Youssou Ndour. Photo : Sources
Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix. Pendant que Youssou Ndour règne en maître sur la scène musicale, une jeune fille tente de faire scintiller son étoile dans le ciel. Rien ne lui a été offert gracieusement, à la jeune fille. Et ce même si elle a comme précieux legs, les origines « gawlo » (griottes) de sa mère Fatou Kiné Mbaye, une grande cantatrice du théâtre national Daniel Sorano. Elle a de qui tenir, surtout que bon sang ne saurait mentir. A 14 ans, en 1986, elle gagne le concours « Voix d’or du Sénégal » avec le titre « Soweto ».
La menue jeune fille brille par son audace. On lui promet un avenir radieux. Mais elle attendra quatre ans après cette distinction avant de sortir son premier album. Nous sommes en 1990 quand elle frappe à la porte de la musique sénégalaise avec son album « Seytané ». Quelques années plus tard, elle récidive avec « Xaliss ». On se laisse bercer par la voix de cette jeune fille courageuse dans ses prises de position. Des tas d’histoires circulent sur son compte, mais elle n’en a cure. Elle a du caractère et du bagout aussi. A preuve, elle a mis dans les bacs un titre qui fait jaser au plus fort des bisbilles entre l’alors opposant, Me Abdoulaye Wade, et le président de l’époque, Abdou Diouf. Et quand certains hésitent même à prononcer le nom du tenace opposant d’alors, Coumba Gawlo Seck, elle, en a fait son parrain. Quand, en 1994, elle met dans les bacs son album « Deweneti », Youssou Ndour connait un beau triomphe et est fêté par tout un peuple avec son disque d’or pour son album « 7 seconds » chanté en duo avec Neneh Cherry. Trois ans après, en 1997, Coumba Gawlo Seck crève l’écran avec son album « Bine – bine » d’une belle sensualité rythmique. L’année suivante, elle est auréolée d’un disque d’or et platine en Belgique avec la reprise du titre « Pata Pata » de Myriam Makéba devenant ainsi la première femme disque d’or de la musique sénégalaise, et la deuxième après Youssou Ndour. De quoi se créer des ennemis. Une vraie concurrente pour le Roi, mais ce n’est pas avec lui qu’on va chercher à la mettre en mal. En 1999, Viviane Ndour frappe à la porte de la musique sénégalaise avec son premier album « Entre nous ». C’est alors qu’on cherche sciemment, avec la complicité de quelques journalistes, à comparer Coumba Gawlo, qui a derrière elle une riche carrière consacrée par un disque d’or, à la nouvelle venue de la musique sénégalaise. Elle ne comprend pas et en souffre, elle qui vise le perchoir et qui traine un éloquent background. Il y a moins de trois ans, se confiant à un magazine de la place, la Gawlo disait sans fard ses vérités sans pour autant citer ses détracteurs de l’époque : « J’en ai vu des vertes et des pas mûres, comme on dit. Et tous les moments mauvais ou difficiles m’ont renforcée, m’ont encouragée, ont renforcé ma volonté de réussite et m’ont forgée jusqu’à ce que je devienne une personne forte. Et mes victoires ne m’ont jamais brûlé les ailes, elles ne m’ont jamais fait perdre la tête. Au contraire. A chaque fois que j’en ai eu, elles m’ont permis de prendre un recul et de me remettre en question. Je n’ai jamais considéré ces victoires comme une fin en soi, au contraire, il fallait les savourer pleinement mais avec lucidité. C’est comme cela que j’ai toujours fonctionné jusqu'à aujourd’hui. » Histoire de dire que rien ne lui a été offert sur un plateau d’argent. Ses détracteurs ont pendant longtemps essayé de la détrôner pour hisser au sommet l’autre, mais la diva leur a tenu tête grâce à sa belle musique qui lui permet encore de cartonner. Parmi les coups bas qu’elle a reçus, l’artiste retient encore cette journée folle où le peuple s’était levé pour barrer la route à ceux qui voulaient violer les règles du jeu de la démocratie. C’était le 23 juin 2012. Le même jour devait se tenir sa soirée à Sorano. Et comme pour dissuader les fans de la Gawlo de répondre à son appel, ils braquèrent leurs caméras, et en direct, pour montrer une ville en chaos. Ce qui décupla l’ardeur des fans de la craquante star qui triompha encore de ses contempteurs. Et point besoin de chercher pour trouver les ennemis cachés de la Gawlo qui n’ont jamais été tendres avec elle en lui balançant à l’occasion des peaux de bananes sur son passage. En vain. Et quand Youssou Ndour décida de présenter sa candidature à la présidentielle de 2012, c’est à peine si Coumba Gawlo ne s’était pas étranglée de rage en lançant sa phrase lapidaire : « il ne faut pas qu’on nous prenne pour des cons », avait-elle dit. C’est ça, la Gawlo ! Véridique, sans avoir froid aux yeux tout en sachant donner des coups à ses ennemis invisibles. Mais tout cela c’est du passé puisque, aujourd’hui, elle a fumé le calumet de la paix avec son frangin Youssou Ndour en se payant même le luxe de partager la scène avec lui, bien avant de fouler pour la première fois le studio de la Tfm. A partir de maintenant, bien des perspectives peuvent se dessiner pour la carrière de la Gawlo. En tout cas, son duo avec le Roi restera un des moments forts de la célébration de son 24ème anniversaire après 20 ans de brouille où tous les coups étaient permis de l’autre côté pour mettre un frein à la montée triomphale de la star coquine… qui cherche toujours son plus fort. A moins que You ne lui trouve chaussure à son pied tout en la rendant plus forte. Musicalement parlant !
Alassane Seck Gueye
Article paru dans « Le Témoin » N° 1158 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2014)