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L'analyse de l'architecture au Tchad : Les sédentaires


Alwihda Info | Par Aganaye Ahmed - 10 Mars 2017


Lorsqu'on parcourt les plaines du Tchad, on s'aperçoit très vite que, pour des conditions géographiques identiques, l'habitation présente des variétés et cette diversité ne saurait être expliquée par des différences de nécessités.


AGANAYE AHMED, ARCHITECTE D.P.L.G.

L'architecture tchadienne. Crédit photo : leclairegerard
L'architecture tchadienne. Crédit photo : leclairegerard
Etant architecte exerçant au Tchad et ayant sillonné le pays. Je me permets ; en tant que professionnel de l’architecture de vous livrer l’historique et ma vision de l’architecture dans notre pays.

Tout d’abord avec ses 1.284.000 km² notre vaste pays connait plus de 300 ethnies différentes avec leurs propres modes de vie.

Nous avons le nord du pays avec ses étendues désertiques et semi-désertiques ensuite nous avons le centre avec son climat sahélien et ses steppes enfin le sud avec ses savanes qui lui est principalement agricole avec une pluviométrie plus abondante.

Ces notions de géographie pour vous expliquer les divers modes de vie du Tchad à savoir :

• Le mode vie nomade
• Le mode vie semi-nomade
• Le mode vie sédentaire

Toutes ces communautés ont bien entendu des architectures propres à elles

Lorsqu'on parcourt les plaines du Tchad, on s'aperçoit très vite que, pour des conditions géographiques identiques, l'habitation présente des variétés et cette diversité ne saurait être expliquée par des différences de nécessités.

L'idée de style finit par s'imposer. Si, de plus, on a l'occasion de visiter les rives du Bas-Logone on est obligé de voir là une de ces régions, qui à travers le monde, constituent des foyers architecturaux, en ramenant cette expression à la mesure que lui impose le pays.

Le genre de vie auquel obéissent les populations conduit tout naturellement à distinguer ceux-ci en nomades, semi-nomades, et sédentaires. Cette classification doit être maintenue dans l'étude de l'habitat.

LES NOMADES.

Les Bororo. — Cette peuplade, encore mal connue, est représentée au Tchad par de minuscules fractions qui nomadisent dans le Nord- Ouest.

L'habitat paraît hors de leurs préoccupations. Se déplaçant constamment à la recherche de pâturages pour leurs moutons ou pour leurs bœufs, ils demeurent rarement plusieurs jours au même endroit. Pour se protéger de l'ardeur du soleil, ils se contentent simplement de la maigre frondaison des arbres ou de sortes de niches aménagées dans les taillis. Lorsque les pluies surviennent, ils s'en vont vers le Nord et évitent ainsi les grosses intempéries. Avec le temps, toutefois, quelques-uns commencent- à se fixer et certains ont même fondé de petits villages dans les régions du Sud.

Les Arabes. — De nombreuses tribus d'Arabes nomadisent dans la zone sahélienne, surtout dans le Nord du Batha et du Ouaddaï. Comme c'est de règle chez les pasteurs nomades, chaque tribu fait un circuit bien déterminé, jalonné par les points d'eau. Pendant la saison sèche ils partent vers les prairies du Sud et il leur arrive de faire plus d'un millier de kilomètres pour conduire leurs troupeaux dans de bons pâturages.

Leurs abris sont des ferrik faites à l'aide de nattes ou de peaux, montées et démontées très rapidement.

Les pêcheurs Sara. — Si la plupart des pêcheurs sont sédentaires certains d'entre eux cependant mènent une existence véritablement nomade. De nombreux Sara partent des régions méridionales et viennent vers les zones poissonneuses du Bas-Chari et du Bas-Logone. Déplaçant leurs campements après chaque saison de pêche, ils construisent des huttes cylindriques légères exiguës dont le toit à pente très forte rappelle qu'ils sont originaires d'un pays où les pluies sont abondantes.

AGANAYE AHMED, ARCHITECTE D.P.L.G.
AGANAYE AHMED, ARCHITECTE D.P.L.G.
LES SEMI-NOMADES.

Ils sont placés en bordure de la steppe sahélienne ou dans les zones de savane transformées en steppe. Leur genre de vie leur impose une habitation permanente et une habitation temporaire.

L'habitation temporaire n'est utilisée que durant la transhumance c'est- à-dire, à la saison sèche. C'est un simple abri, mais malgré sa précarité, sa construction obéit à des lois et on reconnaît trois types :

1° La tente légère faite de nattes ou de peaux qui est un reste du nomadisme ; elle se réduit parfois à une seule natte ou un homme accroupi trouve difficilement de l'ombre.

2° Une petite hutte ronde faite à l'aide de minces/baguettes recouvertes de paille.

3° Une hutte ovoïde dont l'armature faite à l'aide de baguettes ou de tiges de mil est recouverte de paille.

C’est un modèle plus évolué que les deux précédents et mieux adapté à sa destination, il permet en effet, en juxtaposant les huttes les unes à la suite des autres, de décrire une vaste circonférence à l'intérieur de laquelle les animaux sont parqués pendant la nuit.

L'habitat permanent est celui que les indigènes reviennent occuper au début de chaque saison des pluies ; son style diffère suivant les tribus :

1° Les Arabes. — Dans les populations arabes ou arabisées on peut décrire trois types de cases :

Les Arabes des régions situées au Nord et à l'Est construisent de vastes cases dont l'armature comprend deux parties. La charpente, en forme de coupole faite de gros rondins de bois est soutenue à sa périphérie par des pieux de 1m. 80 de hauteur, régulièrement espacés. Six troncs d'arbres viennent en outre étayer le centre de l'édifice ; le toit est recouvert de tiges de mil disposées en couche épaisse ; des bottes de ces mêmes tiges forment la paroi du mur.

Comme les animaux sont généralement nombreux et ne pourraient pas tous loger dans l'habitation, une case analogue est souvent construite à côté, servant d'étable aux heures chaudes de la journée.

Toutes les cases sont disposées en cercle et sont reliées les unes aux autres par des balustrades de bois ; le village forme ainsi un grand cirque à l'intérieur duquel sont parqués les animaux pendant la nuit.

Les Arabes Ghoa qui habitent à proximité du Chari, dans la région autrefois dépendante de l'Empire Bornouan, ont des cases du modèle précédent, mais les tiges de mil sont remplacées par de la paille. Le travail est plus soigné ; il faut y voir l'influence du contact avec des sédentaires et même un dans un but de sédentarisation. Leur cheptel est d'une importance très modeste, il n'y a pas d'étable, les animaux couchent dans l'habitation.

Les Arabes du Salamat habitent cette partie méridionale du Tchad où au sein même de la savane existe une vaste steppe périodiquement inondée. Le style de leur case, qu'ils auraient, paraît-il, apporté de leurs pays d'origine diffère du précédent. L'habitation est une hutte circulaire, dans laquelle on ne distingue pas les murs de la toiture ; son aspect rappelle, en plus sommaire, la case Kanembou. La porte est très basse et les animaux bœufs, chevaux sont obligés de se livrer à une véritable gymnastique obstétricale pour la franchir.

Les dimensions de la case arabe sont en général les suivantes : diamètre 9 à 10 m. hauteur au centre 2 m.50 à 3 m. hauteur des murs 1 m. 80, elles sont beaucoup plus réduites pour les cases des Arabes du Salamat.

A l'intérieur de la case est aménagée une sorte d'alcôve, le kurara qui ne doit pas être considérée comme une pièce d'ameublement mais comme une véritable partie architecturale, c'est un vaste cube de2 à 3 m. de côté dont les parois sont faites avec des nattes, qui repose sur une plateforme élevée à 30 cm. au-dessus du sol. A l'intérieur sont placés les objets les plus précieux, et toute la famille y dort à l'abri des moustiques.

Les Peuhl. — Au Tchad les Peuhl ne constituent des communautés importantes que dans le Baguirmi et surtout dans le Mayo-Kebbi ; quelques-uns, venus de l'Est, étaient déjà installés dans le Baguirmi avant le XVe siècle, mais la plus grande-partie sont venus plus récemment de l'Ouest.

Ce sont des éleveurs et des agriculteurs. Ils construisent généralement des cases circulaires avec un mur en pisé ; ils ont fondé des villages importants ou l'artisanat est prospère ; beaucoup d'entre eux cependant habitent de petites huttes de 2 m. de haut et de 3 m. de diamètre groupées en agglomérations minuscules.

L'intérieur de l'habitation est très propre, les animaux sont parqués à l’extérieure ou logés dans des étables pendant la mauvaise saison.

LES SEDENTAIRES.

C'est parmi les populations sédentaires qu'on rencontre la plus grande variété de types architecturaux. Malgré la présence de rochers en plusieurs points du territoire la pierre n'intervient que d'une façon tout à fait exceptionnelle comme matériaux de construction ; seuls quelques rares indigènes des subdivisions de Melfi et de Mongo construisent des murs à l'aide de moellons liés par de la glaise.

Goula-Fanian. — Ils habitent les régions montagneuses de Melfi et d'Aboudéia. Leurs cases circulaires dont le mur de terre pétrie, recouvert d'un enduit lisse et résistant comme du ciment, supporte le toit de chaume.

Bolgo. — Voisins des précédents, ils construisent de petites cases ; le plus souvent le toit est posé à même le sol, la porte minuscule est si étroite qu'il faut presque ramper pour la franchir.

Yâlnass. — Anciens esclaves d'arabes qui ont été libérés sur place, ils habitent la région dont il vient d'être parlé. Leur case n'est pas sensiblement différente des précédentes ; elle est cependant plus spacieuse et munie d'une grande porte. Il semble que ces dimensions soient une réminiscence de la vaste case de leurs anciens maîtres.

Belala-Koula. — (région du lac Fittri). Leur case de paille surmontée d'un toit en coupole est un modèle réduit de la case arabe.

Baguirmiens. — Ils ont des cases circulaires avec toit conique, qui mesurent environ 8 m. de diamètre ; la hauteur du mur est de 1 m. 70, tandis que le sommet du toit s'élève à 4 m. environ au-dessus du sol.

La toiture, constituée par plusieurs grands seccos superposés, est soutenue par un mât central et des pieux placés à la périphérie ; le mur est fait de paille tressée. Cette case donne l'impression d'un effort constructif dirigé avec goût ; elle peut durer de 5 à 6 ans.

Sur les bords du Chari, la case diffère entièrement ; le mur est en pisé, le toit n'est pas fait à l'aide de couches de paille tressée, mais de bottes, bien liées ensemble. L'apparition du mur en terre traduit l'implantation de la tribu au bord d'un fleuve, où l'argile et l'eau abondent. Il s'agit là d'une sorte de compromis entre le modèle originel et celui de leurs voisins Kotoko. L'influence de ces derniers se manifeste avec plus d'évidence par l'apparition de-ci de-là de cases quadrangulaires. Ces rares tentatives n'aboutissent qu'avec une réussite médiocre. Chaque case est entourée d'une tapade de paille.

Saroua-Niellim-Boa. — La case est circulaire avec un toit conique. Il n'existe pas à proprement parler de charpente mais une armature faite par un vaste cône de paille tressée d'une seule pièce. Ce chapeau est renforcé par 2 ou 3 anneaux de paille concentriques ; sur le tout on dispose une épaisse couche de bottes de paille constituant la couverture proprement dite. L'ensemble est soutenu par des pieux placés à la périphérie ; il n'y a pas de poteau central. La paroi est constituée par un grand secco attaché aux pieux soutenant le toit. Le diamètre varie de 2 m.50 à 4 m. et la hauteur de 2 m.50 à 4 m. 50. Au sommet de quelques cases on remarque une sorte de collerette en paille tressée, placée visiblement pour l'ornementation. Ce motif se rencontre surtout chez les Boa de Korbol.

Kanouri. — Les Kanouri, habituellement connus sous le nom de Bornouans, sont surtout des commerçants ; ils jouent au Tchad le rôle qui est dévolu aux. Haoussa en Afrique Occidentale. On les trouve partout ; ils habitent généralement des cases construites sur le modèle de celles des tribus au milieu desquelles ils vivent. Toutefois, dans l'extrême pointe de l'angle formé par la convergence du Chari et du Logone, ils forment une colonie de 3 à 4.000 âmes et leur case possède des caractères bien tranchés. Elle est circulaire, surmontée d'un toit en coupole. Dans les cases bien faites, l'armature de cette coupole suffît pour soutenir la paille de la toiture sans qu'il soit besoin de l'étayer à l'aide d'un poteau central. La paroi est faite de petites bottes de roseaux soigneusement liées sur les pieux supportant la charpente. Sa face intérieure est recouverte d'un crépissage de boue la rendant parfaitement étanche à l'air et à la lumière. Le diamètre varie de 4 m. 50 à 6 m. la hauteur est de 3 à 4 mètres. A côté de la maison d'habitation se trouve un petit appentis servant de cuisine.

Les hommes riches ont plusieurs cases (généralement une pour chacune de leurs épouses) entourées par un enclos de paille à l'entrée duquel se trouve un hall où le maître de maison reçoit ses amis.

Depuis quelques années on voit apparaître des cases avec mur en pisé.

Ce détail indique une implantation définitive dans une région où ils étaient venus primitivement en colonisateurs, quelques-uns même en exil volontaire. .

Котоко. — Les Kotoko sont essentiellement des pêcheurs; leurs tribus peuplent les rives du Bas-Logone et du Bas-Chari ; les quelques établissements qu'ils possèdent dans l'intérieur des terres, sont toujours à proximité d'un cours d'eau. La case diffère notablement selon que l'on considère celle des Kotoko du Logone ou celle des Kotoko du Chari.

Les villages des Kotoko du Chari sont placés sur les rives du Chari entre N’Djamena et le lac Tchad. La case est circulaire, recouverte par un dôme aplati ; elle a 4 à 6 mètres de diamètre et autant en hauteur. Le mur est en pisé, construit par assises superposées plus épaisses à la base qu'au faîte. Une partie de la terre nécessaire à la construction est prise à l'intérieur même de l'habitation, cela vraisemblablement pour des raisons d'urbanisme, car groupés autrefois dans des places fortes où la population était très dense, les habitants ne pouvaient que très difficilement prendre la terre aux abords de la case, l'espace étant mesuré à chacun il en résulte que le sol de la case est en contre-bas et afin d’éviter le ruissellement de l'eau de pluie à l'intérieur il existe devant la porte un petit terre-plein surélevé et immédiatement derrière le seuil se trouve un trou de 50 cm. de profondeur destiné à recueillir l'eau qui pourrait pénétrer. Grâce à ces aménagements la case n'est jamais inondée.

Le mur est d'abord construit sans solution de continuité ; lorsqu'il est achevé on perce la porte qui est en cintre, ce qui résout le problème de la clé de voûte (le cintre tend d'ailleurs à disparaître pour être remplacé par un linteau horizontal).

Le toit a la forme d'un dôme aplati. La charpente est fait de traverses de bois, consolidées par un poteau central ; ce poteau est parfois supprimé et remplacé par un soliveau vertical reposant sur le milieu d'une poutre traversant diamétralement la case et dont les deux extrémités prennent leurs points d'appui sur les murs.

A côté du type de case originel, on trouve dans les grands centres des cases cubiques avec toit en terrasse. Mais ce dernier modèle est d'origine étrangère.

Ce qui ne manque pas de surprendre lorsqu'on arrive dans les villages Kotoko du Logone, c'est la forme quadrangulaire des cases. Le type le plus simple est représenté par une case ayant environ 6 m. de longueur, 3 m. de largeur et 3 m. 50 de hauteur. Les murs de pisé sont faits par assises superposées diminuant d'épaisseur de la base au faîte ; vue de l'extérieur, la case a ainsi l'apparence d'un tronc de pyramide. La charpente est faite à l'aide d'arceaux de bois sur lesquels on étend un tapis de paille tressée. Sur le tout on jette une épaisse couche de paille maintenue à l'aide de cordes.

A côté de ce type élémentaire, on rencontre des cases du même genre mais surmontées d'un étage ; le principe de la construction est le même; la hauteur totale varie de 6 à 7 mètres. On accède à l'étage par un escalier extérieur en terre battue dont la marche la plus élevée s'élargit pour former une petite terrasse. Les murs et le sol sont enduits d'un crépissage extrêmement soigneux, très lisse. Ce dernier travail est exécuté par les femmes.

Chaque maison comprend une ou plusieurs de ces cases suivant la richesse du propriétaire ; tout autour est un mur de clôture délimitant une petite cour ou sont placées les claies servant à faire sécher le poisson.

Massa du Chari. — Leur case est circulaire, surmontée d'un toit conique ; les dimensions sont généralement les suivantes : diamètre 4 à 10 m. hauteur du toit au centre 3 m. à 4 m. hauteur des murs 1 m. 80. Pour la construction ils utilisent la terre des termitières ; celle-ci ayant déjà été pétrie et humectée par les insectes, a l'avantage de fournir un mortier qui, en séchant, devient extrêmement résistant et inattaquable par les termites. Le toit est soutenu par une armature de paille tressée en forme de cône sur laquelle on attache la paille servant à la couverture. Comme dans les cases Saroua, il n'existe pas de charpente à proprement parler.

La porte, très étroite à sa partie inférieure, s'élargit en une vaste circonférence dans ses 2/3 supérieurs ainsi faite elle permet le passage d'un bœuf dont les formes s'emboîtent exactement dans elle. L'intérieur de la case est entretenu d'une manière parfaite. A droite de la porte est une haute étagère surmontée de calebasses ouvragées ; à gauche se trouve le lit constitué par un cube de terre au centre duquel est un foyer permettant de le chauffer pendant la saison froide. Tout l'ensemble exprime des qualités d'ordre et même de recherche, soulignées par l'ornementation intérieure à l'aide d'argile ocre et de figures géométriques sculptées dans les parois. La cuisine est faite sur un foyer placé à l'extérieur, chaque ménage possède généralement plusieurs cases. L'ensemble constitue une véritable ferme.

La case type construite ainsi qu'il vient d'être décrit tend à devenir de plus en plus rare. Le mur est souvent fait avec du pisé ordinaire et la toiture se rapproche fréquemment du modèle bornouan, celui-ci étant d'une exécution plus facile.

Massa de Mosgoum. — Dans la région de Mosgoum, d'immenses prairies bordent le Logone ; l'absence de bois de charpente et la présence d'une glaise se prêtant bien à la construction ont conduit les indigènes à édifier ces cases en obus et souvent décrites.

On ne saurait faire une meilleure description qu'en citant celle d'André Gide qui exprime si bien étonnement qu'on ressent lorsqu'on arrive dans les pays Mosgoum :

« La case des Massa ne ressemble à aucune autre, il est vrai, mais elle n'est pas seulement étrange, elle est belle,- et ce n'est pas tant son étrangeté que sa beauté qui m'émeut. Une beauté si parfaite, si accomplie, qu'elle paraît toute naturelle, nul ornement, nulle surcharge.»

« Sa pure ligne courbe, qui ne s'interrompt point de la base au faîte, est comme mathématiquement ou fatalement obtenue, on y suppute intuitivement la résistance de la matière. Un peu plus au Nord ou au Sud, l'argile mêlée à trop de sable ne permettra plus cet élan souple, qui s'achève sur une ouverture circulaire, par où seulement l'intérieur de la case prend jour à la manière du panthéon d'Agrippa. A l'extérieur, quantité de cannelures régulières, où le pied puisse trouver appui, donnent accent et vie à des formes géométriques ; elles permettent d'atteindre le sommet de la case, souvent haute de 7 à 8 mètres, elles ont permis de la construire sans l'aide d'échafaudages ; cette case est faite à la main comme un vase ; c'est un travail non de maçon mais de potier. Sa couleur est celle même de la terre, une argile gris rose semblable à celle du vieux Biskra. Les fientes des oiseaux souvent blanchissent le sommet des cannelures et rehaussent inopinément leur relief... Ces obus détaille inégale, sont réunis par petits groupes. Souvent ils se touchent à leur base mais sans s'interpénétrer toutefois, car toujours leur élan part du sol. Le dessus du couloir qui les relie alors à mi- flanc forme terrasse. Parfois une tour ronde complète l'ensemble et rompt l'uniformité de l'aspect. Un mur très bas va d'une case à l'autre et rattache dans un embrassement circulaire toutes les constructions d'une même communauté. »

Kanembou. — Situé entre la savane et le désert, le Kanem est une zone sahélienne caractérisée par ses ondulations de terrain recouvertes d'une épaisse couche de sable et par sa maigre végétation où domine le palmier fourchu. L'homme s'est installé sur le sommet des dunes ; la difficulté à porter de l'argile à pied d'œuvre et la rareté du bois de charpente Pont obligé à créer un genre d'habitat particulier.

Si la case de Mosgoum ressemble à un travail de poterie, celle du Kanembou peut être comparée à un ouvrage de vannerie. Elle donne l'impression d'une corbeille géante qu'on aurait posé le fond en l'air sur le sol. Elle a généralement 5 à 6 mètres de diamètre et autant de hauteur; ses dimensions peuvent parfois atteindre 10 mètres. L'armature est faite à l'aide de légères baguettes de bois entrelacés ; sur cette carcasse sont disposées couche par couche de minces bottes de paille. Ces constructions, faites méticuleusement, sont solides et étanches ; l'absence de termites et la rareté des pluies leur permettent de durer une dizaine d'années.

Les Kouri et les Boudouma, qui habitent les îles du lac Tchad où les conditions géographiques sont les mêmes, construisent des cases identiques, mais beaucoup plus petites et en y apportant beaucoup moins de soins. De plus, l'armature est en deux parties de sorte que le mur est distinct de la toiture.

Cet inventaire est loin d'être complet, nombre de styles d'habitats, notamment ceux du Batha et du Ouaddaï n'ayant pas été décrits. Quelques types ont disparu :

— Les cases sur pilotis que les Sara construisaient au milieu du lac Iro pour échapper aux razzias.

— Les galeries souterraines dans lesquelles se réfugiaient les Kouang et d'où leurs ennemis les délogeaient en les enfumant.

— Les villages suspendus que les Gabéri échafaudaient dans la ramure des arbres.

A côté de ces types architecturaux éteints, il faudrait aussi parler de ceux qui ont fait leur apparition récemment :

— L'architecture dite soudanaise ; celle des cases à terrasse qu'on ne rencontre guère que dans les postes européens. Si dans le Soudan Occidental son origine demeure encore obscure puisqu'on raconte qu'elle y aurait été introduite au XVIe siècle par un poète arabe venu à Gao, on peut à coup sûr affirmer qu'elle a été importée au Tchad. Elle y a d'ailleurs adopté un style tout à fait rudimentaire et n'a jamais réussi à élever des monuments comparables à ceux qu'on rencontre dans le Soudan Occidental.

— Tout à fait récente est l'apparition de cases du type Congolais dont on rencontre quelques rares exemplaires ; elles sont dues à des populations que leur profession a conduit dans les savanes du Tchad et qui ont cherché à recréer le foyer de leur forêt natale, dont ils gardent la nostalgie.

La colonisation européenne intervient pour troubler l'ordonnancement établi. Tant par son influence propre (qui dans ce domaine est à vrai dire négligeable) que par la paix qu'elle impose et les échanges commerciaux et culturels qui résultent de celle-ci, une tendance très nette se dessine vers l'uniformisation. Celle-ci se réalise par îlots, dans chacun desquels la prépondérance d'un genre d'habitat tend à faire disparaître les autres. En dehors de quelques exceptions, cette évolution se fait généralement vers une amélioration, soit que le modèle de case adopté soit plus vaste, plus solide ou simplement qu'il soit plus agréable que celui qui est abandonné.

Une observation attentive m'a conduit au contraire à penser qu'un pragmatisme très étroit a présidé à la naissance de l'habitat autochtone ; celui- ci n'est pas né brusquement et n'est pas dû à des improvisations subites. Il s'est façonné depuis les temps les plus reculés et tel que nous le voyons il est l'aboutissement d’une longue suite d'observations et d'efforts. Aussi toute innovation ne pouvant arriver à embrasser la multitude d'aspects du problème est le plus souvent vouée à un échec.

A maintes reprises, on a poussé les autochtones à construire des cases paraissant meilleures que celles qu'ils habitaient, presque toujours ces tentatives échouèrent. Dans certaines régions du Congo, la pression administrative agissant dans ce but avait eu pour résultat de doter les indigènes de deux cases. L'une bâtie sur le modèle officiel dans un village modèle n'était habitée que les jours de passage d'un agent de l'autorité, l'autre, construite à l'écart, dans la brousse selon le goût ancestral, demeurait le véritable foyer. Cela se vérifie ailleurs puisque d'aucuns attribuent en partie la dépopulation des îles océaniennes à la toiture de tôle, qui a remplacé (sans qu'il y ait eu une intervention administrative) la toiture primitive. Le brutal refroidissement nocturne qui se produit sous la tôle aurait ainsi favorisé les maladies pulmonaires les plus graves.

La case n'est pas comme on pourrait le croire un simple abri.

C'est véritablement le foyer, auquel la ménagère consacre une grande part de son activité, dont elle a le souci et même la fierté. La fumée qui le plus souvent envahit la case, et qui est peut-être le détail choquant le Tchadien moderne, est en réalité une nécessité qui n'est pas sans avantage du point de vue de l'hygiène. Cette atmosphère enfumée incommode à peine l’habitant, habitué à y vivre depuis sa naissance ; elle empêche les termites d'accomplir leur rapide et redoutable travail ; elle chasse les parasites, notamment les moustiques et par là elle contribue pour une part très grande à la prophylaxie du paludisme.

Ceci est un rapide aperçu du tour du Tchad de l’architecture traditionnelle. Celle-ci est encore très visible et largement utilisée dans les milieux ruraux de l’intérieur du pays.

Néanmoins dans les milieux urbains de la capitale et des grandes villes si ce n’est l’utilisation du Pisé (terre crue) pour l’édification des murs ; la plupart des toitures sont faites de tôles ondulées métalliques industrielles.

En conclusion l’architecture Tchadienne traditionnelle commence à se perdre au profit de l’uniformisation des modes de vie.

Ce qui nous amènera tout naturellement dans un deuxième volet à analyser l’évolution de l’architecture dans nos villes Tchadiennes. Que ce soit dans la capitale ou dans les villes de chefs-lieux de province ou même concentration urbaines rurales.



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