Depuis plus d’une décennie, les différents syndicats de l’enseignement profitent des période de fins d’années pour lancer des mots d’ordre appelant à boycotter les examens du baccalauréat et du Bfem (brevet de fin d’études moyennes). Hélas, la plupart du temps ces mots d’ordre ne sont pas suivis et les grèves déclenchées se terminent par des fiascos. Qu’est ce qui explique donc ces échecs répétés ? « Le Témoin » a voulu en savoir plus…
La récente grève déclenchée par le Cadre Unitaire des Syndicats de l’Enseignement (Cuse), le Cusems et le Cusems /Sames n’a pas été massivement suivie dans les lycées et collèges. Et pourtant, les leaders de ces formations syndicales avaient menacé le Gouvernement de leurs foudres, promettant en particulier de paralyser les cours si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. Pis, ils avaient lancé des mots d’ordre pour demander à leurs adhérents de boycotter les examens du Bac et du Bfem. Et pourtant, à l’arrivée, cette montagne de menaces et de chantages a accouché d’une souris. Qu’est-ce explique donc ce fiasco ? D’abord, il est bon de rappeler que cette grève est intervenue à une période inopportune car décrétée en fin d’année scolaire, au moment où les élèves doivent passer leurs examens ou faire leurs compositions. Comment peut-on attendre le mois de mai, juste à la veille des compositions du second semestre pour déclencher un mouvement de grève ? Quel professeur sérieux et consciencieux accepterait de suspendre ses enseignements à cette période cruciale de l’année pour suivre un mot d’ordre de grève, fut-il celui de son syndicat ?
Finalement, au terme de ses investigations, « Le Témoin » s’est rendu compte qu’il n’y a pas de quoi pousser un coup de sang, encore moins s’inquiéter puisque, tout simplement, il n’y a pas péril en la demeure s’agissant de tous ces mots d’ordre de grève de fin d’année. Le gouvernement lui-même n’a pas à céder au terrorisme verbal des leaders syndicaux puisque, tout simplement, la grande masse des enseignants n’entend pas respecter ces consignes de grève ou ces appels à boycotter les examens. Voire à retenir les notes des élèves. En effet, la plupart des enseignants disent qu’ils ne se laisseront plus manipuler comme des marionnettes par les centrales syndicales car le fiasco de la grève de l’année 2011/2012 est resté un mauvais souvenir dans leur mémoire. Une grève comptabilisant plus de 20 plans d’action, c’est du jamais vu dans l’histoire du mouvement syndical sénégalais. « Seul le Cusems (Cadre Unitaire des Syndicats de l’Enseignement du Moyen Secondaire) avait réussi une telle prouesse » se désole un professeur de philosophie. Pour la plupart des enseignants, les plans d’action étaient reconduits de façon mécanique, sans évaluation et sans consultation de la base. Résultats des courses : Sept mois de grève qui n’ont servi à rien ! Pas un seul acquis n’a été obtenu au terme de cette longue grève. Pis, les professeurs avaient repris la craie sans aucune contrepartie mais avec beaucoup d’amertume et de frustration. Et non seulement ils avaient été abusés par leurs dirigeants syndicaux, stigmatisés, désavoués et discrédités par l’opinion, mais encore ils avaient été privés de vacances car ayant été obligés de poursuivre les cours jusqu’en fin septembre 2012. « C’est regrettable de le rappeler, mais cette grève a mis à nu l’inexpérience et l’incurie des dirigeants syndicaux dont certains sont sans formation syndicale » nous confie un ex-membre du Cusems.
Entre autres raisons de l’échec du mot d’ordre de grève lancé par les syndicats dont il est question ci-dessus, l’appel au boycott de différents examens. À en croire bon nombre d’enseignants, ils étaient surpris par cette décision des syndicalistes. Parce que, disent-ils, ces derniers qui ne sont ni examinateurs ni correcteurs peuvent-ils se substituer valablement aux professeurs qui sont les premiers concernés par les corrections des épreuves des examens ? Ont-ils mesuré l’intérêt que les professeurs attachent aux primes de correction et de déplacement liées au bac ? Là se situe en effet le talon d’Achille de ces grèves décrétées en fin d’année et autres boycotts des examens ! « Le Témoin » a pu constater avec surprise que le bac constitue l’une des rares opportunités pour les professeurs du moyen et du secondaire de se renflouer financièrement, à défaut de faire fortune. « Nous n’avons droit ni aux missions à l’étranger, ni aux voyages remunérés à l’intérieur du pays. Nous n’avons donc que ces primes de déplacement et indemnités de correction du bac qui rapportent banalement de 200.000 à 400.000 f cfa par professeur en l’espace de 10 à 12 jours soit l’équivalent d’un salaire mensuel et parfois plus » nous explique notre interlocuteur professeur de philo. Et d’ajouter : « Moi, rien que la correction du bac me rapporte plus 500.000 fcfa par année. Et chaque session du bac, je profite de cette rentrée d’argent exceptionnelle pour régler tous mes problèmes sociaux. Sans oublier de financer certains travaux à faire au village, en Casamance. C’est pourquoi, pour rien au monde, je ne vais boycotter l’examen du bac ! » confie-t-il. Et ce disciple de Socrate de nous raconter l’anecdote suivante : « il y a quelques années, les syndicalistes avaient lancé un mot d’ordre de boycott. Et les rares enseignants comme moi qui tentaient de suivre ce mot d’ordre, allaient nuitamment chez le président du jury pour négocier des copies à corriger. D’autres collègues faisaient le pied de grue dans les centres d’examen ou à l’Office du bac pour quémander un déplacement de dernière minute » se souvient cet enseignant. Comme quoi, force est de constater que le mois de juillet correspond à une période de « traite » (comme celle de l’arachide pour les paysans !) chez les professeurs de lycées et collèges. Pour preuve, lorsque certains professeurs ne sont pas convoqués par l’Office du baccalauréat aux fins de correction des copies des candidats, ils font des pieds et des mains pour décrocher une convocation. Quitte à aller au fond fin de Kédougou pour y faire des corrections. Même si le mot d’ordre de boycott des examens est maintenu ? « Oui ! Même si le mot d’ordre reste maintenu, les professeurs se présenteraient dans les jurys d’examen pour « quémander » des copies à corriger avant de pousser le président du jury à faire un rapport de présence visant à régulariser la situation financière de l’intéressé. D’ailleurs lors de cette récente grève, le Cuse avait tellement senti le fiasco qu’il avait levé le mot d’ordre à la veille du bac » explique M. Th., professeur au lycée Blaise Diagne.
Faut-il le rappeler, les enseignants sont les rares agents de la Fonction publique à ne pas bénéficier de perdiem de séminaires ou de frais de mission. Ils tiennent leurs séminaires dans l’enceinte de leurs établissements, donc loin des hôtels luxueux de la Petite Côte et sont obligés de se cotiser pour assurer leur restauration et leur transport. C’est pour ces triviales raisons financières que les batailles de fins d’années engagées par le Cuse, le Cusems, Cusems et autres syndicats sont généralement perdues d’avance, la majorité écrasante des enseignants n’ayant que le mois de juillet pour se refaire une santé financière et passer des vacances tranquilles à défaut d’être dorées…
La récente grève déclenchée par le Cadre Unitaire des Syndicats de l’Enseignement (Cuse), le Cusems et le Cusems /Sames n’a pas été massivement suivie dans les lycées et collèges. Et pourtant, les leaders de ces formations syndicales avaient menacé le Gouvernement de leurs foudres, promettant en particulier de paralyser les cours si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. Pis, ils avaient lancé des mots d’ordre pour demander à leurs adhérents de boycotter les examens du Bac et du Bfem. Et pourtant, à l’arrivée, cette montagne de menaces et de chantages a accouché d’une souris. Qu’est-ce explique donc ce fiasco ? D’abord, il est bon de rappeler que cette grève est intervenue à une période inopportune car décrétée en fin d’année scolaire, au moment où les élèves doivent passer leurs examens ou faire leurs compositions. Comment peut-on attendre le mois de mai, juste à la veille des compositions du second semestre pour déclencher un mouvement de grève ? Quel professeur sérieux et consciencieux accepterait de suspendre ses enseignements à cette période cruciale de l’année pour suivre un mot d’ordre de grève, fut-il celui de son syndicat ?
Finalement, au terme de ses investigations, « Le Témoin » s’est rendu compte qu’il n’y a pas de quoi pousser un coup de sang, encore moins s’inquiéter puisque, tout simplement, il n’y a pas péril en la demeure s’agissant de tous ces mots d’ordre de grève de fin d’année. Le gouvernement lui-même n’a pas à céder au terrorisme verbal des leaders syndicaux puisque, tout simplement, la grande masse des enseignants n’entend pas respecter ces consignes de grève ou ces appels à boycotter les examens. Voire à retenir les notes des élèves. En effet, la plupart des enseignants disent qu’ils ne se laisseront plus manipuler comme des marionnettes par les centrales syndicales car le fiasco de la grève de l’année 2011/2012 est resté un mauvais souvenir dans leur mémoire. Une grève comptabilisant plus de 20 plans d’action, c’est du jamais vu dans l’histoire du mouvement syndical sénégalais. « Seul le Cusems (Cadre Unitaire des Syndicats de l’Enseignement du Moyen Secondaire) avait réussi une telle prouesse » se désole un professeur de philosophie. Pour la plupart des enseignants, les plans d’action étaient reconduits de façon mécanique, sans évaluation et sans consultation de la base. Résultats des courses : Sept mois de grève qui n’ont servi à rien ! Pas un seul acquis n’a été obtenu au terme de cette longue grève. Pis, les professeurs avaient repris la craie sans aucune contrepartie mais avec beaucoup d’amertume et de frustration. Et non seulement ils avaient été abusés par leurs dirigeants syndicaux, stigmatisés, désavoués et discrédités par l’opinion, mais encore ils avaient été privés de vacances car ayant été obligés de poursuivre les cours jusqu’en fin septembre 2012. « C’est regrettable de le rappeler, mais cette grève a mis à nu l’inexpérience et l’incurie des dirigeants syndicaux dont certains sont sans formation syndicale » nous confie un ex-membre du Cusems.
Entre autres raisons de l’échec du mot d’ordre de grève lancé par les syndicats dont il est question ci-dessus, l’appel au boycott de différents examens. À en croire bon nombre d’enseignants, ils étaient surpris par cette décision des syndicalistes. Parce que, disent-ils, ces derniers qui ne sont ni examinateurs ni correcteurs peuvent-ils se substituer valablement aux professeurs qui sont les premiers concernés par les corrections des épreuves des examens ? Ont-ils mesuré l’intérêt que les professeurs attachent aux primes de correction et de déplacement liées au bac ? Là se situe en effet le talon d’Achille de ces grèves décrétées en fin d’année et autres boycotts des examens ! « Le Témoin » a pu constater avec surprise que le bac constitue l’une des rares opportunités pour les professeurs du moyen et du secondaire de se renflouer financièrement, à défaut de faire fortune. « Nous n’avons droit ni aux missions à l’étranger, ni aux voyages remunérés à l’intérieur du pays. Nous n’avons donc que ces primes de déplacement et indemnités de correction du bac qui rapportent banalement de 200.000 à 400.000 f cfa par professeur en l’espace de 10 à 12 jours soit l’équivalent d’un salaire mensuel et parfois plus » nous explique notre interlocuteur professeur de philo. Et d’ajouter : « Moi, rien que la correction du bac me rapporte plus 500.000 fcfa par année. Et chaque session du bac, je profite de cette rentrée d’argent exceptionnelle pour régler tous mes problèmes sociaux. Sans oublier de financer certains travaux à faire au village, en Casamance. C’est pourquoi, pour rien au monde, je ne vais boycotter l’examen du bac ! » confie-t-il. Et ce disciple de Socrate de nous raconter l’anecdote suivante : « il y a quelques années, les syndicalistes avaient lancé un mot d’ordre de boycott. Et les rares enseignants comme moi qui tentaient de suivre ce mot d’ordre, allaient nuitamment chez le président du jury pour négocier des copies à corriger. D’autres collègues faisaient le pied de grue dans les centres d’examen ou à l’Office du bac pour quémander un déplacement de dernière minute » se souvient cet enseignant. Comme quoi, force est de constater que le mois de juillet correspond à une période de « traite » (comme celle de l’arachide pour les paysans !) chez les professeurs de lycées et collèges. Pour preuve, lorsque certains professeurs ne sont pas convoqués par l’Office du baccalauréat aux fins de correction des copies des candidats, ils font des pieds et des mains pour décrocher une convocation. Quitte à aller au fond fin de Kédougou pour y faire des corrections. Même si le mot d’ordre de boycott des examens est maintenu ? « Oui ! Même si le mot d’ordre reste maintenu, les professeurs se présenteraient dans les jurys d’examen pour « quémander » des copies à corriger avant de pousser le président du jury à faire un rapport de présence visant à régulariser la situation financière de l’intéressé. D’ailleurs lors de cette récente grève, le Cuse avait tellement senti le fiasco qu’il avait levé le mot d’ordre à la veille du bac » explique M. Th., professeur au lycée Blaise Diagne.
Faut-il le rappeler, les enseignants sont les rares agents de la Fonction publique à ne pas bénéficier de perdiem de séminaires ou de frais de mission. Ils tiennent leurs séminaires dans l’enceinte de leurs établissements, donc loin des hôtels luxueux de la Petite Côte et sont obligés de se cotiser pour assurer leur restauration et leur transport. C’est pour ces triviales raisons financières que les batailles de fins d’années engagées par le Cuse, le Cusems, Cusems et autres syndicats sont généralement perdues d’avance, la majorité écrasante des enseignants n’ayant que le mois de juillet pour se refaire une santé financière et passer des vacances tranquilles à défaut d’être dorées…
Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1133 –Hebdomadaire Sénégalais ( AOUT 2013)
« Le Témoin » N° 1133 –Hebdomadaire Sénégalais ( AOUT 2013)