Un universitaire, une mère de famille, un médecin et une journaliste. Depuis le début de l'offensive israélienne, il y a onze jours, ces quatre Gazaouis vivent littéralement coupés du monde. Les lignes téléphoniques ne marchent que rarement, et l'armée israélienne a instauré des check-points infranchissables sur tout le territoire. Tous les quatre issus de la classe moyenne, ils racontent par téléphone cette guerre à huis clos dont ils se sentent les otages.
Haider Eider, maître de conférences à l'université Al-Aqsa, habite à quelques centaines de mètres des bâtiments ministériels de la ville de Gaza, pilonnés par l'aviation israélienne. "La première fois que le complexe ministériel a été bombardé je dormais. Tout le bâtiment a tremblé. Les vitres ont éclaté tout autour de moi. Il y avait du verre partout dans ma chambre. J'ai eu de la chance d'être allongé à ce moment là. Je n'ai plus fermé l'œil depuis. A l'instant où je vous parle, je peux voir des hélicoptères, des F-16 et des drones par ma fenêtre. Toutes les cinq minutes, il y a des tirs d'artillerie, des tirs d'obus ou des attaques aériennes", raconte-t-il alors que résonnent derrière lui des détonations. "Vous entendez ? C'est l'artillerie."
Cet universitaire, qui se définit comme un laïc, n'a pas voté pour le Hamas en 2006. Malgré ses convictions, il ne lui viendrait pas à l'idée de tenir le vainqueur des dernières législatives pour responsable de la situation. "Ce n'est pas une guerre entre Israël et le Hamas, mais une remise en cause de l'existence même du peuple palestinien. Nous vivons cette agression comme une punition collective : nous sommes bombardés parce que nous avons porté le Hamas au pouvoir. C'est un crime de guerre et un crime contre la démocratie."
Selon lui, loin d'affaiblir le Hamas, l'attaque israélienne a soudé l'ensemble de la population contre "l'agresseur". "Mais la question dépasse largement le Hamas : parmi les combattants, il y en a de tous horizons. Il s'agit d'un mouvement de libération nationale. Cela me fait penser à ce qui s'est passé il y a deux ans au Liban. Israël voulait détruire les infrastructures du Hezbollah, qui est ressorti de cette guerre plus populaire que jamais..."
Nirmeen Kharme est une mère de famille vivant dans la ville de Gaza. Elle raconte sa lassitude de se battre pour élever ses trois enfants dans un territoire en état de siège permanent. "Nous sommes enfermés à la maison depuis onze jours. Ma belle-sœur et sa fille vivent avec nous. Ils habitaient au 4e étage, mais étaient terrifiés à cause des bombardements. Nous avons des stocks de nourriture. Nous avons l'habitude de ce genre de situation. Les enfants sont tellement stressés qu'ils mangent toute la journée. Gaza n'est pas un endroit pour élever des enfants..."
Cette mère de famille estime que le Hamas est en partie responsable de la situation. "Je n'ai jamais été partisane du Hamas et ne le serai jamais. Aujourd'hui, seule la nouvelle génération du Hamas se bat dans les rues. Où sont les autres ? Personne ne le sait. Ce n'est pas à nous de payer à leur place. Nul ne peut dire si le Hamas sortira renforcé de cette guerre. J'espère que non. J'aimerais tellement pouvoir vivre, simplement, comme un être humain..."
Hadi Abu Khusa dirige l'ONG Union of Palestinian Medical Relief Comites, qui gère des cliniques mobiles dans toute la bande de Gaza. Alors que des bruits d'explosions retentissent derrière lui, il explique en quoi le territoire est au bord de la "catastrophe humanitaire". "Si Israël ne fait rien pour aider les innocents qui habitent à Gaza, ils vont mourir. Faute d'électricité, nous n'avons plus assez d'eau pour satisfaire nos besoins. Vous imaginez ! L'eau, c'est comme l'oxygène. Dans les supermarchés, on ne trouve plus rien, plus de fruits, plus de pain. Nous mangeons des patates et des œufs..."
Selon lui, 95 % des blessés admis dans les hôpitaux sont des civils. Et ses équipes n'ont plus assez de médicaments pour s'occuper de toutes les victimes. M. Abu Khusa ne veut pas se laisser abattre – "nous continuons à travailler", dit-il – mais un sentiment d'impuissance se dégage de son discours. "Nos équipes médicales ont de plus en plus de mal à intervenir. L'armée israélienne a coupé la bande de Gaza en trois. Personne ne peut passer d'une zone à l'autre. A la morgue, des corps anonymes s'entassent que personne ne peut venir identifier..."
Fida Qishta habite à Rafah. La voix atone, cette journaliste indépendante dit ne pas comprendre pourquoi Israël s'en prend aux civils. "Les F-16 sillonnent le ciel jour et nuit. Ils bombardent tout ce qui pourrait aider les Palestiniens à construire leur pays : les écoles, les ministères, les routes et même les maisons. Dans le nord, ils disent aux civils d'évacuer leurs domiciles, puis les bombardent ! Ils visent aussi les mosquées, tous les musulmans, sans distinction. Une centaine d'enfants ont perdu la vie depuis dix jours. Pourquoi ? Hier, des enfants du voisinage sont morts alors qu'ils jouaient devant chez eux... Aujourd'hui, j'ai entendu que sept enfants ont été tués avec leur famille dans le bombardement de leur maison à Gaza... Vous imaginez ? Il faut que le monde réalise ce qui se passe ici."
Source:
www.lemonde.fr/
Haider Eider, maître de conférences à l'université Al-Aqsa, habite à quelques centaines de mètres des bâtiments ministériels de la ville de Gaza, pilonnés par l'aviation israélienne. "La première fois que le complexe ministériel a été bombardé je dormais. Tout le bâtiment a tremblé. Les vitres ont éclaté tout autour de moi. Il y avait du verre partout dans ma chambre. J'ai eu de la chance d'être allongé à ce moment là. Je n'ai plus fermé l'œil depuis. A l'instant où je vous parle, je peux voir des hélicoptères, des F-16 et des drones par ma fenêtre. Toutes les cinq minutes, il y a des tirs d'artillerie, des tirs d'obus ou des attaques aériennes", raconte-t-il alors que résonnent derrière lui des détonations. "Vous entendez ? C'est l'artillerie."
Cet universitaire, qui se définit comme un laïc, n'a pas voté pour le Hamas en 2006. Malgré ses convictions, il ne lui viendrait pas à l'idée de tenir le vainqueur des dernières législatives pour responsable de la situation. "Ce n'est pas une guerre entre Israël et le Hamas, mais une remise en cause de l'existence même du peuple palestinien. Nous vivons cette agression comme une punition collective : nous sommes bombardés parce que nous avons porté le Hamas au pouvoir. C'est un crime de guerre et un crime contre la démocratie."
Selon lui, loin d'affaiblir le Hamas, l'attaque israélienne a soudé l'ensemble de la population contre "l'agresseur". "Mais la question dépasse largement le Hamas : parmi les combattants, il y en a de tous horizons. Il s'agit d'un mouvement de libération nationale. Cela me fait penser à ce qui s'est passé il y a deux ans au Liban. Israël voulait détruire les infrastructures du Hezbollah, qui est ressorti de cette guerre plus populaire que jamais..."
Nirmeen Kharme est une mère de famille vivant dans la ville de Gaza. Elle raconte sa lassitude de se battre pour élever ses trois enfants dans un territoire en état de siège permanent. "Nous sommes enfermés à la maison depuis onze jours. Ma belle-sœur et sa fille vivent avec nous. Ils habitaient au 4e étage, mais étaient terrifiés à cause des bombardements. Nous avons des stocks de nourriture. Nous avons l'habitude de ce genre de situation. Les enfants sont tellement stressés qu'ils mangent toute la journée. Gaza n'est pas un endroit pour élever des enfants..."
Cette mère de famille estime que le Hamas est en partie responsable de la situation. "Je n'ai jamais été partisane du Hamas et ne le serai jamais. Aujourd'hui, seule la nouvelle génération du Hamas se bat dans les rues. Où sont les autres ? Personne ne le sait. Ce n'est pas à nous de payer à leur place. Nul ne peut dire si le Hamas sortira renforcé de cette guerre. J'espère que non. J'aimerais tellement pouvoir vivre, simplement, comme un être humain..."
Hadi Abu Khusa dirige l'ONG Union of Palestinian Medical Relief Comites, qui gère des cliniques mobiles dans toute la bande de Gaza. Alors que des bruits d'explosions retentissent derrière lui, il explique en quoi le territoire est au bord de la "catastrophe humanitaire". "Si Israël ne fait rien pour aider les innocents qui habitent à Gaza, ils vont mourir. Faute d'électricité, nous n'avons plus assez d'eau pour satisfaire nos besoins. Vous imaginez ! L'eau, c'est comme l'oxygène. Dans les supermarchés, on ne trouve plus rien, plus de fruits, plus de pain. Nous mangeons des patates et des œufs..."
Selon lui, 95 % des blessés admis dans les hôpitaux sont des civils. Et ses équipes n'ont plus assez de médicaments pour s'occuper de toutes les victimes. M. Abu Khusa ne veut pas se laisser abattre – "nous continuons à travailler", dit-il – mais un sentiment d'impuissance se dégage de son discours. "Nos équipes médicales ont de plus en plus de mal à intervenir. L'armée israélienne a coupé la bande de Gaza en trois. Personne ne peut passer d'une zone à l'autre. A la morgue, des corps anonymes s'entassent que personne ne peut venir identifier..."
Fida Qishta habite à Rafah. La voix atone, cette journaliste indépendante dit ne pas comprendre pourquoi Israël s'en prend aux civils. "Les F-16 sillonnent le ciel jour et nuit. Ils bombardent tout ce qui pourrait aider les Palestiniens à construire leur pays : les écoles, les ministères, les routes et même les maisons. Dans le nord, ils disent aux civils d'évacuer leurs domiciles, puis les bombardent ! Ils visent aussi les mosquées, tous les musulmans, sans distinction. Une centaine d'enfants ont perdu la vie depuis dix jours. Pourquoi ? Hier, des enfants du voisinage sont morts alors qu'ils jouaient devant chez eux... Aujourd'hui, j'ai entendu que sept enfants ont été tués avec leur famille dans le bombardement de leur maison à Gaza... Vous imaginez ? Il faut que le monde réalise ce qui se passe ici."
Source:
www.lemonde.fr/