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Sommet France-Afrique : Objectif sécuritaire pour l’Afrique ou stratégie géopolitique française ?


Alwihda Info | Par Aliou TALL - 12 Décembre 2013


Le sommet France-Afrique qui vient de s’achever à Paris a été critiqué comme étant un moyen subtil pour la France de redéployer son armée en Afrique, sous le prétexte de la paix et de la sécurité. Ses détracteurs, qui ont d’ailleurs manifesté à Paris pour le décrier, considèrent qu’il s’est agi de réinventer la Fançafrique, et de faire passer la pilule aux dirigeants africains pour les convaincre de l’opportunité de renforcer la présence miliaire française en Afrique.


François Hollande lors du sommet France-Afrique, la semaine dernière à Paris. Crédit photo : Sébastien Soriano/Le Figaro
François Hollande lors du sommet France-Afrique, la semaine dernière à Paris. Crédit photo : Sébastien Soriano/Le Figaro
Sommet pour la sécurité ou relooking de la Françafrique ?

Un sommet exclusivement consacré à la paix et la sécurité sur le continent africain devrait-il se tenir en France ? Les opposants à ce sommet pensent que la sécurité intérieure de l’Afrique n’est pas sa vraie motivation. Mais plutôt la lutte contre les attaques terroristes visant les occidentaux, une ingérence impérialiste et la préservation de l’influence et des intérêts français.

Le président français avait déclaré devant le parlement sénégalais que la Françafrique était finie.

Toutefois, on n’abolit pas la Françafrique par une simple déclaration, mais par la responsabilisation des dirigeants africains et le respect de la souveraineté politique et militaire du continent.

Le point de départ de cette nouvelle donne doit être la neutralité électorale de la France, que d’aucuns accusent de choisir les dirigeants africains acquis à sa cause et de faciliter l’éjection de ceux dont les points de vue gênent les intérêts de la France en Afrique.

Si la France et l’Europe veulent aider l’Afrique à se stabiliser et à lutter efficacement contre les conflits internes et le terrorisme, elles doivent s’impliquer avant tout dans son redressement économique et sa puissance militaire. Un président africain qui ne peut pas gouverner son pays sans l’aide publique et le soutien militaire de la France ne peut pas dire non à celle-ci. Il se sentira obligé d’accueillir sur son territoire des forces pré-positionnées ou une base militaire de la France ; de répondre à tout sommet convoqué par la France ; d’envoyer des troupes pour faire la guerre aux côtés de la France dans ses interventions en Afrique ; de suivre le vote de la France pour l’adoption des résolutions dans les instances internationales. En un mot, de perpétrer la Françafrique. L’Afrique doit se doter d’armées républicaines solides et d’une logistique militaire communautaire permanente anti-conflit et anti-coup d’Etat. On ne mettra pas fin à la Françafrique tant qu’on devra compter sur la France pour faire le gendarme en Afrique.

En tout état de cause, si une intervention militaire extérieure devrait se justifier sur le continent africain par le droit d’ingérence humanitaire, elle ne devrait pas être le seul fait de la France, mais de la communauté internationale.


Ingérence humanitaire ou redéploiement militaire de la France en Afrique ?

Jacques Chirac avait fait son sommet France-Afrique en février 2003 sur le thème d’un nouveau partenariat France-Afrique. On se rappelle des remous causés par la déclaration sur l’Irak, prise à l’occasion de ce sommet. Il a été reproché à la France d’utiliser l’Afrique comme chair à canon diplomatique pour tenir tête aux Etats-Unis. La remise en cause par le président rwandais Paul Kagamé de ladite déclaration, que la France aurait imposée sans discussion aux dirigeants Africains, en témoigne. La France œuvre pour maintenir son influence politique et économique en Afrique. Ce qui lui assure l’avantage de monopoliser la manivelle de la politique européenne et onusienne en Afrique. Mais l’Afrique doit refuser d’être l’objet d’une compétition géopolitique entre les grandes puissances européennes, américaines et asiatiques (La Chine, en l’occurrence).

Tantôt on brandit la non ingérence pour justifier le refus d’une intervention militaire visant à mettre fin à une rébellion, comme en Casamance au Sénégal. Tantôt la sécurité et la crise humanitaire justifient une ingérence militaire en Afrique. Il en est ainsi l’intervention française et internationale pour neutraliser les milices islamistes qui dominaient le nord du mali, et de l’assaut des forces spéciales françaises contre les attaques d’islamistes au nord du Niger. Pour éviter tout quiproquo sur les réelles motivations de ces interventions, elles devraient à l’avenir être faites par des forces africaines entraînées, équipées et autonomes. La communauté internationale ne doit plus attendre l’existence de graves crises sur le continent pour financer des forces africaines d’interposition. Leur dépendance financière entraîne une dépendance politique vis-à-vis des bailleurs. La force africaine AMISOM qui repousse les milices Shebab en Somalie disparaîtrait si les donateurs étrangers comme l’Union européenne arrêtaient de la financer. Les armées africaines ont besoin d’une formation adaptée avec des armes modernes, pas avec des kalachnikovs ou les surplus dépassés des armées occidentales.

Le président Français vient de déclarer que la France est prête à entraîner 20 000 soldats africains par an. Pour éviter une dépendance françafricaine, il est préférable que cette formation soit faite par différentes puissances compétentes, chacune dans le domaine où elle excelle : La France, les Etats-Unis, la Russie, Israël, la chine, la Grande Bretagne, etc.


L’Opération «Sangaris» en Centrafrique, prévention d’un génocide ou renforcement militaire ?

L’Opération «Sangaris» qui vient de débuter et qui vise à sécuriser et à désarmer les milices en Centrafrique, est aussi décriée par les opposants à la Françafrique. Elle est vue comme un renforcement de l’impérialisme miliaire de la France en Afrique, où elle a encore une présence militaire significative, notamment au Tchad, à Djibouti, au Sénégal, en Côte d’ivoire, au Gabon et au Mali.

Les opposants à cette intervention avancent que la France a contribué à installer au pouvoir le président Bokassa, qui a semé les germes du chaos dans ce pays. Selon eux, cette opération vise à sécuriser les intérêts de la France dans des pays voisins comme le Cameroun ou le Tchad.

Par ailleurs, le fait que le président français souhaite l’organisation rapide d’élections et qu’il juge difficile le maintien du président actuel, peut être vu comme une ingérence dans les affaires intérieures de ce pays, et un geste françafricain.

Si la souveraineté des pays africains étaient une réalité inviolable, la légitimité des interventions militaires françaises entérinées par l’ONU serait remise en cause. En effet, il est difficile de concevoir que l’ONU ou les Occidentaux puissent décider d’envoyer des troupes en Chine ou en Russie pour imposer le respect des droits de l’homme ou de l’Etat de droit.

En définitive, on se demande pourquoi la communauté internationale attend que les rebellions et conflits internes se transforment en massacres humains pour voter des résolutions et intervenir en Afrique ? La rapidité de l’intervention de la France et de la communauté internationale pour freiner les islamistes au nord du Mali aurait permis d’anticiper la crise sécuritaire et humanitaire en Centrafrique. Il y a lieu de faire le bilan pour savoir si les nombreuses interventions militaires de la France en Afrique on renforcé les Etats et amélioré le quotidien des populations.

Aliou TALL
Président du RADUCC (Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen)
Email : raducc@hotmail.fr



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)