Les choses commencent apparemment à bouger pour faire la lumière sur le fonds d’aide à l’édition. Une manne financière destinée à booster l’édition et qui aurait servi de vache laitière à beaucoup de ministres qui se sont succédé au département de la Culture. De sources sûres, on nous apprend en effet que l’Ige, après les multiples sorties du colonel Moumar Guèye, lequel leur a même transmis une correspondance, a décidé de voir ce qui se passe dans ce département et surtout, à la Direction du Livre et de la Lecture. Quant au professeur Iba Nder Thiam, il a tout bonnement usé de sa plus belle plume pour interpeller le Président de l’Assemblée nationale afin de demander la création d’une commission spéciale temporaire sur la gestion du fonds d’aide à l’édition. Sûr qu’avec ces deux initiatives, des cadavres seront déterrés au département de la Culture !
Un fonds d’aide que beaucoup d’écrivains considèrent comme une machine à sous pour des escrocs reconvertis en éditeurs. En effet, tout dernièrement, dans une interview qu’il nous avait accordée, l’écrivain saint-louisien Louis Camara n’avait pas mis de gants pour dire ce qu’il pense de ce fonds supposé alimenter l’édition. « Le fonds d’aide à l’édition n’a servi qu’à enrichir une bande de prédateurs et d’opportunistes », nous avait notamment déclaré le lauréat du Grand prix du chef de l’Etat pour les Lettres. Quant à l’écrivain Moumar Guèye, il avait décidé de tirer l’utilisation de ce fonds au clair et en avait fait son combat. Sur les plateaux de télés et dans plusieurs contributions écrites, il n’avait cessé d’interpeller l’Etat sur cette vaste escroquerie intellectuelle que serait, selon lui, le Fonds d’aide à l’édition. Le colonel à la retraite ne s’en était pas arrêté là. En solo, il avait écrit à l’Ige et à l’Assemblée nationale, invitant les députés à ne plus voter ce fonds sans qu’une enquête ne soit menée auparavant pour situer les responsabilités de ce « détournement ». On peut dire que son combat n’a pas été vain. En effet, dans la missive du professeur Iba Der Thiam, on peut lire ceci : « Le Gouvernement du Sénégal a mis en place un fonds d’aide à l’édition, d’un montant d’environ 500 millions de francs, dont la mission est d’assurer la promotion du livre et de la lecture, de subventionner les éditeurs, d’acquérir des ouvrages pour aider les bibliothèques publiques et les écoles à se doter d’un patrimoine documentaire propre et à soutenir les écrivains notoirement reconnus, dont les œuvres sont utiles à la société, en assurant la promotion de leurs publications, en favorisant la poursuite de leurs recherches et en finançant leurs voyages et résidences d’études.
Alors que ce fonds avait contribué à la publication de 300 ouvrages à une époque donnée, il semble qu’il a, depuis, été dévié de sa mission originelle, pour tenir, plus ou moins, lieu de « fonds politiques » et de « caisse noire ».
C’est pourquoi, je demande à l’Assemblée nationale de constituer une mission d’études chargée de faire la lumière sur les budgets qui ont été votés en 2011 et 2012, par exemple, et l’utilisation qui en été faite. » Dans son argumentaire, le professeur Thiam propose que la commission entende les services concernés du ministère intéressé, ainsi que les éditeurs et les écrivains, mais aussi les responsables de bibliothèques publiques, d’écoles, organismes ou personnes supposés avoir bénéficié de subventions. La Commission aura aussi la latitude d’associer à sa démarche toute personne, structure ou organisme, dont le concours permettrait la manifestation de la vérité. Et là, c’est sûr qu’il y aura bien des surprises. Ce n’est pas pour rien que l’ex-directrice du Livre, Mme Mariama Ndoye Mbengue, a détalé quand elle a su l’étendue des dégâts causés par ses supérieurs. Pas de doute, les écrivains ne manqueront pas de s’inspirer de cette rocambolesque affaire pour commettre des chefs d’œuvre. Affaire à suivre…
Alassane Seck Guéye
« Le Témoin » N° 1132 –Hebdomadaire Sénégalais ( JUILLET 2013)
« Le Témoin » N° 1132 –Hebdomadaire Sénégalais ( JUILLET 2013)