SENEGAL - Le budget du Sénégal pour l’année 2014 s’élève à 2732 milliards de francs. Il est en hausse de 200 milliards par rapport à l’exercice précédent. Les grandes lignes de ce budget ont été présentées le mardi 26 novembre dernier devant l’Assemblée nationale par MM. Amadou Bâ et Mouhamadou Makhtar Cissé, respectivement ministre de l’Economie et des Finances et ministre délégué chargé du Budget. L’essentiel de ce budget est consacré au fonctionnement, notamment au paiement des salaires des agents de l’Etat, ainsi qu’au remboursement de la dette de notre pays. Une enveloppe de 942 milliards, dont 577 milliards sur fonds propres, est consacrée aux investissements. D’après le ministre de l’Economie et des Finances, « si on dépense efficacement 577 milliards, on peut espérer avoir un taux de croissance beaucoup plus fort ». Sans doute. Encore faudrait-il pouvoir dépenser effectivement cette enveloppe au cours de l’année à venir, les contraintes du Code des marchés publics, qui constituent un véritable parcours du combattant, rendant la dépense publiquement extrêmement ardue. Y compris lorsque les fonds existent. Un exemple : jusqu’au mois dernier, et quoi qu’en aient dit les autorités, le budget 2013 en était à un taux d’exécution de 60 % seulement. La faute, entre autres, aux procédures de passation des marchés si bien que, cette année, il a été décidé d’anticiper et de lancer lesdites procédures dès l’adoption du budget, histoire de gagner du temps. L’une des raisons du marasme économique observé dans notre pays se trouve en effet là… Sans compter que, 2013 ayant été la première année d’application du nouveau Code général des Impôts, et du fait des errements liés à la mise en œuvre des dispositions de ce document, les recettes fiscales ont piqué du nez. Difficile, dans ces conditions, d’atteindre le taux de croissance de 4,6 % espéré par les autorités. Le FMI vient d’ailleurs de réviser ce taux à 4 % pour l’année à venir. Malgré toutes ces contraintes, les autorités rêvent d’un taux de 7 % à l’horizon 2017. Dans les conditions actuelles, on voit mal comment ce taux pourrait être atteint. Sauf si, bien sûr, le Plan Sénégal Emergent — qui a coûté au contribuable la rondelette somme de 2,5 milliards de nos francs — permet de réaliser des miracles. Or ce document, d’après ceux qui ont eu le privilège de le lire, ne contient rien d’extraordinaire. En tout cas rien de ce que nos fonctionnaires ne sachent déjà. Autrement dit, il serait un condensé de lieux communs présentés sous la signature d’un cabinet international de référence.
Cela dit, pour ce qui concerne le budget proprement dit, la « rupture » n’est pas encore au rendez-vous. Au contraire, il s’inscrit dans la continuité de ceux qui l’ont précédé depuis le temps des socialistes en ce sens qu’il constitue « un immense bulletin de salaire », selon l’admirable expression de Christian Valantin, à l’époque rapporteur général du Budget, que nous interviewions en 1984 pour le compte d’un journal aujourd’hui disparu. En effet, dans ce budget de 2732 milliards de francs, les 491 milliards seront consacrés au paiement des fonctionnaires de l’Etat. Cette somme représente 31,5 % des recettes de l’Etat qui, apparemment, réussit à maintenir cette masse salariale en dessous du seuil communautaire de 35 % fixé par l’Uemoa. Il s’agit en réalité d’un tour de passe-passe et d’un trompe-l’œil puisqu’à ces 491 milliards, il convient d’ajouter 100 milliards de francs consacrés par l’Etat, chaque année, au paiement des volontaires et des vacataires de l’Etat. Cette somme est camouflée depuis des années dans la rubrique « matériels » du Budget. SI on l’additionne aux 491 milliards, la masse salariale représenterait en réalité 42 % des recettes fiscales de l’Etat. Bien au-delà, donc, du plafond communautaire de 35 %. Malgré ce poids que représentent les salaires dans le budget de l’Etat, il se trouve encore des syndicats à faire la grève pour revendiquer des augmentations salariales ou toutes sortes de primes ! Or, comme l’a dit le ministre de l’Economie et des Finances devant la représentation nationale, « on s’approche des points de rupture ». Et de poser la problématique en ces termes : « Ou on arrête de recruter ou on recrute très peu pour augmenter les salaires. Ou on recrute et on maintient les salaires à des proportions raisonnables avec une évolution très récente ». D’autant plus que, du fait du recrutement de 5591 agents cette année, la masse salariale publique est en augmentation de 25 milliards par rapport à l’année précédente. Une évolution d’autant plus importante — on devrait dire inquiétante — que, comme l’a indiqué le ministre du Budget, M. Makhtar Cissé, « la masse salariale de la Fonction publique a plus que doublé en 10 ans, passant de 173 milliards de francs à 2000 à 457 milliards de francs en 2012 — la générosité proverbiale et irresponsable de Wade est passée par là ! — et à une projection de 491 milliards aujourd’hui ». Ce sans compter les salaires de ces fonctionnaires d’un genre particulier que sont les députés de l’Assemblée nationale et les conseillers économiques, sociaux et environnementaux qui sont eux aussi payés, de manière détournée certes, par le budget de l’Etat. A ce rythme, ce dernier sera tout entier consacré au paiement des salaires et au remboursement de la dette de l’Etat. Et tant pis s’il ne reste rien — ou si peu ! — pour les investissements productifs. On viendra s’étonner dans ces conditions que les entreprises du secteur privé croulent sous le poids des impôts…
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1145 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2013)
Cela dit, pour ce qui concerne le budget proprement dit, la « rupture » n’est pas encore au rendez-vous. Au contraire, il s’inscrit dans la continuité de ceux qui l’ont précédé depuis le temps des socialistes en ce sens qu’il constitue « un immense bulletin de salaire », selon l’admirable expression de Christian Valantin, à l’époque rapporteur général du Budget, que nous interviewions en 1984 pour le compte d’un journal aujourd’hui disparu. En effet, dans ce budget de 2732 milliards de francs, les 491 milliards seront consacrés au paiement des fonctionnaires de l’Etat. Cette somme représente 31,5 % des recettes de l’Etat qui, apparemment, réussit à maintenir cette masse salariale en dessous du seuil communautaire de 35 % fixé par l’Uemoa. Il s’agit en réalité d’un tour de passe-passe et d’un trompe-l’œil puisqu’à ces 491 milliards, il convient d’ajouter 100 milliards de francs consacrés par l’Etat, chaque année, au paiement des volontaires et des vacataires de l’Etat. Cette somme est camouflée depuis des années dans la rubrique « matériels » du Budget. SI on l’additionne aux 491 milliards, la masse salariale représenterait en réalité 42 % des recettes fiscales de l’Etat. Bien au-delà, donc, du plafond communautaire de 35 %. Malgré ce poids que représentent les salaires dans le budget de l’Etat, il se trouve encore des syndicats à faire la grève pour revendiquer des augmentations salariales ou toutes sortes de primes ! Or, comme l’a dit le ministre de l’Economie et des Finances devant la représentation nationale, « on s’approche des points de rupture ». Et de poser la problématique en ces termes : « Ou on arrête de recruter ou on recrute très peu pour augmenter les salaires. Ou on recrute et on maintient les salaires à des proportions raisonnables avec une évolution très récente ». D’autant plus que, du fait du recrutement de 5591 agents cette année, la masse salariale publique est en augmentation de 25 milliards par rapport à l’année précédente. Une évolution d’autant plus importante — on devrait dire inquiétante — que, comme l’a indiqué le ministre du Budget, M. Makhtar Cissé, « la masse salariale de la Fonction publique a plus que doublé en 10 ans, passant de 173 milliards de francs à 2000 à 457 milliards de francs en 2012 — la générosité proverbiale et irresponsable de Wade est passée par là ! — et à une projection de 491 milliards aujourd’hui ». Ce sans compter les salaires de ces fonctionnaires d’un genre particulier que sont les députés de l’Assemblée nationale et les conseillers économiques, sociaux et environnementaux qui sont eux aussi payés, de manière détournée certes, par le budget de l’Etat. A ce rythme, ce dernier sera tout entier consacré au paiement des salaires et au remboursement de la dette de l’Etat. Et tant pis s’il ne reste rien — ou si peu ! — pour les investissements productifs. On viendra s’étonner dans ces conditions que les entreprises du secteur privé croulent sous le poids des impôts…
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1145 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2013)