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AFRIQUE

Sahel : Conclusions opérationnelles de la réunion des Chefs des Services de Renseignement


- 20 Mai 2014



Sahel : Conclusions opérationnelles de la réunion des Chefs des Services de Renseignement
CONCLUSIONS OPÉRATIONNELLES
 
1.             La 5ème réunion des Chefs des Services de Renseignement et de Sécurité (CSRS) des pays de la région sahélo-saharienne s'est tenue à Ouagadougou, les 19 et 20 mai 2014. Les pays suivants ont participé à la réunion: Algérie, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad. Outre la Commission de l'Union africaine (UA), la Mission de l’UA pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), le Centre africain d'Étude et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT), le Comité des Services de Renseignement et de Sécurité d’Afrique (CISSA), l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL), la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) et la Capacité régionale de l’Afrique du Nord (NARC), ainsi que le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), ont également pris part à la réunion.
 
2.             La réunion a eu lieu dans le cadre du Processus de Nouakchott sur le renforcement de la coopération sécuritaire et l'opérationnalisation de l'Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) dans la région sahélo-saharienne. Elle a fait suite aux précédentes réunions des CSRS des pays de la région, tenues respectivement à Bamako, le 18 avril 2013, à Abidjan, les 20 et 21 juin 2013, à Ndjamena, le 10 septembre 2013, et à Niamey, les 17 et 18 février 2014.
 
3.             La cérémonie d’ouverture a été marquée par les allocutions prononcées par le Général Gilbert Diendéré, Chef de l’État-major particulier de la Présidence du Faso, l'Ambassadeur Smaïl Chergui, Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l'UA, et le Dr. Jérôme Bougouma, Ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité du Burkina Faso.
 
I.               Revue de l’évolution de la situation sécuritaire dans la région sahélo-saharienne
 
4.             La réunion a procédé à une revue de l'évolution de la situation sécuritaire dans la région, sur la base de la présentation d’ensemble faite par le Haut Représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel, l’ancien Président Pierre Buyoya, ainsi que des contributions du CAERT, du CISSA, de l’UFL et des pays de la région.
 
5.             À cet égard, les participants ont noté les développements préoccupants intervenus depuis leur dernière réunion. Ils ont notamment relevé, avec une grave préoccupation, la poursuite des tentatives de regroupement des entités terroristes au Nord du Mali, la multiplication de leurs attaques, y compris le recours à des engins explosifs improvisés, contre l’armée malienne, la Mission multidimensionnelle  intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et les forces de l’Opération Serval, ainsi que les sérieux incidents survenus à Kidal à la suite de la visite du Premier ministre malien dans cette partie du territoire national. Ils ont noté les conséquences humanitaires résultant de cette insécurité. Les participants ont également exprimé leur profonde inquiétude face à l’intensification de la campagne de terreur menée par le groupe Boko Haram, comme l’atteste l’enlèvement de plus de 200 jeunes collégiennes au Nord-Est du pays. Les participants ont réitéré la préoccupation de la région face à l’évolution de la situation en Libye, marquée par une nouvelle escalade de la violence et l’affaiblissement de l’autorité de l’État, avec le risque de sanctuarisation de groupes terroristes en certaines parties du pays. Enfin, les participants ont relevé les multiples saisies de drogue opérées ces derniers mois, qui témoignent de l’ampleur du trafic illicite des stupéfiants dans la région, ainsi que des liens croissants entre terrorisme et criminalité transnationale organisée.
 
6.             Les participants ont noté la menace persistante que fait peser la radicalisation religieuse, qui offre un terreau favorable au recrutement d’éléments terroristes et criminels. Ils ont souligné la nécessité, sur la base des expériences nationales pertinentes, d’entreprendre des actions plus vigoureuses pour faire face à ce phénomène, y compris la surveillance et le suivi des activités de prêcheurs étrangers qui opèrent dans des communautés et régions isolées et propagent des conceptions intolérantes de la religion.
 
7.             Les participants se sont réjouis de la mobilisation accrue des pays de la région face au fléau du terrorisme et de la criminalité transnationale organisée, comme l’illustre la tenue de la première réunion des Chefs des Services de Renseignement des États membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenue à Accra, au Ghana, le 14 mai 2014, dont les conclusions ont été portées à leur attention par le chef de l’Etat-major particulier de la Présidence du Faso. Ils ont souligné la nécessité d’une coordination étroite entre toutes les initiatives en cours. 
 
8.             S’agissant plus spécifiquement du dialogue au Mali, les participants se sont félicités de la dynamique générée par les consultations exploratoires engagées par l’Algérie en vue de créer les conditions nécessaires à la réussite du dialogue inter-malien inclusif, comme convenu par le Mali et ses voisins lors de leur réunion consultative tenue à Alger, le 22 avril 2014.
 
II.              État de mise en œuvre des conclusions opérationnelles de Niamey
 
9.             Les participants ont passé en revue l’état de mise en œuvre des conclusions opérationnelles de la réunion de Niamey. Ils ont réitéré la nécessité d’efforts encore plus soutenus pour assurer un échange diligent d’informations et de renseignements entre les CSRS, comme convenu à Niamey.
 
10.          Les participants se sont félicités des avancées enregistrées au cours de la période considérée en ce qui concerne le renforcement des capacités, notamment :
 
(i)            la poursuite des activités de renforcement des capacités menées par le CAERT et le l’UFL, notamment l’atelier sur le renforcement des capacités de contrôle des frontières en matière de lutte anti-terroriste, à travers l’utilisation des banques de données internationales et le renforcement de la coopération, de la coordination et de l’échange d’informations, tenu à Alger, du 3 au 5 mars 2014; et
 
(ii)          le lancement, par le CAERT, en collaboration avec l’Institut des Études de Sécurité (ISS), de cours nationaux sur la mise en œuvre de la Stratégie anti-terroriste de la CEDEAO.
 
11.          Les participants ont été informés par l’UFL des dispositions en cours en vue de l’extension de son système de communication sécurisé aux trois États membres du Processus de Nouakchott n’appartenant pas à l’UFL, ainsi qu’à la MISAHEL et au CISSA. Ils ont félicité l’UFL pour ses efforts, et ont noté l’engagement pris pour aider le CISSA à surmonter les difficultés liées à la mise en place de son propre système de communication sécurisé. Ces efforts doivent aboutir avant la 6ème réunion des CSRS.
 
12.          Les participants se sont félicités de l’initiation par la MISAHEL de consultations périodiques entre les Attachés de Défense des pays participant au Processus de Nouakchott accrédités au Mali. Ils ont souligné que ces consultations contribuent grandement à une meilleure appropriation du Processus par les pays de la région.
 
13.          Les participants ont aussi noté avec satisfaction le suivi des dispositions des conclusions de la réunion de Niamey relatives à l’appui à la Libye, avec la tenue à Niamey, le 1er mars 2014, d’une rencontre regroupant la Libye et ses voisins, organisée par l’UA avec l’appui de la CEN-SAD, ainsi que d’une consultation informelle qui a eu lieu au niveau ministériel à Rome, le 5 mars 2014, en prélude à la réunion des Amis de la Libye tenue également à Rome, le 6 mars 2014. Les participants ont pleinement appuyé ces efforts et souligné la nécessité de les poursuivre.
 
14.          Les participants ont été informés de l’évolution des efforts en vue de l’élaboration d’un mandat d’arrêt africain, notamment les consultations entreprises par le CAERT avec l’Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et l'Unité de coopération judiciaire de l'Union européenne (Eurojust). Ils ont exhorté à la poursuite de ces efforts pour permettre la finalisation dans les meilleurs délais du processus d’élaboration du mandat d’arrêt africain.
 
15.          Les participants ont discuté de la contribution du CISSA au travail des services compétents dans la région sahélo-saharienne. Ils ont souligné la nécessité et l’urgence du renforcement de cette contribution. Ils ont convenu de rediscuter de cette question lors de leur prochaine réunion, ayant à l’esprit que le CISSA a maintenant été intégré au sein de la Commission de l’UA.  
 
16.          S’agissant de l’opérationnalisation de l’APSA, les participants ont été informés des efforts en cours en vue de la tenue de la réunion envisagée des chefs d’État-major et des Ministres de la Défense des pays de la région, pour examiner les concepts d’opérations génériques préparés par la Commission pour faciliter la conduite efficiente de, et le recours aussi fréquent que possible aux, patrouilles coordonnées / conjointes aux frontières et la mise en place d’unités mixtes, ainsi que les modalités de renforcement des autres structures de coopération sécuritaire existant dans la région. De même, les participants ont été informés des démarches de la Commission en vue de la tenue d’un Sommet des pays participant au Processus de Nouakchott.
 
III.            Sur les prochaines étapes du Processus de Nouakchott 
 
17.          Conscients de la nécessité du renforcement continu de la coopération sécuritaire entre les pays de la région, les participants ont convenu de ce qui suit :
 
(i)              la prise de mesures spécifiques pour renforcer l’échange d’informations et de renseignements, y compris en s’accordant sur le format des présentations faites lors des réunions régulières des CSRS et en échangeant des bulletins de renseignement sur des évènements spécifiques nécessitant une action urgente coordonnée. La Commission de l’UA transmettra aux pays du Processus de Nouakchott un format à cet effet ;
 
(ii)            la rationalisation et la coordination des activités de renforcement des capacités, ainsi que leur adaptation continue à l’évolution des besoins spécifiques des pays de la région et à la nature des menaces auxquelles ils sont confrontés. Le CAERT, le CISSA et l’UFL ont été invités à soumettre, dans un délai d’un mois, un rapport sur cette question qui fera l’objet d’un examen lors de la 6ème réunion des CSRS ;
 
(iii)           la finalisation de l’extension du système de communication sécurisé de l’UFL aux pays concernés du Processus de Nouakchott et à la MISAHEL, étant entendu que l’UFL devra présenter un rapport à ce sujet lors de la 6ème réunion des CSRS ; et
 
(iv)           la présentation d’approches prospectives des différentes situations dans la région sahélo-saharienne par les participants.
 
18.          Pour ce qui est de la question spécifique de Boko Haram, les participants ont exprimé leur ferme condamnation des actes terroristes perpétrés par ce groupe, ainsi que leur plein appui aux efforts du Gouvernement nigérian visant à faire face à la situation, et se sont félicités des mesures déjà prises par le Nigéria et les pays voisins pour mieux coordonner leurs actions. Ils ont marqué leur entière solidarité avec les familles des jeunes collégiennes récemment enlevées et formulé le vœu que tous les efforts visant à obtenir leur libération aboutissent très rapidement. Ils ont noté les graves conséquences humanitaires induites par les activités terroristes du groupe Boko Haram, et ont appelé à la mobilisation d’une assistance humanitaire adéquate en faveur des populations affectées.
 
19.          Les participants ont exprimé leur conviction que les instruments continentaux et régionaux pertinents, notamment la Stratégie de l’UA pour le Sahel, ainsi que la Convention de l’OUA sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme de 1999 et son Protocole de 2004, offrent un cadre approprié pour combattre efficacement le groupe Boko Haram et mettre un terme à ses activités terroristes. Dans ce contexte, ils ont souligné la nécessité d’efforts renouvelés pour la mise en œuvre de ces instruments.
 
20.          De façon plus opérationnelle, et en vue de renforcer les efforts en cours, les participants ont convenu de ce qui suit :
 
(i)              l’envoi, sous l’égide de l’UA, d’une équipe d’experts comprenant des représentants des services de renseignement et de sécurité des pays concernés par la menace Boko Haram, du CAERT, du CISSA et de l’UFL, pour un échange de renseignements et d’expériences avec les responsables nigérians concernés et formuler des recommandations sur la contribution possible des autres pays sahélo-sahariens au renforcement de la lutte contre Boko Haram, y compris dans le contexte des initiatives existantes entre les pays du Bassin du Lac Tchad, pour lesquelles un appui financier devrait être mobilisé. Cette mission doit intervenir dans les prochaines deux semaines ;
 
(ii)            la constitution à Abuja, en étroite coordination avec le Gouvernement du Nigeria, d’une cellule ad hoc de coordination composée des représentants concernés des pays membres du Processus de Nouakchott et d’autres pays affectés par les activités de Boko Haram, afin de faciliter l’échange en temps réel d’informations et de renseignements. La Commission de l’UA est chargée d’aider au suivi de la mise en œuvre de cette mesure ;
 
(iii)           le lancement, par l’UA, dans le cadre de sa Stratégie pour le Sahel, d’une campagne de lutte contre la radicalisation et de dé-radicalisation, avec le concours des organisations  religieuses, de la société civile, des médias et d’autres acteurs, pour les mobiliser contre l’intolérance et les actes barbares du groupe Boko Haram ;
 
(iv)           l’organisation par l’UA d’une réunion régionale sur la mise en œuvre des instruments pertinents de l’UA, tels que la Convention sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme et son Protocole, afin de mieux utiliser les arrangements de coopération qui y sont contenus pour la lutte contre le groupe Boko Haram et les autres entités assimilées ;
 
(v)             la soumission au CPS de l’UA d’une recommandation visant à formellement déclarer le groupe Boko Haram et les organisations associées groupes terroristes et à obtenir leur désignation comme tels par le Conseil de sécurité des Nations unies ; et
 
(vi)           le lancement par la Commission de l’UA d’une étude sur la mise en place urgente d’une Force régionale d’intervention, en prenant en compte l’expérience de l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de Résistance du Seigneur (RCI-LRA), pour faciliter une action régionale efficace contre Boko Haram, et la soumission de recommandations appropriées au CPS.
 
21.          S’agissant de l’opérationnalisation de l’APSA dans la région sahélo-saharienne, les participants ont indiqué attendre avec intérêt la tenue à Bamako, dans les meilleurs délais possibles, de la réunion envisagée des chefs d’État-major et des Ministres de la Défense. Ils ont demandé aux pays du Processus de Nouakchott d’inclure dans leurs délégations des experts des services de sécurité extérieure et intérieure. Ils ont souligné que ces réunions devraient permettre aux pays de la région de contribuer collectivement, notamment dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations unies, aux arrangements spécifiques mis en place pour lutter contre le terrorisme.
 
IV.           Prochaine réunion des CSRS
 
22.          Les participants se sont félicités de l’offre faite par le Sénégal d’accueillir la 6ème réunion des CSRS, à une date qui sera arrêtée après consultations entre la Commission et les autorités sénégalaises compétentes.
 
23.          Les participants ont exprimé leur gratitude au Gouvernement et au peuple du Burkina Faso pour l'accueil chaleureux qui leur a été réservé, ainsi que pour les excellentes dispositions prises pour assurer le bon déroulement de leur réunion. Ils ont, en particulier, exprimé leur profonde gratitude au Président du Faso, S.E. Blaise Compaoré, à qui ils ont rendu une visite de courtoisie au cours de laquelle ils ont échangé avec lui sur la situation dans la région et les efforts entrepris face aux menaces actuelles.



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