Par BELEMGOTO Macaoura
C'est dans des colonnes de journaux et site internet ou blog que l'on peut lire cette semaine que Fidèle Moungar, l'ancien PM du Tchad, s'apprête à prendre sa retraite au Tchad pour monter à nouveau sur le podium politique pour d'autres spectacles auxquels les Tchadiens auront droit.
Quand on scrute l'horizon politique du Tchad actuel, il y a lieu de s'inquiéter. Tout est sombre. C'est un grand orage qui menace. En cas de vacances du pouvoir suite à un décès de Déby (il est mortel), que se passera-t-il ? On n'en sait rien. On craint simplement le pire. On ne sait pas ce qui va nous tomber sur la tête. Dans les textes, c'est le président de l'Assemblée nationale qui assurera l'intérim jusqu'aux nouvelles élections. Mais ce dispositif constitutionnel sera-t-il respecté ? Rien n'est moins sûr. C'est là tout le problème dans un pays comme le Tchad. Tous les cas de figure dramatiques sont plausibles. Déby ne sera peut-être pas seul à être enterré quand il mourra. Il risque d'emporter avec lui plusieurs de ses compatriotes, comme Gnassingbé Eyadéma au Togo, qui a été enterré avec au moins 500 de ses compatriotes suite aux violences qui ont fait suite à sa mort, suite au non respect du dispositif constitutionnel du Togo en cas de vacances du pouvoir
. Seul salut pour le Tchad : que Déby abandonne volontairement le pouvoir de son vivant. Il serait ainsi l'arbitre de toutes les batailles qui vont suivre pou r lui succéder. Il assurerait ainsi une alternance et une transition sans qu'il y ait mort d'homme. Mais ceci est un scénario très peu probable. A l'heure actuelle, on peut penser qu'il n'est pas dans l'intention de Déby, de renoncer au pouvoir.Tous les indices semblent indiquer qu'il entend rester au pouvoir jusqu'à sa mort. Après lui, le déluge. Tant pis, se dit-il certainement. On lui prête même l'intention de laisser le pouvoir à un de ses fils, ou au moins à un de ses proches.
Mais Déby n'est pas seul à se comporter de la sorte : président à vie. Voyons de près le cas des opposants.
On a tendance à ne regarder que Déby. Il est victime de tirs groupés de toutes parts, simplement parce que c'est lui qui détient le pouvoir depuis bientôt un quart de siècle. Et les opposants alors ? Ni loupe ni microscope pour savoir qu'ils sont comme Déby. Les chefs de parti au Tchad,et d'une manière générale en Afrique, sont inamovibles. Ils sont tous revêtus du manteau de dictateur, prêts à reproduire le système qu'ils combattaient quand ils étaient dans l'opposition : ils sont PDG de leur parti à vie. Par acclamation, on les désigne toujours comme candidat à chaque élection, comme on le fait pour le parti au pouvoir. Le parti se résume à eux. Eux, c'est le parti. Quand ils disparaissent, c'est le déluge au sein de leur formation politique. Tous les opposants, sans exception, Saleh Kabzabo, Kassiré Coumakoye, Ngarledy Yorongar , Lol Mahamat Choa, Fidèle Moungar, etc. sont tous des présidents-secrétaires généraux-candidats à toutes les élections à vie ! Il n'y a aucune différence entre eux et Idriss Déby. Ayant la culture de président fondateur SG à vie, Ils seront tentés, comme Déby, de confisquer le pouvoir à leur tour. On l'a déjà vu dans d'autres pays. Au Sénégal, Abdoulaye Wade est secrétaire général de son parti à vie, candidats à toutes les élections depuis 1978. Arrivé au pouvoir démocratiquement en 2000, il a été tenté de confisquer le pouvoir, et d'y placer son fils, avant de faire marche arrière face au tollé qu'il a suscité non seulement au Sénégal mais dans le monde entier. A 86 ans officiellement, il s'est porté candidat pour un mandat de 7 ans. Il résume à lui seul, le chef africain, qui tient à rester toujours au pouvoir.
En Afrique, à chaque fois qu'un leader politique meurt, son parti est à l'agonie, menacé d'implosion si ce n'est pas de disparition simplement. C'est ce qui arrive en ce moment à l'URD, le parti de Kamougué depuis qu'il est mort. La guerre de succession fait rage. Un de ses fils, Eric Kamougué, veut prendre le fauteuil laissé vacant par son père. Peut-être qu'il pense que ce fauteuil lui revient de droit parce que c'est le parti de son père après tout. Tout comme un fils de Déby peut penser que le fauteuil présidentiel lui revient de droit en cas de disparition de son père. La responsabilité de cette situation explosive dans l'URD revient à Kamougué lui-même. De son vivant, il avait toujours confisqué le pouvoir. Il n'a pas préparé sa succession. il se croyait immortel . L'URD, c'était lui. Lui, c'était l'URD. Avec le MPS, ce sera encore pire en cas de disparition de Déby. Ce parti risque de disparaître puisqu'il est symbolisé par un seul individu mortel comme tout le monde : Idriss Déby Itno. Rappelons que le MNRCS a été enterré avec Tombalbaye, le MPR avec Mobutu, l'UNIR avec Hissein Habré. Cela veut tout dire. Le MPS est en train d’emboîter les pas au MNRCS, et à l'UNIR. On peut affirmer qu'il subira le même sort que ces formations politiques disparus avec leur président-fondateurs.
A partir du moment où on aura en Afrique des formations politiques stables, même en cas de disparition du leader-président fondateur, on pourra commencer à rêver enfin, des Etats stables. En Afrique, il faut arriver à changer le Secrétaire Général du parti, du vivant du président-fondateur, pour faire de ce dernier un militant comme un autre. Il peut occuper un poste dans le bureau, sans forcément être à la tête du parti. Si un parti présente le même candidat à plusieurs élections successives, il faut y voir en filigrane, un potentiel et futur dictateur qui va tout faire pour confisquer le pouvoir dès qu'il l'obtiendra. Tous les leaders politiques actuels au Tchad sont des dictateurs en puissance, qui vont confisquer le pouvoir comme Déby.
Les exemples ne manquent pas pourtant sous d'autres cieux. Aux Etats-Unis, tous les 4 ans, on voit tout le temps de nouvelles têtes aux élections présidentielles. Ils passent par des primaires pour désigner un candidat au sein des formations politiques : au final, ce n'est presque jamais le même candidat. Nous qui avons tendance à calquer nos organisations politiques sur celles de la France, pourquoi nos chefs de parti refusent-ils de regarder le fonctionnement de certains partis en France ? Le Parti Socialiste français offre le meilleur exemple en la matière : le secrétaire général du parti n'est pas forcément le futur candidat aux présidentielles. Il peut ne pas participer aux primaires en tant que candidat. Les primaires sont ouvertes à tous. Ce sont les militants ou non qui votent démocratiquement, et non par acclamation, celui qui portera leur couleur aux présidentielles. Dans un tel système, on part du principe que n'importe qui, pourvu qu'ils soit jugé aptes par les militants, peut représenter et défendre le parti aux divers scrutins. Inimaginable au Tchad. . Souvent, ils ont déjà fait partie du gouvernement de Déby avant de sortir pour le combattre. Aux prochaines élections, sauf boycott, on s'attend à revoir Kebzabo, Yorongar, Kassiré, Lol, Moungar, et bien sûr Déby. On prend les mêmes et on re commence.
Les chefs de partis politiques au Tchad, n'ont pas encore la vraie culture démocratique. Cette culture se situe encore à des années lumière dans leur petite tête. Personnellement, il s ne m'inspirent pas confiance. Quels qu'ils soient. Déby ou eux, c'est du pareil au même. A partir du moment où ils portent le manteau de président-SG à vie dans leur parti, pensez-vous qu'ils changeront, une fois au pouvoir ? Ce sera encore pire ! Démocrates dans l'opposition tchadienne ? Il n'y en a pas encore. Ce sont tous des futurs présidents à vie que nous avons en face de nous. On assistera à du débyisme sans Déby.
Les choses vues sous cet angle, le retour au bercail de Fidèle Moungar est un non événement, dans la mesure où il vient pour gonfler le rang des chefs de parti inamovibles, secrétaire général-candidats aux présidentielles à vie, qui ne veulent laisser la place à personne au sein de leur parti, de leur vivant. Malheureusement, quand ils meurent, le parti est enterré avec eux. Tant mieux.
BELEMGOTO Macaoura
macaoura@hotmail.fr