Jeune Afrique
Élue le 20 janvier, la présidente de la transition a douze mois pour redresser le pays. Mais avec un État aussi délabré, difficile de croire que ce délai sera suffisant.
Jeune Afrique : Vous voyagez beaucoup dans la sous-région. Vous étiez en Angola puis au Gabon en mars. Dans quel but ?
Catherine Samba-Panza : Les présidents d’Afrique centrale se sont personnellement impliqués dans la résolution des crises centrafricaines. On parle d’accords "de Libreville" puis "de N’Djamena". C’est grâce à ces pays que des solutions ont été trouvées et que j’ai accédé à la magistrature suprême. Je leur manifeste ainsi ma gratitude. Par ailleurs, plusieurs appuis budgétaires ont été annoncés, mais il y a des problèmes de procédure avant les décaissements effectifs. J’assure donc le suivi.
L’État a versé des salaires en mars pour la première fois en cinq mois. Est-ce la fin de la crise budgétaire ?
Il est trop tôt pour le dire. L’État est dans une situation d’effondrement total. Mais l’appui de la communauté internationale commence à se mettre en place. Nous pouvons désormais garantir quelques mois de salaire.
Les forces centrafricaines ont été désarmées. Faut-il revenir là-dessus ?
La restauration de l’autorité de l’État est un impératif et nos forces de défense et de sécurité en sont un outil. Malheureusement, elles ne sont pas opérationnelles pour les raisons que vous évoquez. Pour le moment, c’est [la force française] Sangaris et la Misca [Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine] qui opèrent, mais nous avons mis à leur disposition des policiers et des gendarmes. Nous nous battons pour qu’ils soient équipés et réhabilités. Les Faca [Forces armées centrafricaines] constituent un autre problème. Leurs éléments ont été sélectionnés sur des critères essentiellement ethniques. Or nous voulons mettre sur pied une armée républicaine et représentative de toutes les régions du pays.
Cela passe-t-il par la réintégration d’ex-Séléka ?
Cela passera par l’intégration des fils et des filles de ce pays qui répondront à des critères objectifs. Si des éléments de l’ex-Séléka ou des anti-balaka y répondent, pourquoi pas.
La Centrafrique est-elle sous la tutelle de la communauté internationale ?
Non, nous sommes indépendants. Mais nous traversons des moments difficiles et les membres de la communauté internationale, dont nous faisons partie, se sentent obligés de nous accompagner.
Les ex-Séléka contrôlant l’est du pays, le territoire est de facto divisé. Redoutez-vous une partition ?
C’est une préoccupation. Mais nous n’acceptons pas cet état de fait. La Centrafrique est une et indivisible. Nous avons des échanges avec nos frères et nos soeurs qui se sont repliés dans la zone Est par mesure de sécurité. Nous voulons les rassurer, dans le cadre du processus de réconciliation.
Quitterez-vous le pouvoir en février 2015, date prévue pour la fin de la transition ?
Je suis légaliste. Je respecterai mes engagements, à savoir tenir le délai de douze mois qui m’a été imparti. Maintenant, si, sur le terrain, il est objectivement impossible de tenir ce délai à un ou deux mois près, il appartiendra aux forces vives de la nation de le dire. Je ne prendrai aucune initiative pour prolonger ce mandat, mais j’accompagnerai le processus jusqu’au bout.
Est-il possible d’organiser un scrutin crédible alors que nombre de vos concitoyens musulmans sont à l’étranger ?
Je ne lie pas le retour de nos frères exilés à l’organisation du scrutin. Il n’y a pas d’élection parfaite. Il faut que les personnes déplacées quittent les camps, mais le problème sécuritaire doit d’abord être réglé. Le déploiement d’une opération de maintien de la paix doit permettre de stabiliser le pays pour parvenir aux élections.
Ceux qui ont commis des actes graves devront en répondre.
On dit que la Séléka a généreusement distribué des passeports centrafricains. Va-t-il falloir faire un tri entre vos concitoyens ?
Il y a eu beaucoup d’abus dans l’octroi de ces passeports, il va falloir s’en préoccuper. Mais cela n’a rien à voir avec les élections. Par contre, des actes d’état civil devront être distribués pour identifier les électeurs.
Malheureusement, les préfectures, sous-préfectures et communes ont été pillées. Nous devrons repartir de zéro pour le recensement. Cela sera long, mais c’est un préalable. Si les élections se déroulent mal et que leurs résultats sont contestés, nous aurons perdu douze mois.
La Cour pénale internationale (CPI) dit s’intéresser à la Centrafrique. Coopérerez-vous avec elle ?
J’ai échangé avec la procureure de la CPI et lui ai affirmé être disposée à l’aider. Ceux qui ont commis des actes graves devront en répondre. Cela n’exclut pas de pardonner dans le cadre de la réconciliation.
Les anciens présidents Michel Djotodia et François Bozizé sont-ils libres de revenir en Centrafrique ?
Michel Djotodia ne fait pas l’objet d’une procédure. En revanche, des mandats d’arrêt ont été émis contre François Bozizé. Le jour où il reviendra, nous les ferons jouer.