Décryptage de Phlippe - Propos recueillis par Liliane Charrier - TV5
Exactions ou diffamation ? Que s'est-il réellement passé ?
Les informations divergent. Ce qui est certain, c'est que les forces tchadiennes se sont retrouvées dans une position très ambiguë, à la fois juge et partie, dans un conflit qui a changé de nature.
On sait que la Seleka était composée, entre autres, de Tchadiens, que les forces tchadiennes ont laissé passer les ex-Seleka lorsque Djotodia est arrivé au pouvoir et que les Tchadiens ont davantage protégé les ex-Seleka. On sait aussi que les Tchadiens, lorsque le conflit a pris une autre dimension avec les exactions des milices anti-balaka contre les musulmans, ont joué un rôle essentiel dans l'évacuation de populations très vulnérables - Peuls, Maliens, Haoussas qui, pourtant, n'ont pas grand-chose à voir avec les ex-Seleka.
En même temps, les forces tchadiennes sont indispensables au processus de sécurisation du territoire. Sont-elles vraiment reparties vers le Tchad ? Resteront-elles dans les zones de l'est contrôlées par les ex-Seleka ? Va-t-il y avoir des négociations avec Idris Deby ? Ces questions restent en suspens. Toujours est-il que le départ des Tchadiens ne fait qu'aggraver la situation en Centrafrique. Car les forces tchadiennes sont stratégiques : elles sont les plus structurées de la Misca et le Tchad joue traditionnellement un rôle central dans les sorties de crise en Centrafrique.
Qui va remplacer les 850 soldats tchadiens ? Les 800 soldats des forces européennes ?
Les 800 hommes des forces européennes ne pourront pas remplacer les forces tchadiennes, même si elles sont à peu près équivalentes en nombre d'hommes. Tout d'abord parce que leurs fonctions, leurs mandats et leurs lieux de déploiement sont différents - dans le nord et à l'est pour les Tchadiens ; à Bangui et autour de l'aéroport pour les Européens. Et aussi parce que les Tchadiens, en tant qu'Africains, ne peuvent pas être taxés d'être des représentants des puissances occidentales.
Bien sûr, après plusieurs mois d'atermoiement, on ne peut que se féliciter que l'Europe, enfin, accepte de s'engager et d'envoyer des hommes en renfort - même si, à part la Pologne, seuls des petits pays participent. Reste que nombre global des renforts demeure largement insuffisant.