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Sénégal : Les devoirs de vacances de Macky SALL


Alwihda Info | Par Aly Samba Ndiaye - 28 Juillet 2013



​Alors que cette période est habituellement consacrée aux vacances gouvernementales, le Président  Macky Sall enchaîne les sorties internationales. De Brazzaville à Rabat en passant par Ouagadougou, le chef de l’Etat brave les rigueurs du Ramadan pour porter haut et loin la voix du Sénégal. Au centre de ses discours : les valeurs de démocratie, de paix, de stabilité et les exigences de démocratie et de solidarité. A Ouaga, l’usurpateur Blaise Compaoré s’est promu médiateur attitré en Afrique de l’Ouest, singulièrement en Côte d’ivoire et au Mali. Ses résultats, à défaut d’être spectaculairement probants, n’en sont pas moins appréciables. Mais il ne cessera jamais d’apparaître comme l’assassin du mythique Thomas Sankara, le bourreau de Norbert Zongo, journaliste d’investigation, et le violent répresseur des manifestations démocratiques qui ont ébranlé son régime ces deux dernières années. Et comme pour fuir le verdict immanent de l’histoire, il tente de tripatouiller la constitution burkinabé pour truster un autre mandat en plus de ses 26 ans de pouvoir. Malgré les déclarations fort convenues , aucun langage diplomatique ne pourra synchroniser les parcours de Macky le démocrate et de celui de Blaise le dictateur.
 
​A Brazzaville, le dandy Sassou Nguessou gère l’instabilité politique avec un certain flegmatisme, conscient que le spectre de la guerre civile plane toujours sur son pays. Sa vie somptuaire et le sous-développement caractérisé qui sévit au Congo en dépit de ses nombreuses richesses, en font un contre-modèle peu réceptif aux sirènes de la transparence et de la rationalité économique qui fusent de partout. Certes, Sassou a connu et accepté l’alternance dans le sens inverse, avant de revenir au pouvoir par les armes. Mais sa gestion désastreuse du pouvoir et des biens de son pays, bloque le processus de réconciliation et maintien son pays dans  une tension latente. Un des rares pays africains à avoir expérimenté le marxisme léninisme, le Congo reste aussi un scandale économique au vu de ses immenses potentialités. Entre la crise casamançaise et les difficiles tentatives congolaises de conjurer les démons du tribalisme (entre le Nord doté de tous les privilèges d’usufruit et de pouvoir et le Sud des privations,) Macky et Sassou ont assurément de quoi converser.
​​​​Voyages exutoires
 
​Au Maroc, le président Macky Sall rendra visite à un régime autoritaire, qui est passé de la dictature éclairée à une démocratie encadrée, pour échapper aux révolutions de jasmin. Eviter de connaître  le sort de la Libye de Kadhafi, de la Tunisie de Ben Ali, de l’Egypte de Moubarak et de Morsi, telle est l’obsession de Mohamed VI. L’arrivée des islamistes au pouvoir avec des prérogatives limitées n’a pas bouleversé les données politiques et sociales au pays de Hassan II. Mais la crise économique et la montée des revendications sociales secouent fortement la coalition gouvernementale que le parti traditionnel parti vient de quitter, sans doute avec la discrète bénédiction du Roi. Une coalition qui vole en en éclat, cela doit résonner dans les oreilles du Président Macky Sall comme une alerte de mauvais présage, tellement la tentation d’établir un parallèle avec l’expérience de Benno Bok Yakar est prégnante. En tout cas, la malencontreuse gestion de l’affaire Habré, enlevé et encabané dans des conditions déraisonnables, a de quoi faire réfléchir les hôtes africains du président de la République.
​Et s’il tentait de faire de faire ses sorties internationales une sorte d’exutoire pour échapper  aux angoisses nationales, il ne s’en dépayserait pas pour autant car toutes les situations de ses hôtes lui rappellent singulièrement celles qu’il aura momentanément laissées derrière lui, avant de les retrouver quelques heures après. Les difficultés économiques, malgré une croissance positive de 3,8 % au premier semestre, annoncée par le ministère des Finances, sont présentes et ressenties durablement surtout au niveau des couches les plus démunies. La campagne agricole démarre timidement. La distribution des semences et des engrais est quelque peu tardive et la qualité des engrais laisse à désirer. Cependant, la situation est loin d’être désespérée. Le secteur de la pêche, poste important de notre PIB avec ses 300 milliards de recettes, marche cahin caha, en dépit de l’heureuse initiative de la pause biologique et du renforcement de la sécurité de nos côtes. Le tourisme, avec l’institution de la réciprocité des visas, perdra, selon toute vraisemblance, 30 % de ses recettes les trois premières années. Le secteur de l’énergie s’enfonce dans le déficit et continue de plomber notre croissance. Les récentes déclarations du ministre Aly Ngouye Ndiaye promettant un arrêt des délestages pendant la période du Ramadan et une distribution normale dans un laps de temps court, ont perdu tout sens des réalités et manquent de crédibilité.
 
​​​​Front social agité
 
​Le front social s’est rallumé avec la grève perlée du Syndicat de la Justice, après l’accalmie décrétée par les enseignants, pour favoriser un déroulement normal des examens. Sans doute le scandale qui secoue la police avec les graves accusations de trafic de drogue dans sa plus haute hiérarchie sonne comme un dysfonctionnement majeur de l’Etat. En attendant que le président Macky Sall se saisisse  du rapport du ministre de l’Intérieur, le sort des commissaires Keita et Niang demeure aussi hypothétique que l’image de notre police nationale dégradée et déclassée. Le risque de classer le Sénégal parmi les pays narcotrafiquants de haute voltige est bien présent, si le Président Macky Sall ne s’impose une rigueur à la hauteur de ce qui est attendu de lui dans une situation d’une gravité extrême.
 
​C’est dans ce contexte politico-social lourd que les rumeurs de remaniement courent. Nombre d’observateurs pensaient la tête de Abdou Mbaye sauvée. Rien pour l’heure ne semble infirmer ou confirmer la perspective de son départ, surtout au moment où il multiplie ses sorties à Touba, à Ziguinchor et dans la banlieue de Dakar pour distiller la bonne parole et les promesses mirobolantes. Mais les difficultés que rencontre notre pays dans les domaines divers et variés, la déception grandissante des populations confirmée par un récent sondage, fragilisent sa position déjà ébranlée par des accusations plus ou moins infondées de conflit d’intérêts ou de concussion sur des affaires antérieures à sa gestion actuelle. Nombre de ministres jusqu’ici considérés comme propres, sont l’objet de graves suspicions, ou taxés d’incompétence, assis dans une confortable inaction.  
 
​​​​Benno en question
 
​Les devoirs de vacances de Macky Sall sont donc rudes. Et devant des dossiers aussi délicats, on voit mal comment le président de la République pourrait dormir sur ses deux oreilles. Le dossier de la police est sans doute le plus épineux. Il y joue non seulement sa propre crédibilité, mais aussi celle de notre police nationale semble-t-il gangrénée par les pires maux après les échanges peu amènes de mots entre les commissaires Keita et Niang.
 
​L’avenir de Benno Bok Yakar est en jeu. L’exaspération du Président devant le manque de réactivité et de solidarité de ses alliés est relayée et reprise en boucle par ses partisans de l’APR. La perspective des élections locales et municipales plus que certaine attise les tentions intra et extra alliés au président. Devant un tel imbroglio politique et une incertitude économique et sociale grandissante, le Président Macky Sa​ll est-il en proie au doute ? En évitant soigneusement d’aborder directement ses questions publiquement, il ne fait que différer des échéances auxquelles il pourra difficilement échapper.
 
Dans son entourage, on soutient et le porte-parole du gouvernement, et ministre de la promotion de la Bonne Gouvernance Latif  Coulibaly l’a confirmé, que le Président refuse la posture de l’ectoplasme et va réagir promptement. Il a choisi donc son timing et son mode de communication. On verra bien comment il se sortira de cette ornière. C’est là un bon sujet de réflexion pour ses devoirs de vacances. A moins qu’un hivernage particulièrement pluvieux – ce qui n’est pas encore le cas — ne vienne changer les données et orienter les préoccupations vers des sujets plus sensibles.
 
Aly Samba Ndiaye
« Le Témoin » N° 1132 –Hebdomadaire Sénégalais ( JUILLET  2013)




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