aux élections provinciales, sénatoriales législatives et présidentielle. Tout a donc été minutieusement pensé pour que le calendrier électoral soit très serré, afin de pouvoir évoqué le moment venu l’impossibilité de le respecter. L’objectif de la majorité kabiliste consiste à reculer en 2017 les élections urbaines, communales et locales. Le peuple congolais doit veiller au grain pour que l’ordre du calendrier tel qu’articulé par la CENI ne soit pas inversé, voire repoussé sine die, pour la énième fois.
Œil d’Afrique : La loi électorale récemment promulguée par le président Joseph Kabila ne garantit-il pas, selon vous, un meilleur encadrement du processus électoral ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Comment voulez-vous que je fasse confiance à une loi injuste ? La Loi présentée par le Gouvernement et votée par le Parlement, promulguée dans la foulée par le président de la République après l’aval de la Cour Suprême de Justice, institution qui joue encore le rôle de la Cour constitutionnelle, légalise de facto l’inégalité des Congolais au regard de la représentativité politique. Elle doit être purement et simplement abrogée. Ainsi revient-il au peuple congolais de défaire pacifiquement dans la rue, en tant que souverain primaire, ce que le Gouvernement et le Parlement ont cyniquement concocté. Les Congolaises et les Congolais doivent réparer l’injustice flagrante que la Cour Suprême de Justice et la présidence de la République ont ignominieusement cautionnée. Face à la faillite des institutions étatiques, il revient au peuple congolais de rétablir l’ordre constitutionnel.
Propos recueillis par Roger Musandji
© Œil d’Afrique