crise centrafricaine
1. Contexte
Les crises centrafricaines des 25 dernières années 1990 ont conduit à l’adoption de plusieurs accords issus des multiples dialogues de réconciliation nationale et de paix. Les acteurs politiques et militaires centrafricains ont certainement les responsabilités qui ont eu un impact considérable sur la mobilisation nationale. Ces différentes crises sont à relativiser avec le conflit actuel durant la période BOZIZE et post-BOZIZE.
Il est néanmoins important de replacer les événements de 2005 à 2013 dans un contexte historique plus large ayant dégénéré aux récentes horreurs.
Les exactions des éléments incontrôlés des Ex-SELEKA et autres milices de BOZIZE déguisés en SELEKA et la répression contre l’insurrection du 05 décembre 2013 résultent de l’incapacité des acteurs politiques à juguler et à gérer la crise. Les violences n’ont pu être stoppées par les autorités en charge de la gestion du territoire.
Néanmoins, les atrocités perpétuées contre les populations civiles musulmanes centrafricaines comme étrangères sont inacceptables. Les massacres des Musulmans et des Chrétiens des préfectures de la Vakaga et de Bamingui-Bangoran et autres chrétiens du Nord-est ayant servi le régime du Président Michel DJOTODIA ne s’inscrivaient pas encore dans une logique de purification confessionnelle.
Par contre, la destruction des mosquées et Corans, l’anthropophagie, l’incapacité des forces étrangères à protéger les musulmans après la démission du Président DJOTODIA, la fuite massive des musulmans vers le Nord-est pour éviter les massacres des ANTIBALAKA et les persécutions du gouvernement et le non-respect des accords de NDJAMENA pour le partage des pouvoirs sont des résultats de la création de rupture. La similitude de la crise avec celle beaucoup plus complexe de l’empire ottoman et des Balkans des années 1880 oriente la crise vers les signes forts de la partition de fait à court et moyen terme.
La crise centrafricaine a atteint son paroxysme où il est impossible d’effacer les horreurs actuelles. Les puissances étrangères n’arrivent pas à contenir les protagonistes. Le conflit dépasse le cadre des affrontements entre Ex-SELEKA et ANTI-BALAKA. Les guérillas s’organisent pour la vengeance car les éleveurs dans le Nord-ouest ont été exterminés et leur bétail emporté, les musulmans natifs des préfectures de NANA-MAMBERE et MAMBERE-KADEI sont dépouillés de tous leurs biens et leurs habitations détruites. Ils n’ont pas d’autres issues et solutions pour l’instant que de se venger.
L’avancée des Antibalaka là où il y’a la présence des forces françaises de SANGARIS (Bambari, Grimari…) sont des faits qui vont pousser les uns et les autres à la conquête des territoires et qui corroborent l’idée que les forces étrangères actuelles n’arrivent pas à juguler la crise. A la longue, on risque d’assister aux soutiens de chaque force en présence par les puissances étrangères et le conflit peut prendre la forme de la guerre du BIAFRA au Nigéria de 1967 à 1970.
Cette situation montre que la France aide les protagonistes à se combattre pour accentuer la crise humanitaire et de là drainer des financements. La diplomatie française actuelle est en ménopause et cherche à tirer le conflit.
Tous ses évènements concourent à la prolongation du mandat des forces françaises et contribuent au projet de la partition même si la France n’est pas d’accord.
Les échanges de Brazzaville si elle a lieu avec les vrais acteurs pourront amorcer un début de solution interne et inter-centrafricain et des propositions pour la communauté internationale afin d’enclencher les actions concrètes à la résolution de ce conflit politico-confessionnel.
2. Préalables aux échanges:
- Renforcement et application de l’Accord politique de N’Djamena de janvier 2014 :
o Mise en place d’un nouveau gouvernement avec Primature et ministère de Défense aux Ex-Séléka et partage équitable des autres postes ministériels entre chrétiens et musulmans ;
o Insertion dans la nouvelle Constitution de la République avec la création des fédérations des provinces du Nord-est et le partage des pouvoirs entre les communautés chrétiennes et musulmanes ;
- Rétablissement des salaires de la fonction publique de tous les agents cadres civils et militaires musulmans (3000 fonctionnaires) ;
- Participation représentative des communautés et des cadres du Nord-est, des musulmans du Nord-ouest et de Bangui au forum.
3. Acteurs : L’identification des acteurs clés pour ce forum est déterminante pour la réussite des échanges. Ce sont principalement :
- Les responsables militaires et politiques des forces républicaines (ex-Séléka) ;
- Les responsables politiques et militaires des anti-Balaka ;
- Les responsables des communautés musulmanes du nord-est, du nord-ouest et de Bangui ;
- Les responsables des confessions religieuses ;
- Les représentants des principaux groupes ethniques pour chaque préfecture ;
- Les représentants des éleveurs peulhs ;
- Le Président et les membres concernés du conseil national de transition ;
- Le pouvoir public ;
- Le patronat ;
- Les chercheurs porteurs des communications sur la crise ;
- Les universitaires comme modérateurs des échanges ;
- Les représentants des officiers musulmans des forces armées centrafricaines (FACA) en exil ou à Bangui probablement radiés du contrôle des armées ;
- Les représentants officiers loyalistes de l’armée centrafricaine ;
- Les leaders des groupes des partis politiques ;
- Les leaders des organisations de la société civile ;
- Les représentantes des organisations des femmes ;
- Les représentants des organisations des jeunes ;
- La presse privée et publique nationale.
NB : L’invitation des Anciens Présidents de la République peut faciliter la compréhension de la crise et l’orientation des solutions.
4. Points de vue : Deux points de vue sont à inscrire aux menus des échanges :
o Point de vue N°1 : Vivre ensemble= Bases d’une reconstruction identitaire nationale et réconciliation durable
- Démission de la Présidente de la République et du gouvernement de Transition ;
- Nouvel ordre institutionnel avec un Président de la République musulman pour une durée de trois (3) ans ;
- Mise en place d’un fonds de soutien pour les réparations des biens des populations victimes, des mosquées, églises… ;
- Elaboration d’une nouvelle Constitution : insertion des questions de partage des pouvoirs entre musulmans et chrétiens, questions identitaires et de citoyenneté et de création de fédérations ;
- Fonds d’appui aux projets de développement des provinces du nord-est avec comme les responsables des projets, les ressortissants de la région ;
- Création d’une nouvelle armée nationale avec toutes les forces citoyennes au service de la nation et son renforcement des capacités pour protéger l’intégrité territoriale ;
- Mesures correctives pour les disparités politiques, sociales et économiques ;
- Accords sur la répartition et la gestion des richesses.
- Point de vue N°2 : Non respect et reconnaissance de la citoyenneté des musulmans et de partage des pouvoirs
- Choc de société avec degré de haine et division élevé entre les communautés religieuses ;
- Cohabitation confessionnelle difficile et incompatibilité d’humeur nationale entre chrétiens et musulmans ;
- Autodétermination et partition ;
- Questions de limites territoriales, d’échange de populations et de partage des richesses ;
- Elaboration d’esquisse des nouvelles Constitutions.
5. Thématiques possibles à aborder
Thématique N°1 : Fondements et constitution de la nation centrafricaine : communautés, peuples, religions, territoire, groupes ethniques et leurs terroirs
Thématique N°2 : Problèmes de la société et crises militaro-politiques : responsabilités, accords et limites d’application
Thématique N°3 : Etat des lieux de la société centrafricaine : causes, motivations et conséquences des fractures ethno-religieuses et justice pour les victimes
Thématique N° 4 : Enjeux socio-économiques et exploitation des ressources naturelles (diamant, pétrole, uranium…) : Examen des accords de partenariat, gestion et répartition des richesses
Panel 1: Efforts de la CEEAC, Union Africaine et Communauté internationale : Diagnostic du conflit, bilan à mi-parcours et perspectives
Panel 2 : Forces françaises SANGARIS et la MISCA : Missions, forces et faiblesses
Panel 3 : Crise humanitaire et sécuritaire : aides et soutien post-conflits
Les attentes de ce forum sont pathétiques si les débats francs sont abordés lors des échanges. Une nouvelle chance pour les acteurs centrafricains et internationaux de s’illustrer réellement dans la résolution de ce conflit politico- confessionnel à tendance génocidaire.
Docteur HAMAT MAL-MAL Essène
Enseignant –chercheur à l’Université de Bangui
Président du FPL
00236 75 45 96 50
Email : malmalesseine@yahoo.fr