Pour une coopération au service du développement du Tchad : mettre en valeur les opportunités offertes par la Suisse.
Que peut tirer le Tchad de sa coopération avec la Suisse et des nombreuses organisations internationales basées à Genève ?
Dans le présent article, nous nous proposons de nous intéresser d’abord à la coopération bilatérale avec la Suisse, et à d’autres éléments susceptibles de faciliter le développement du Tchad. Ensuite, nous reviendrons ultérieurement dans un autre article sur les opportunités techniques et scientifiques au niveau multilatéral par le biais des institutions internationales.
Historiquement, la coopération de la Suisse avec le Tchad date de 1965 ; une coopération tournée essentiellement vers le développement de l’agriculture et de l’élevage, l’accès aux soins de santé et l’éducation de base. L’engagement de la Suisse envers le Tchad est passé de 15.42 millions de francs suisse en 2007 à environ 12.50 millions en 2009 soit une baisse d’environ 19% en deux ans. Pour ce qui est de la nature de cette coopération au développement, plus de détails peuvent être trouvés sur le site www.swiss-cooperation.admin.ch/tchad/ . Ce que nous relevons, c’est que dans les secteurs de la coopération au développement économique ainsi que de la formation et de la recherche, la contribution reste marginale par rapport aux besoins réels du Tchad dans ces domaines ; ce qui en fait des pistes que notre diplomatie doit explorer davantage et développer dans le cadre de la coopération avec la Suisse.
Une nouvelle dynamique diplomatique nous permettrait d’aller au-delà de cette coopération traditionnelle et de bénéficier des atouts suisses dans certains domaines essentiels pour le développement de notre pays : les domaines de l’enseignement (supérieur, technique, professionnel), de la santé, de la production de l’électricité à base de l’énergie solaire ainsi que dans les domaines du commerce, des assurances et des banques, de l’horlogerie, de l’environnement, etc.
En effet, les cantons suisses ont une certaine autonomie et de nombreuses opportunités. Il nous semble judicieux d’aller au-delà du niveau fédéral pour s’intéresser aux cantons et tirer profit de leur différentiel de potentiels. A titre illustratif, les écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne possèdent de multiples atouts dans les domaines de la formation, de la recherche, de l’innovation et de la valorisation de haut niveau international, avec d’importants laboratoires et groupes de recherche. Certains de leurs centres d’intérêt sont essentiels pour le Tchad, entre autres l’ingénierie, l’informatique et la communication, la construction, l'architecture, l’énergie solaire, l'environnement…
A Genève, sur le plan médical, le Tchad peut bénéficier des avancées significatives dans les domaines de spécialisation, notamment dans les secteurs de la cardiologie, de la chirurgie, de la pédiatrie, de la gynécologie-obstétrique, de l’ORL, de l’ophtalmologie… ; des domaines où les professionnels tchadiens sont en retard en matière d’avancées scientifiques, techniques et technologiques. Dans notre pays, le nombre de médecins spécialistes reste insignifiant par rapport à celui de généralistes. A l’instar d’autres pays, il est vital que le Tchad progresse de ce point de vue au regard de l’évolution de la nature de maladies en Afrique et au Tchad.
A ce titre, les opportunités genevoises sont à explorer et exploiter d’autant plus qu’on a une représentation diplomatique à Genève.
A Saint-Gall, dans le domaine du textile, le Tchad peut bénéficier du potentiel technique et technologique dont dispose ce canton. A titre illustratif, des grosses industries saint-galloises produisent des tenues vestimentaires très prisées au Tchad : le Laffaye pour les femmes (communément appelé "coton suisse"), le jasner, chadda et autre tissu de gadmoul pour les hommes. Le nombre de consommateurs de ces produits en provenance de Saint-Gall reste considérable. Le Tchad étant un des grands pays producteurs du coton, il serait intéressant qu’il y ait un transfert de technologie, notamment à travers la formation et la coopération technique, entre ce canton et le Tchad pour valoriser le coton tchadien sur le plan industriel, vestimentaire et commercial. C’est un marché important et en pleine croissance ; le Tchad a les capacités d’aller dans cette direction, à condition qu’on cesse d’utiliser les prérogatives diplomatiques pour s’ériger en commerçants et transitaires de toutes sortes dans l’unique but d’accumuler des profits personnels.
D’autres cantons sont aussi intéressants (Neuchâtel, Bâle, Berne…) en ce qui concerne l’horlogerie, l’aviation, les statistiques et les études économétriques, etc. Même au niveau de la diaspora tchadienne en Suisse, il y a des pistes à explorer.
La communauté tchadienne en Suisse est estimée autour de 150 personnes. La plupart d’entre eux sont des fonctionnaires internationaux, des agents de Banques, des travailleurs dans diverses entreprises, des écrivains, des étudiants etc. Même si leurs apports restent discrets, ils sont efficaces et leurs valeurs ajoutées sont non négligeables au Tchad. Ils peuvent fournir des médicaments, des ordinateurs et autres matériels utiles au pays si l’ambassade est en mesure de prendre en charge leur acheminement.
C’est une diaspora qui est déjà active au service du développement du Tchad et qui peut en faire davantage à condition que les autorités tchadiennes, par le biais de sa représentation diplomatique, en prennent conscience et mettent tout en oeuvre pour consolider ces apports, notamment à travers des consultations formelles et régulières. Mais malheureusement, on observe des tentatives de manipulation politique nuisibles à la poursuite et à l’efficacité de cette dynamique de la diaspora dans le sens du développement, du fait que ces tentatives s’opposent à l’harmonie dans laquelle vit depuis longtemps la communauté tchadienne en Suisse. Ce qui impose une vigilance de tous les instants afin de ne pas céder à ces manipulations.
Ce ne sont là que des aperçus des potentialités suisses dont peut bénéficier le Tchad ; un travail de fond est nécessaire pourvu que l’ambassade du Tchad à Genève accepte de s’y mettre. Pour cela elle doit cesser de se cacher derrière la question de la défense et de la promotion des droits de l’homme pour ne rien faire.
Comme le décrivait si bien la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la liberté, l’égalité, la justice et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples africains. Cette question des droits de l’homme est souvent galvaudée et chacun tire la couverture de son côté en fonction de ses intérêts. En effet, aux côtés de certaines "associations et ONG" amateuristes, il existe malheureusement des responsables d’institutions diplomatiques qui utilisent les droits de l’homme pour faire de la manipulation politicienne et ainsi assurer leur carrière ou sécuriser leurs postes en endormissant les plus hautes autorités de l’Etat par des discours qui caressent les oreilles de ces dernières.
Arrêtons nous un peu sur le cas de notre représentation diplomatique en Suisse. Il y a des priorités socio-économiques plus importantes. Cependant, on s’agite beaucoup autour de la question des droits de l’homme, non pas par souci de promouvoir les valeurs humaines, mais pour focaliser l’attention des dirigeants sur cette question pour leur faire croire qu’on les protège contre des soi-disant discours qui remettent en question la promotion et la défense des droits de l’homme au Tchad.
En réalité, le souci de certains de nos ambassadeurs, c’est de rendre la question tellement sensible pour montrer au ministre ou au Chef de l’Etat qu’ils sont les garants et les protecteurs de l’image du gouvernement ; l’objectif caché étant de garder leurs postes et les privilèges y afférents. On n’hésite pas à s’agiter pour que les autorités tchadiennes ayant en charge les droits de l’homme puissent faire le déplacement de Genève et assister à telle ou telle autre rencontre sur les droits de l’homme ; un déplacement qui se solde le plus souvent par plus de tourisme au bord du lac Leman que de réels apports au niveau tchadien. Cela pour uniquement montrer aux plus hautes autorités de l’Etat qu’on tient à elles et derrière, on n’hésite pas à cracher dans la soupe. Ce n’est qu’une agitation politico-diplomatique sournoise qui dessert les intérêts de l’Etat et du gouvernement au profit des intérêts particuliers.
La question des droits de l’homme devrait être prise avec une certaine éthique politique et diplomatique pour mieux convaincre les partenaires qui s’interrogent légitimement sur cette problématique et les amener à s’intéresser et à investir au Tchad. Par ailleurs, le développement socio-économique est indispensable pour la pleine réalisation des droits de l’homme, ce qui rend fondamentale la mise en valeur des potentialités suisses évoquées plus haut au profit du Tchad.
Au lieu que certains de nos représentants diplomatiques utilisent leurs prérogatives pour leurs propres profits, il serait institutionnellement raisonnable, socio-économiquement pertinent et politiquement efficace que, dans le cadre de la coopération bilatérale, l’ambassade puisse répertorier les opportunités importantes qui s’offrent au Tchad dans les pays hôtes et travailler avec les départements ministériels concernés, notamment celui de l’économie et du plan, du commerce, de l’industrie et de l’énergie, de l’enseignement, de la santé… pour mieux exploiter et mettre en valeur ces opportunités au profit des tchadiens et de l’image du Tchad.
Ce qui exige une certaine capacité et flexibilité diplomatique, et que nos représentations diplomatiques soient confiées à des dirigeants crédibles. Le Tchad dispose d’un nombre important de tchadiens et de tchadiennes crédibles, responsables, respectables et respectés, dans les institutions nationales, régionales et internationales, même dans certaines de nos ambassades. Ces tchadiens vont au-delà des considérations mesquines de certains de nos ambassadeurs et n’épargnent pas leurs efforts pour mener un véritable travail d’hommes d’Etat. Ils mettent en avant le Tchad et ses atouts, ils font tout ce qui est nécessaire non seulement pour promouvoir le développement du Tchad mais aussi pour contribuer à rehausser son image et sa place dans le concert des nations. Ils n’hésitent pas à se servir des outils et de l’espace médiatiques pour promouvoir la visibilité et les potentialités du Tchad afin de pousser les partenaires à s’intéresser à notre pays, à l’opposé de ceux qui s’efforcent de garder le Tchad dans l’ombre de peur que leurs magouilles ne soient révélées.
Parmi ces hommes et femmes de référence, on peut citer Mahamat Saleh Annadif (ancien ministre et actuel Représentant de l’Union africaine à Bruxelles), Mariam Mahamat Nour (ancienne ministre et actuelle Représentante de la FAO au Mali), Gali Ghoté (directeur de cabinet du Premier ministre), le professeur Avouksouma Djona (ancien ministre), Acheikh Ibn Oumar (ancien ministre, ancien ambassadeur), Yaldet Begoto Oulatar (membre du HCC), Ahmad Allam-Mi (ancien ministre et actuel Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à New York), Mahamat Ahmat Alhabo (ancien ministre et ancien ambassadeur), l’ambassadeur du Tchad en Chine, celui de la Russie et bien d’autres à tous les niveaux administratifs et professionnels. Certes, on peut avoir des critiques ou des reproches à leur égard, mais on ne peut pas faire abstraction de leurs compétences et de leur respectabilité dans l’opinion nationale ou internationale. De ce point de vue, ils peuvent inspirer non seulement les jeunes générations, mais aussi certains de nos dirigeants. Cela nous semble important ; comme le disait notre compatriote Enoch DJONDANG "L’Administration publique [tchadienne] est très malade et saturée de fainéants : les postes de responsabilité sont à durée très éphémères et sujets à des luttes âpres entre clans politiques et tribaux, avec marabouts lugubres en renfort".
Soulignons, en passant, qu’un ambassadeur n’est pas un chef de service du protocole et d’accueil, un secrétaire particulier ou chargé de prise des rendez-vous des ministres, ou encore chargé uniquement d’apposer sa signature sur des documents rédigés par ses techniciens . Une représentation diplomatique, quelle que soit sa taille – à plus forte raison celle qui s’occupe à la fois du bilatéral et du multilatéral, a besoin à sa tête d’une personnalité qui est techniquement, socialement et politiquement à la hauteur de la tâche qui lui incombe.
Certes, il se pose la question des liens entre le système et l’individu ainsi que des marges de manœuvre de l’individu dans le système. Ce que nous pouvons simplement relever, c’est que le système émane des individus, et si on veut qu’un système inefficace change d’orientation, il est nécessaire qu’une personne capable de mener à bien un travail d'intérêt général soit mise au cœur de nos préoccupations, et par conséquent, cette personne pourra entraîner dans sa sphère de compétence la collectivité dans une dynamique progressiste. Le système ainsi amélioré pourra à la longue produire des acteurs à la hauteur des objectifs recherchés. Une prise de conscience collective de l'idéal national qu'on se fixe ou du moins de la bonne conduite des affaires publiques s'avère indispensable.
Au terme de cet article, rappelons que les temps ont changé et que, de ce fait, les structures mentales et les cadres de références doivent évoluer au Tchad. Le débat d’idées, critique, ouvert et constructif, dans lequel les citoyens puissent exprimer leur opinions, voire leurs désaccords, reste un des moyens essentiels pour cette évolution.