Le Premier Vice-Président de l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO), Gaspard-Hubert Lonsi Koko, annonce le choix de son parti politique pour la mise en place d’un « Gouvernement de transition » en République Démocratique du Congo sans le président Joseph Kabila.
Que pouvez-vous dire du dialogue national inclusif qui est en cours en République Démocratique du Congo ?
Le dictionnaire Larousse nous apprend que le mot « dialogue » est un échange, ou une conversation, entre deux ou plusieurs personnes sur un sujet défini tandis que le qualificatif « inclusif » rappelle ce qui contient en soi quelque chose d’autre. Au vu de ces définitions, peut-on conclure que le forum dont Edem Kodjo est le Facilitateur est un dialogue inclusif ?
C’est justement pour éclairer nos lecteurs qu’Œil d’Afrique s’entretient avec vous. L’initiative du président Joseph Kabila est-il un dialogue ou non ? Si oui, est-il inclusif ?
Je constate seulement qu’une partie de l’opposition, et non de moindre, n’a pas pris part à cette rencontre puisque les préalables posés à juste titre en amont n’ont pas été pris en compte. D’autres partis politiques de l’opposition, qui ont souhaité participer aux travaux de ce forum, ont purement et simplement été écartés parce qu’ils avaient la ferme intention d’évoquer les vraies causes de la crise politique et d’apporter des solutions idoines. Quant aux chefs coutumiers, personnalités importantes surtout dans la tradition bantoue, ils n’ont pas eu droit au chapitre. Vous me direz que quelques opposants – comme Vital Kamerhe, Samy Badibangi et Léon Kengo wa Dondo – y ont pris part. Certains l’ont fait par opportunisme, surtout après avoir clamé haut et fort tout le mal qu’ils pensaient de l’initiative présidentielle, alors que d’autres ont justifié leur participation par l’aspect protocolaire et à leur appartenance politique.
Pour répondre à votre question, il s’agit bel et bien d’un monologue inclusif, c’est-à-dire d’un dialogue exclusif. Plus explicitement, l’intention manifeste du Facilitateur, en l’occurrence Edem Kodjo, consiste à faire adopter un gouvernement de coalition nationale sous la présidence de Joseph Kabila. Cela aura comme conséquence la violation des dispositifs constitutionnels relatifs à la vacation de la présidence de la République dans le but d’éviter l’intérim de cette fonction par le président du Sénat pour un délai variant entre 90 et 120 jours.
L’ABACO ne cautionnera pas les résolutions d’un forum, auquel ses membres n’ont pas participé, qui violent de manière flagrante la Constitution. Le président de notre parti, le ministre honoraire Sylvère Luizi Balu, a clarifié notre position lors d’une interview accordée l’année dernière à Radio Okapi.
Pourtant, le Facilitateur Edem Kodjo, qui bénéficie d’ailleurs du soutien de la Communauté internationale, a été nommé par l’Union Africaine et non par le président Kabila. Mettez-vous en cause ces institutions ?
Je suis très sensible à la volonté de l’Union Africaine et de la Communauté internationale, s’agissant de la recherche des solutions appropriées à la crise politique qui ne cesse de fragiliser les institutions étatiques depuis la réélection du président la République en novembre 2011. Mais je ne suis pas pour autant indifférent à la suspicion du peuple congolais, laquelle réside dans le choix d’un Facilitateur dont la médiation au Burundi l’année dernière n’a fait qu’envenimer la situation. Y a-t-il une volonté manifeste, à travers l’option Edem Kodjo, de semer les germes de l’éclatement de notre pays, donc de l’embrasement de la région des Grands Lacs et de la déstabilisation de l’Afrique centrale ? Telle est, malheureusement, l’inquiétude d’un bon nombre de populations congolaises.
Que faut-il faire, alors, pour éviter que la République Démocratique du Congo ne sombre dans l’incertitude ?
Primo, il faut que le président Joseph Kabila commence par respecter la Constitution dont il est le garant. Secundo, à défaut d’élection présidentielle dans le délai constitutionnel, il faut recourir à l’intérim du président du Sénat en vue de l’organisation du scrutin dans le délai constitutionnel. Tertio, le Sénat ayant déjà glissé en fonctionnant dans l’illégalité, un dialogue inter-congolais davantage républicain et inclusif en vue de la mise en place d’un « Gouvernement de Salut public ou de transition » sous la présidence d’une autre personne que le président de la République serait un processus salutaire. D’ailleurs, l’ABACO soutient cette dernière option. Le parti politique dont je suis le Premier Vice-Président fera, très prochainement, des propositions allant dans ce sens.
Propos recueillis par Roger Musandji
© Œil d’Afrique
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Par Gaspard-Hubert Lonsi Koko le Jeudi 29 Septembre 2016
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La Direction de l'Alliance de Base pour l'Action Commune (ABACO) transmet ses condoléances les plus attristées aux familles ayant perdu un être cher lors de la marche du 19 septembre 2016, qui s'est déroulée à l'appel des partis politiques de l'opposition, et s'insurge volontiers contre l'usage de la force à l'encontre des manifestants non armés.
Par conséquent, la Direction de l'ABACO condamne avec force et vigueur les violences meurtrières en cours en République Démocratique du Congo, celles-ci étant occasionnées par l'obstination du président de la République sortant à vouloir se maintenir au pouvoir en violation des dispositifs constitutionnels et par la partialité du Facilitateur nommé par l'Union Africaine et soutenue par la Communauté internationale.
D'ores et déjà, la Direction de l'ABACO interpelle les dirigeants congolais, ainsi que le Facilitateur du Dialogue politique national, à contribuer vivement à la décrispation du climat socio-politique qui risque de faire imploser la République Démocratique du Congo avec, comme dégâts collatéraux, la déstabilisation de l'Afrique centrale et de la région des Grands Lacs.
La Direction de l'ABACO privilégie l'intérêt supérieur de la Nation congolaise, lequel ne pourra être consolidé que par la convocation de l'élection présidentielle dans le délai constitutionnel et la mise en place d'un dialogue inter-congolais réellement inclusif et républicain.
Fait à Paris, le 20 septembre 2016
Pour la direction de l'Alliance de Base pour l'Action Commune (ABACO),
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Premier Vice-Président
Par conséquent, la Direction de l'ABACO condamne avec force et vigueur les violences meurtrières en cours en République Démocratique du Congo, celles-ci étant occasionnées par l'obstination du président de la République sortant à vouloir se maintenir au pouvoir en violation des dispositifs constitutionnels et par la partialité du Facilitateur nommé par l'Union Africaine et soutenue par la Communauté internationale.
D'ores et déjà, la Direction de l'ABACO interpelle les dirigeants congolais, ainsi que le Facilitateur du Dialogue politique national, à contribuer vivement à la décrispation du climat socio-politique qui risque de faire imploser la République Démocratique du Congo avec, comme dégâts collatéraux, la déstabilisation de l'Afrique centrale et de la région des Grands Lacs.
La Direction de l'ABACO privilégie l'intérêt supérieur de la Nation congolaise, lequel ne pourra être consolidé que par la convocation de l'élection présidentielle dans le délai constitutionnel et la mise en place d'un dialogue inter-congolais réellement inclusif et républicain.
Fait à Paris, le 20 septembre 2016
Pour la direction de l'Alliance de Base pour l'Action Commune (ABACO),
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Premier Vice-Président
Au regard de l’incertitude politique en cours en République Démocratique du Congo, le Premier Vice-Président de l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO) a bien voulu donner son point de vue à l’attention de l’opinion tant nationale qu’internationale. À travers cet exercice, avec le talent et la franchise qu’on lui reconnaît, Gaspard-Hubert Lonsi Koko clarifie quelques zones d’ombre qui ont incité son parti politique à ne pas cautionner toute démarche allant contre les intérêts des populations congolaises.
Sur un bon nombre d’espaces sociaux, s’agissant du Dialogue national politique en cours en République Démocratique du Congo, vous avez déclaré ceci : « Un monologue politique inclusif sous la houlette d’une facilitation exclusive ». Pourriez-vous expliciter votre pensée ?
Le décret présidentiel portant convocation d’un dialogue politique national inclusif s’était appuyé notamment, entre autres dispositifs, sur les articles 69, 79 et 91 de la Constitution de notre pays, et aussi sur les dispositions de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC ainsi que sur la résolution n° 2098/2013 adoptée le 28 mars 2013 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce décret spécifiait que le dialogue serait précédé d’un Comité préparatoire qui serait composé, comme le Dialogue proprement dit, des délégués de toutes les parties prenantes – à savoir la Société civile, la Majorité présidentielle et l’Opposition politique –, placés sous la Co-modération de deux représentants appartenant respectivement à la Majorité et à l’Opposition politique.
Quel est, alors, l’élément fondamental qui vous a poussé à parler d’un monologue inclusif à caractère exclusif ? Est-ce de la faute de la majorité kabiliste si une partie de l’opposition refuse de prendre part au dialogue ?
Au-delà de la figure du style, je suis un homme des lettres, l’oxymore entre inclusif et exclusif me sert à montrer les contradictions flagrantes ayant dès le départ vicié l’issue du dialogue proposé par le président de la République Démocratique du Congo.
Primo, le bon sens aurait voulu que la composition du Comité préparatoire se borne à des spécialistes internationaux et africains en matière de paix et de résolution des conflits. Cette neutralité aurait permis, dans l’absolu, la déclinaison d’un canevas non perverti en vue des travaux du Dialogue national politique proprement dit.
Secundo, l’Opposition politique a judicieusement posé quelques préalables relatifs à la libération des prisonniers politiques et au fait que le Comité préparatoire prenne en compte la résolution 2277 des Nations Unies du 29 mars 2016 et les dispositifs constitutionnels relatifs au mandat du président de la République. Malheureusement, la Majorité présidentielle ne fournit aucun effort pouvant aller dans le sens de la décrispation.
Tertio, certains partis politiques de l’opposition, officiellement reconnus par le ministère de l’Intérieur, qui ont manifesté leur volonté de participer aux travaux du Dialogue national politique souhaité par le président de la République, ont été ignorés au profit de quelques individus débauchés dans quelques structures dans le but de fragiliser pour mieux imposer un gouvernement de transition sous la direction du président de la République ne pouvant plus constitutionnellement rempilé. Quelle place fallait-il réservée aux chefs coutumiers ? Et la diaspora, dans tout cela ?
Tous les éléments évoqués ci-dessus montrent qu’il s’agit en réalité d’un monologue incluant les opposants à la solde du régime kabiliste et excluant ceux qui sont censés défendre, en cas de participation, les intérêts collectifs au détriment des intérêts privés.
Je vous cite : « Per-diem, corruption tacite. Aubaine pour les politiciens véreux et une société civile clientéliste. » Dialogue politique national en RDC ?
Je pars du principe que le patriotisme étatique, surtout dans un contexte où le gouvernement évoque la carence budgétaire s’agissant de son incapacité à donner à la Commission nationale indépendante et électorale (Céni) les moyens financiers en vue de l’organisation des scrutins dans le délai constitutionnel, devrait prendre le dessus sur l’esprit de lucre. Accepter le per-diem dans pareilles circonstances s’apparenterait à une quelconque connivence avec ceux qui souhaiterait faire un coup d’État constitutionnel pour se maintenir à jamais au pouvoir. Personne n’ignore que le maintien de Joseph Kabila à la présidence de la République permettra aux personnes élues dans les institutions étatiques de prolonger automatiquement leurs mandats, sans passer par les urnes. Combien d’opposants ont-ils dénoncé le glissement, sans pour autant quitter les institutions ayant glissé ? Voilà le point commun, donc le terrain d’entente, entre les opposants institutionnels et la majorité présidentielle. Cette communauté d’intérêts se fait aux dépens des populations congolaises, c’est-à-dire au profit de la privatisation de la chose publique.
Que reprochez-vous, au juste, à la communauté internationale ?
Pourquoi me posez-vous cette question ? Soyez plus précise, s’il vous plaît !
« L’article 64 [de la Constitution congolaise, ndlr] permet de s’affranchir de la communauté internationale, et de ses valets internes et régionaux. » Telle est l’une de vos déclarations récentes. Pensez-vous que la communauté internationale est la cause de tous les problèmes auxquels la RDC est confrontée ?
Je vous rappelle que l’insécurité en RDC dure depuis 1977, soit plus de 19 ans. Et se trouve sur le territoire congolais le plus gros contingent armé des Nations Unies. Au moins 22016 personnes, si j’ai bonne mémoire. Sans compter que le fonctionnement du Mécanisme national du suivi et de supervision de la mise en œuvre des enseignements souscrits aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, spécialement en son article 2, n’a donné aucun résultat probant.
Le triste constat, au regard de l’insécurité croissante à l’Est de la RDC, ne peut qu’inciter plus d’un observateur sérieux à s’interroger sur le véritable rôle des forces onusiennes dans le territoire congolais ou alors sur sa détermination à rétablir réellement la paix dans une partie de la région des Grands Lacs. L’attitude de la MONUSCO ne doit surtout pas exonérer Kinshasa de ses responsabilités régaliennes, ni encourager les pays limitrophes – notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi – à soutenir la déstabilisation de l’Est de la RDC, voire à procéder à un paillage organisé des ressources congolaises au profit de leurs parrains extracontinentaux et à dépeupler par tous les moyens la région du Kivu en vue d’une expropriation sur le plan foncier.
Ce triste constat laisse donc supposer un complot international contre la RDC. Par conséquent, seules les populations congolaises peuvent mettre un terme à une volonté manifeste de faire main basse sur leurs richesses et d’hypothéquer leur avenir collectif. L’article 64 de la Constitution de 2006 leur permet ainsi de neutraliser les valets internes et régionaux des puissances extérieures mues par l’intention d’enrayer définitivement la RDC de la carte géographique terrestre.
Il est du devoir de l’acteur politique, de surcroît patriote, d’éveiller la conscience de ses compatriotes en vue d’un Congo économiquement viable et étatiquement démocratique. Je ne suis nullement contre la communauté internationale. Je ne fais que défendre les intérêts de mon peuple, et veiller à l’intégrité de la terre de nos aïeux que nous lèguerons aux futures générations. J’œuvre pour nos enfants et nos petits-enfants.
Vous avez pourtant laissé supposer que « la RDC est une affaire juteuse pour la Communauté internationale et ses valets, et un enfer pour les populations congolaises ».
Il suffit de vous référer au pillage des ressources naturelles de la RDC. N’avez-vous jamais vu des reportages ou lu des articles sur les minerais de sang ? N’êtes-vous pas au courant des violences sexuelles, ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité dans la région du Kivu ? Comment se fait-il qu’un pays non producteur de coltan, comme le Rwanda, soit devenu le premier exportateur de ce minerai ? Ce pillage ne peut être possible que grâce à des complicités locales, nationales et régionales. Les populations congolaises doivent-elles être sans cesse les dindons de la farce ? Je dis catégoriquement NON. Le peuple congolais, de par les ressources naturelles dont regorge la RDC, a droit au paradis et non à l’enfer.
Pourquoi dites-vous que le Facilitateur Edem Kodjo est sur les traces du présidium des concertations nationales de 2013 ?
Je constate seulement que l’articulation du Comité préparatoire du Dialogue politique national a suivi le même processus qui avait prévalu dans la mise en place du présidium, avec le tandem Léon Kongo wa Dondon et Aubin Minaku, ayant piloté les précédentes concertations nationales. On sait que le gouvernement soi-disant de cohésion nationale, issue des assises de 2013, a accouché d’une souris. Malheureusement, on n’a pas besoin d’être savant pour comprendre que les mêmes erreurs aboutissent aux mêmes résultats.
Ce que l’on reproche à Edem Kodjo, c’est d’être plus partisan que Facilitateur. L’inclusivité pour lui, c’est de s’aligner sur la seule position favorable à la Majorité présidentielle. Le fait de lui accorder un quota d’une trentaine de personnes lui laisse d’ailleurs la liberté de coopter, à sa guise, les opposants exclus des partis politiques de l’opposition. Il s’agit, à travers une telle largesse, d’une manière peu orthodoxe susceptible de créer davantage la zizanie, en compliquant encore plus une situation déjà complexe. Il se pose, en tout cas, la question des critères ayant prévalu dans le choix de délégués (voir ci-dessous, à cet effet, le Cahier des charges de l’ABACO). Un Facilitateur ne doit pas mettre de l’huile sur le feu. En agissant de la sorte, il ne fera qu’attiser le volcan dont la coulée de lave éclabousse l’ensemble de la région des Grands Lacs et de l’Afrique centrale. Aucun humaniste ne peut rester insensible à une telle éventualité.
À vous écouter, on a l’impression que la RDC est en proie à « un bordel national ». Si tel est le cas, faudrait-il faire le ménage ? Dans l’affirmative, comment procéder pour rétablir l’ordre ?
Ce bordel national ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2001, la RDC a toujours été déstabilisée par la crise politique et l’insécurité qui ont complètement fragilisé les institutions étatiques. Face à l’échec patent de la classe politique, présente dans les institutions de la République, quelle possibilité a-t-on pour rétablir l’ordre constitutionnel et l’autorité étatique ? Ainsi revient-t-il aux populations congolaises, et non à la communauté internationale et à ses valets, de l’intérieur comme de l’extérieur, de prendre en main leur destin. Les articles 23, 24, 25, 26, 27, 28, 39, 60, 63, 64, 215 et 220 de la Constitution de 2006 permettent plus ou moins au peuple congolais, en tant souverain primaire, de défendre l’intégrité territoriale, de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prendrait le pouvoir par la force ou l’exercerait en violation des dispositifs constitutionnels…
Propos recueillis par Charlotte Mondo
© Agoravox
Sur un bon nombre d’espaces sociaux, s’agissant du Dialogue national politique en cours en République Démocratique du Congo, vous avez déclaré ceci : « Un monologue politique inclusif sous la houlette d’une facilitation exclusive ». Pourriez-vous expliciter votre pensée ?
Le décret présidentiel portant convocation d’un dialogue politique national inclusif s’était appuyé notamment, entre autres dispositifs, sur les articles 69, 79 et 91 de la Constitution de notre pays, et aussi sur les dispositions de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC ainsi que sur la résolution n° 2098/2013 adoptée le 28 mars 2013 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce décret spécifiait que le dialogue serait précédé d’un Comité préparatoire qui serait composé, comme le Dialogue proprement dit, des délégués de toutes les parties prenantes – à savoir la Société civile, la Majorité présidentielle et l’Opposition politique –, placés sous la Co-modération de deux représentants appartenant respectivement à la Majorité et à l’Opposition politique.
Quel est, alors, l’élément fondamental qui vous a poussé à parler d’un monologue inclusif à caractère exclusif ? Est-ce de la faute de la majorité kabiliste si une partie de l’opposition refuse de prendre part au dialogue ?
Au-delà de la figure du style, je suis un homme des lettres, l’oxymore entre inclusif et exclusif me sert à montrer les contradictions flagrantes ayant dès le départ vicié l’issue du dialogue proposé par le président de la République Démocratique du Congo.
Primo, le bon sens aurait voulu que la composition du Comité préparatoire se borne à des spécialistes internationaux et africains en matière de paix et de résolution des conflits. Cette neutralité aurait permis, dans l’absolu, la déclinaison d’un canevas non perverti en vue des travaux du Dialogue national politique proprement dit.
Secundo, l’Opposition politique a judicieusement posé quelques préalables relatifs à la libération des prisonniers politiques et au fait que le Comité préparatoire prenne en compte la résolution 2277 des Nations Unies du 29 mars 2016 et les dispositifs constitutionnels relatifs au mandat du président de la République. Malheureusement, la Majorité présidentielle ne fournit aucun effort pouvant aller dans le sens de la décrispation.
Tertio, certains partis politiques de l’opposition, officiellement reconnus par le ministère de l’Intérieur, qui ont manifesté leur volonté de participer aux travaux du Dialogue national politique souhaité par le président de la République, ont été ignorés au profit de quelques individus débauchés dans quelques structures dans le but de fragiliser pour mieux imposer un gouvernement de transition sous la direction du président de la République ne pouvant plus constitutionnellement rempilé. Quelle place fallait-il réservée aux chefs coutumiers ? Et la diaspora, dans tout cela ?
Tous les éléments évoqués ci-dessus montrent qu’il s’agit en réalité d’un monologue incluant les opposants à la solde du régime kabiliste et excluant ceux qui sont censés défendre, en cas de participation, les intérêts collectifs au détriment des intérêts privés.
Je vous cite : « Per-diem, corruption tacite. Aubaine pour les politiciens véreux et une société civile clientéliste. » Dialogue politique national en RDC ?
Je pars du principe que le patriotisme étatique, surtout dans un contexte où le gouvernement évoque la carence budgétaire s’agissant de son incapacité à donner à la Commission nationale indépendante et électorale (Céni) les moyens financiers en vue de l’organisation des scrutins dans le délai constitutionnel, devrait prendre le dessus sur l’esprit de lucre. Accepter le per-diem dans pareilles circonstances s’apparenterait à une quelconque connivence avec ceux qui souhaiterait faire un coup d’État constitutionnel pour se maintenir à jamais au pouvoir. Personne n’ignore que le maintien de Joseph Kabila à la présidence de la République permettra aux personnes élues dans les institutions étatiques de prolonger automatiquement leurs mandats, sans passer par les urnes. Combien d’opposants ont-ils dénoncé le glissement, sans pour autant quitter les institutions ayant glissé ? Voilà le point commun, donc le terrain d’entente, entre les opposants institutionnels et la majorité présidentielle. Cette communauté d’intérêts se fait aux dépens des populations congolaises, c’est-à-dire au profit de la privatisation de la chose publique.
Que reprochez-vous, au juste, à la communauté internationale ?
Pourquoi me posez-vous cette question ? Soyez plus précise, s’il vous plaît !
« L’article 64 [de la Constitution congolaise, ndlr] permet de s’affranchir de la communauté internationale, et de ses valets internes et régionaux. » Telle est l’une de vos déclarations récentes. Pensez-vous que la communauté internationale est la cause de tous les problèmes auxquels la RDC est confrontée ?
Je vous rappelle que l’insécurité en RDC dure depuis 1977, soit plus de 19 ans. Et se trouve sur le territoire congolais le plus gros contingent armé des Nations Unies. Au moins 22016 personnes, si j’ai bonne mémoire. Sans compter que le fonctionnement du Mécanisme national du suivi et de supervision de la mise en œuvre des enseignements souscrits aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, spécialement en son article 2, n’a donné aucun résultat probant.
Le triste constat, au regard de l’insécurité croissante à l’Est de la RDC, ne peut qu’inciter plus d’un observateur sérieux à s’interroger sur le véritable rôle des forces onusiennes dans le territoire congolais ou alors sur sa détermination à rétablir réellement la paix dans une partie de la région des Grands Lacs. L’attitude de la MONUSCO ne doit surtout pas exonérer Kinshasa de ses responsabilités régaliennes, ni encourager les pays limitrophes – notamment le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi – à soutenir la déstabilisation de l’Est de la RDC, voire à procéder à un paillage organisé des ressources congolaises au profit de leurs parrains extracontinentaux et à dépeupler par tous les moyens la région du Kivu en vue d’une expropriation sur le plan foncier.
Ce triste constat laisse donc supposer un complot international contre la RDC. Par conséquent, seules les populations congolaises peuvent mettre un terme à une volonté manifeste de faire main basse sur leurs richesses et d’hypothéquer leur avenir collectif. L’article 64 de la Constitution de 2006 leur permet ainsi de neutraliser les valets internes et régionaux des puissances extérieures mues par l’intention d’enrayer définitivement la RDC de la carte géographique terrestre.
Il est du devoir de l’acteur politique, de surcroît patriote, d’éveiller la conscience de ses compatriotes en vue d’un Congo économiquement viable et étatiquement démocratique. Je ne suis nullement contre la communauté internationale. Je ne fais que défendre les intérêts de mon peuple, et veiller à l’intégrité de la terre de nos aïeux que nous lèguerons aux futures générations. J’œuvre pour nos enfants et nos petits-enfants.
Vous avez pourtant laissé supposer que « la RDC est une affaire juteuse pour la Communauté internationale et ses valets, et un enfer pour les populations congolaises ».
Il suffit de vous référer au pillage des ressources naturelles de la RDC. N’avez-vous jamais vu des reportages ou lu des articles sur les minerais de sang ? N’êtes-vous pas au courant des violences sexuelles, ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité dans la région du Kivu ? Comment se fait-il qu’un pays non producteur de coltan, comme le Rwanda, soit devenu le premier exportateur de ce minerai ? Ce pillage ne peut être possible que grâce à des complicités locales, nationales et régionales. Les populations congolaises doivent-elles être sans cesse les dindons de la farce ? Je dis catégoriquement NON. Le peuple congolais, de par les ressources naturelles dont regorge la RDC, a droit au paradis et non à l’enfer.
Pourquoi dites-vous que le Facilitateur Edem Kodjo est sur les traces du présidium des concertations nationales de 2013 ?
Je constate seulement que l’articulation du Comité préparatoire du Dialogue politique national a suivi le même processus qui avait prévalu dans la mise en place du présidium, avec le tandem Léon Kongo wa Dondon et Aubin Minaku, ayant piloté les précédentes concertations nationales. On sait que le gouvernement soi-disant de cohésion nationale, issue des assises de 2013, a accouché d’une souris. Malheureusement, on n’a pas besoin d’être savant pour comprendre que les mêmes erreurs aboutissent aux mêmes résultats.
Ce que l’on reproche à Edem Kodjo, c’est d’être plus partisan que Facilitateur. L’inclusivité pour lui, c’est de s’aligner sur la seule position favorable à la Majorité présidentielle. Le fait de lui accorder un quota d’une trentaine de personnes lui laisse d’ailleurs la liberté de coopter, à sa guise, les opposants exclus des partis politiques de l’opposition. Il s’agit, à travers une telle largesse, d’une manière peu orthodoxe susceptible de créer davantage la zizanie, en compliquant encore plus une situation déjà complexe. Il se pose, en tout cas, la question des critères ayant prévalu dans le choix de délégués (voir ci-dessous, à cet effet, le Cahier des charges de l’ABACO). Un Facilitateur ne doit pas mettre de l’huile sur le feu. En agissant de la sorte, il ne fera qu’attiser le volcan dont la coulée de lave éclabousse l’ensemble de la région des Grands Lacs et de l’Afrique centrale. Aucun humaniste ne peut rester insensible à une telle éventualité.
À vous écouter, on a l’impression que la RDC est en proie à « un bordel national ». Si tel est le cas, faudrait-il faire le ménage ? Dans l’affirmative, comment procéder pour rétablir l’ordre ?
Ce bordel national ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2001, la RDC a toujours été déstabilisée par la crise politique et l’insécurité qui ont complètement fragilisé les institutions étatiques. Face à l’échec patent de la classe politique, présente dans les institutions de la République, quelle possibilité a-t-on pour rétablir l’ordre constitutionnel et l’autorité étatique ? Ainsi revient-t-il aux populations congolaises, et non à la communauté internationale et à ses valets, de l’intérieur comme de l’extérieur, de prendre en main leur destin. Les articles 23, 24, 25, 26, 27, 28, 39, 60, 63, 64, 215 et 220 de la Constitution de 2006 permettent plus ou moins au peuple congolais, en tant souverain primaire, de défendre l’intégrité territoriale, de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prendrait le pouvoir par la force ou l’exercerait en violation des dispositifs constitutionnels…
Propos recueillis par Charlotte Mondo
© Agoravox
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