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AFRIQUE

Sénégal : Une brave dame victime collatérale de la loi sur la baisse des loyers

Un cas d’école exposé par Bocar Samba Dièye


- 3 Février 2014



La loi portant baisse des prix des loyers entre en application dès la fin de ce mois puisqu’elle a été signée par le président de la République et publiée au journal officiel. La grande majorité des ménages sénégalais applaudit à cette mesure de haute portée sociale du président Macky Sall qui contribue à accroître le pouvoir d’achat de nos compatriotes qui en avaient bien besoin en cette période de crise. Elle dispose que les loyers inférieurs à 150.000 francs baisseront de 29.000 francs. La baisse est de 14 % pour les loyers allant de 150.000 francs à 500.000 francs. Enfin, pour ce qui est du haut standing qui va au-delà de 500.000 francs, la réduction est de 4 %. Le Président a donc surtout voulu donner un coup de pouce aux foyers modestes. Seulement, si tous les citoyens entrant dans la première catégorie, celle qui paye 150.000 francs ou moins, sont contents, chez certains propriétaires particulièrement démunis — si, si, ça existe ! — cette mesure de baisse des loyers est mortelle. A cet égard, le grand commerçant Bocar Samba Dièye nous a conté une histoire qui constitue un véritable cas d’école. Et devrait sans doute être un objet de véritable préoccupation pour le législateur en plus de faire pleurer dans les chaumières.
 
L’histoire, la voici : « J’avais une parente qui venait régulièrement me rendre visite et je l’aidais du mieux que je pouvais. En 1980, cette dame a quitté Dakar pour se rendre au Fouta. En cours de route, elle a eu un accident en même temps que le bébé qu’elle portait sur son dos. Evacuée à l’hôpital, on lui a coupé un bras tandis que son bébé, lui, avait un traumatisme crânien qui lui a laissé un handicap mental. Le constat fait, j’ai suivi pour elle la procédure au niveau des compagnies d’assurance qui lui ont payé la somme de 4.950.000 francs en 1982. Une grosse somme à l’époque. Me faisant confiance, elle m’a demandé de lui acheter une maison, ce que j’ai fait. La maison a coûté 3.800.000 francs. Elle contient six chambres. Depuis lors, la dame l’a mise en location à raison de 10.000 francs chacune les cinq chambres. Quant à la sixième, un peu plus grande, elle est donnée en location au prix de 15.000 francs. Soit 65.000 francs par mois. Depuis 1982, la dame n’a jamais voulu augmenter le moindre franc sur le loyer. C’est avec cet argent (65.000 francs) qu’elle vit avec son fils handicapé mental devenu aujourd’hui un homme de 32 ans. Elle s’est retirée à Mbour où vivait une de ses filles. Cette dernière décédée, elle y est restée. Tous les mois, je récupère l’argent du loyer que je lui fais parvenir. Si la loi s’applique, cette brave femme qui, encore une fois, n’a jamais augmenté un seul franc sur le prix du loyer en 32 ans, va voir ses revenus amputés de 29 %. Vieille, handicapée, illettrée, pauvre, il n’est bien sûr pas question pour elle de refuser d’appliquer la loi. »
 
D’après les calculs que nous avons faits ici au « Témoin », sur ses 65.000 francs mensuels de revenus locatifs, cette pauvre femme va perdre presque 19. 500 francs. Il lui restera donc 45.000 francs pour vivre avec son fils handicapé mental de 32 ans ! Il n’y a pas à dire, la loi sait être sans pitié parfois. Dura lex, sed lex…
 
ARTICLE PARU DANS « LE TEMOIN » N°1151 - HEBDOMADAIRE SENEGALAIS / FEVRIER 2014



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