Tchad: La ministre appelle à booster le secteur de l'agriculture
Quand on parle du monde rural, les yeux se tournent immanquablement vers l’agriculture et l’élevage, les deux principales sources de revenu du Tchad avant l’avènement du pétrole. Mais ces deux secteurs, qui devraient en principe profiter des revenus pétroliers pour se restructurer et se développer davantage, sont encore au stade primaire.
Pour preuve, les polders du Lac Tchad ainsi que les vastes plaines du Logone et du Chari sont toujours insuffisamment exploités. Quant à l’élevage, 55 ans après l’indépendance, le Tchad continue d’exporter son bétail sur pied. Ce secteur n’a pas encore donné au pays toutes les ressources qu’il recèle. L’Info a rencontré successivement Mme Baiwong Djibergui Amane Rosine, Ministre de l’Agriculture et de l’Environnement et Ahmat Hassan Moussa, Directeur Général de l’Elevage.
L’Info : Les plaines tchadiennes s'étendent à perte de vue mais elles sont insuffisamment mises en valeur. Pourquoi?
Baiwong Djibergui Amane Rosine : Il est vrai que le Tchad regorge d’immenses potentialités agricoles y compris les plaines dont vous parlez. Mais il faut aussi reconnaitre que l'agriculture tchadienne a été, jusqu'à un passé récent, essentiellement une agriculture de subsistance et elle est dépendante de la pluie. C'est à dire que les agriculteurs ont pour premier souci de produire pour répondre à leurs propres besoins alimentaires. La production est du type familial, sans aucune ambition de réaliser des bénéfices ou tout autre profit. C'est vous dire que ce manque d'ambition de la part des producteurs est en lui-même un frein au développement de l'agriculture. Aujourd'hui, les autorités ont compris l'importance de l'agriculture dans le développement durable et depuis quelques années, le secteur bénéficie d'une attention particulière d'où l'investissement important consenti pour le booster.
Mais il faut noter que l'aménagement d'une plaine aux fins d'exploitation agricole est une opération qui coûte extrêmement cher et dont la réalisation doit obéir aux normes de respect de l'environnement. Ainsi ces aménagements se font selon des objectifs très clairs et précis du Gouvernement et en fonction des ressources disponibles. A ce jour, nous sommes à quarante trois mille (43 000) ha aménagés dont environ douze mille (12 000) ha en maîtrise totale. Sur ces espaces à maitrise totale, on produit plus d'une fois l'année. Les projets d'études d'aménagement de cinquante sept mille (57 000) autres ha sont en cours.
Dans le cadre du partenariat, il y a des projets comme celui de développement de la filière rizicole dans la plaine du Chari Logone, le PARSAT et bien d'autres qui vont contribuer à l'aménagement de nos plaines pour les activités agricoles et aussi le renforcement de la résilience de nos systèmes de production agricole tout en tenant compte des aspects environnementaux.
En outre nous tenons à souligner que le Gouvernement ne peut pas se substituer aux producteurs. Il s’engage à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux- ci en réalisant des aménagements hydro agricoles, en mettant à disposition des intrants de qualité (semences améliorées, engrais, produits phytosanitaires), en renforçant la capacité des producteurs en matière de nouvelles techniques agricoles et aussi en subventionnant le labour au tracteur à raison de 10.000 FCFA/ha. Tout cela constitue des mesures d'accompagnement et d'encouragement des producteurs ruraux.
Après une tentative de mise en valeur des polders du Lac Tchad au début de l’indépendance, ceux-ci sont presqu’à l’abandon actuellement. Quelles en sont les causes ?
La SODELAC est l'une des toutes premières sociétés de développement créées par l'Etat tchadien. Comme toute œuvre humaine, elle est aussi confrontée a certaines contraintes dont les principales sont d'ordre environnemental et financier. Sur le plan environnemental, il s'agit de l'assèchement du Lac Tchad qui entraine une régression avancée des eaux. D'ailleurs c'est un sujet d'actualité qui retient notre attention pendant que nous préparons activement la Cop 21 avec l'organisation d'un événement parallèle sur le Lac Tchad.
La deuxième contrainte est liée à la mobilisation des ressources pour le financement des activités. Des démarches ont été entreprises mais n'ont pas encore abouti à un accord concret. Nous espérons bien voir cette Société décoller réellement pour valoriser cette partie de notre territoire qui est un don précieux de Dieu pour le peuple tchadien. Un don précieux parce qu’on n’a pas besoin d'engrais pour produire dans cette zone, et la culture de contre saison est plus importante que celle pluviale.
La mécanisation de l'agriculture tchadienne semble s'essouffler. Quel bilan tirez-vous après près de 5 ans d'expérience?
L’opération « labour motorisé » a démarré en 2009avec l’installation de la Société Industrielle de Matériel Agricole et d’Assemblage des Tracteurs (SIMATRAC). Une première commande de 60 tracteurs de marque Mahindra (indienne) a été effectuée dont 40 tracteurs vendus à crédit aux organisations des producteurs. Ensuite, le parc a été renforcé progressivement d’année en année par de nouvelles commandes. En 2014, 1 000 nouveaux tracteurs ont été déployés sur le terrain donnant un total 2011 tracteurs, répartis dans les 23 Régions suivant leurs caractéristiques agro-écologiques et pédologiques. A cela s’ajoutent 103 motoculteurs fournis dans les zones où des difficultés d’utilisation de tracteurs ont été signalées. Les frais de labour sont toujours subventionnés par l’Etat : les producteurs participent à hauteur de 10 000 F/ha, pour un coût total de 30 000 F estimé en moyenne par hectare.
Le labour mécanique est un maillon essentiel dans le processus de modernisation de l’agriculture prônée par les plus hautes autorités de la République. Il a reçu un écho très favorable auprès des producteurs du fait de l’allègement des peines liées au labour chez les producteurs ; de la subvention importante au frais de labour FCFA/ha ; de la réduction significative du temps de labour ; de la contribution à l’amélioration de la productivité agricole et du respect du calendrier cultural.
En 2014, sur les 2011 tracteurs, 1 837 ont effectivement été déployés sur le terrain et 1 302 ont été utilisés pour labourer 133 804 ha durant la campagne 2014-2015 contre 108 970 ha pour la campagne 2013- 2014. Pour la campagne 2015- 2016, il y a un total 1772 tracteurs déployés avec quelques difficultés liées aux problème de maintenance dont la SIMATRCA s'en est occupée.
Il faudra également retenir que la mécanisation de l'agriculture ne doit pas se résumer aux labours aux tracteurs. Le tracteur doit être en principe utilisé pour des labours à grande échelle et dans des espèces adaptées. Donc, il est tout à fait normal que les petits producteurs continuent à utiliser les charrues, les motoculteurs qui sont aussi des engins mécaniques.
C'est pourquoi, en 2014, il a été fourni aux maraîchers, 179 motopompes pour les cultures de contresaison, en plus des 899 motopompes fournies en 2012/2013 dans les zones ayant subi des inondations dévastatrices des cultures pluviales. De même, des matériels agricoles de traction animale continuent à être diffusés : en 2014, il a été livré aux producteurs, 5000 charrues, 1000 charrettes et 250 semoirs vendus à prix subventionnés. La subvention du labour au tracteur est une mesure d'encouragement mais elle ne durera pas éternellement. Il est donc impératif que les producteurs puissent s'approprier la gestion desdits tracteurs.
Le Ministère a conçu un programme de rétrocession des tracteurs aux organisations dynamiques des producteurs dont le contenu sera connu au moment opportun. Et ce, pour améliorer l'utilisation et la gestion des tracteurs et maximiser les rendements. En fin de compte, il n’y a pas meilleure source de développement que l'Agriculture. C'est pourquoi nous avons choisi pour thème de la campagne agricole en cours: " Agriculture, socle du Développement durable".
J'encourage les jeunes à s'intéresser à l'agriculture et j'exhorte également les privés à créer des entreprises agricoles dignes de ce nom pour booster le secteur. Car, l'Etat fait déjà beaucoup et il ne peut pas continuer seul. Nous devons conjuguer les efforts pour sortir notre agriculture de la dépendance des pluies. Avec les effets pervers des changements climatiques, il ne faut pas trop compter sur la pluie.
Interview réalisée par Riamian Doumtoloum Ghislain
Pour preuve, les polders du Lac Tchad ainsi que les vastes plaines du Logone et du Chari sont toujours insuffisamment exploités. Quant à l’élevage, 55 ans après l’indépendance, le Tchad continue d’exporter son bétail sur pied. Ce secteur n’a pas encore donné au pays toutes les ressources qu’il recèle. L’Info a rencontré successivement Mme Baiwong Djibergui Amane Rosine, Ministre de l’Agriculture et de l’Environnement et Ahmat Hassan Moussa, Directeur Général de l’Elevage.
L’Info : Les plaines tchadiennes s'étendent à perte de vue mais elles sont insuffisamment mises en valeur. Pourquoi?
Baiwong Djibergui Amane Rosine : Il est vrai que le Tchad regorge d’immenses potentialités agricoles y compris les plaines dont vous parlez. Mais il faut aussi reconnaitre que l'agriculture tchadienne a été, jusqu'à un passé récent, essentiellement une agriculture de subsistance et elle est dépendante de la pluie. C'est à dire que les agriculteurs ont pour premier souci de produire pour répondre à leurs propres besoins alimentaires. La production est du type familial, sans aucune ambition de réaliser des bénéfices ou tout autre profit. C'est vous dire que ce manque d'ambition de la part des producteurs est en lui-même un frein au développement de l'agriculture. Aujourd'hui, les autorités ont compris l'importance de l'agriculture dans le développement durable et depuis quelques années, le secteur bénéficie d'une attention particulière d'où l'investissement important consenti pour le booster.
Mais il faut noter que l'aménagement d'une plaine aux fins d'exploitation agricole est une opération qui coûte extrêmement cher et dont la réalisation doit obéir aux normes de respect de l'environnement. Ainsi ces aménagements se font selon des objectifs très clairs et précis du Gouvernement et en fonction des ressources disponibles. A ce jour, nous sommes à quarante trois mille (43 000) ha aménagés dont environ douze mille (12 000) ha en maîtrise totale. Sur ces espaces à maitrise totale, on produit plus d'une fois l'année. Les projets d'études d'aménagement de cinquante sept mille (57 000) autres ha sont en cours.
Dans le cadre du partenariat, il y a des projets comme celui de développement de la filière rizicole dans la plaine du Chari Logone, le PARSAT et bien d'autres qui vont contribuer à l'aménagement de nos plaines pour les activités agricoles et aussi le renforcement de la résilience de nos systèmes de production agricole tout en tenant compte des aspects environnementaux.
En outre nous tenons à souligner que le Gouvernement ne peut pas se substituer aux producteurs. Il s’engage à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux- ci en réalisant des aménagements hydro agricoles, en mettant à disposition des intrants de qualité (semences améliorées, engrais, produits phytosanitaires), en renforçant la capacité des producteurs en matière de nouvelles techniques agricoles et aussi en subventionnant le labour au tracteur à raison de 10.000 FCFA/ha. Tout cela constitue des mesures d'accompagnement et d'encouragement des producteurs ruraux.
Après une tentative de mise en valeur des polders du Lac Tchad au début de l’indépendance, ceux-ci sont presqu’à l’abandon actuellement. Quelles en sont les causes ?
La SODELAC est l'une des toutes premières sociétés de développement créées par l'Etat tchadien. Comme toute œuvre humaine, elle est aussi confrontée a certaines contraintes dont les principales sont d'ordre environnemental et financier. Sur le plan environnemental, il s'agit de l'assèchement du Lac Tchad qui entraine une régression avancée des eaux. D'ailleurs c'est un sujet d'actualité qui retient notre attention pendant que nous préparons activement la Cop 21 avec l'organisation d'un événement parallèle sur le Lac Tchad.
La deuxième contrainte est liée à la mobilisation des ressources pour le financement des activités. Des démarches ont été entreprises mais n'ont pas encore abouti à un accord concret. Nous espérons bien voir cette Société décoller réellement pour valoriser cette partie de notre territoire qui est un don précieux de Dieu pour le peuple tchadien. Un don précieux parce qu’on n’a pas besoin d'engrais pour produire dans cette zone, et la culture de contre saison est plus importante que celle pluviale.
La mécanisation de l'agriculture tchadienne semble s'essouffler. Quel bilan tirez-vous après près de 5 ans d'expérience?
L’opération « labour motorisé » a démarré en 2009avec l’installation de la Société Industrielle de Matériel Agricole et d’Assemblage des Tracteurs (SIMATRAC). Une première commande de 60 tracteurs de marque Mahindra (indienne) a été effectuée dont 40 tracteurs vendus à crédit aux organisations des producteurs. Ensuite, le parc a été renforcé progressivement d’année en année par de nouvelles commandes. En 2014, 1 000 nouveaux tracteurs ont été déployés sur le terrain donnant un total 2011 tracteurs, répartis dans les 23 Régions suivant leurs caractéristiques agro-écologiques et pédologiques. A cela s’ajoutent 103 motoculteurs fournis dans les zones où des difficultés d’utilisation de tracteurs ont été signalées. Les frais de labour sont toujours subventionnés par l’Etat : les producteurs participent à hauteur de 10 000 F/ha, pour un coût total de 30 000 F estimé en moyenne par hectare.
Le labour mécanique est un maillon essentiel dans le processus de modernisation de l’agriculture prônée par les plus hautes autorités de la République. Il a reçu un écho très favorable auprès des producteurs du fait de l’allègement des peines liées au labour chez les producteurs ; de la subvention importante au frais de labour FCFA/ha ; de la réduction significative du temps de labour ; de la contribution à l’amélioration de la productivité agricole et du respect du calendrier cultural.
En 2014, sur les 2011 tracteurs, 1 837 ont effectivement été déployés sur le terrain et 1 302 ont été utilisés pour labourer 133 804 ha durant la campagne 2014-2015 contre 108 970 ha pour la campagne 2013- 2014. Pour la campagne 2015- 2016, il y a un total 1772 tracteurs déployés avec quelques difficultés liées aux problème de maintenance dont la SIMATRCA s'en est occupée.
Il faudra également retenir que la mécanisation de l'agriculture ne doit pas se résumer aux labours aux tracteurs. Le tracteur doit être en principe utilisé pour des labours à grande échelle et dans des espèces adaptées. Donc, il est tout à fait normal que les petits producteurs continuent à utiliser les charrues, les motoculteurs qui sont aussi des engins mécaniques.
C'est pourquoi, en 2014, il a été fourni aux maraîchers, 179 motopompes pour les cultures de contresaison, en plus des 899 motopompes fournies en 2012/2013 dans les zones ayant subi des inondations dévastatrices des cultures pluviales. De même, des matériels agricoles de traction animale continuent à être diffusés : en 2014, il a été livré aux producteurs, 5000 charrues, 1000 charrettes et 250 semoirs vendus à prix subventionnés. La subvention du labour au tracteur est une mesure d'encouragement mais elle ne durera pas éternellement. Il est donc impératif que les producteurs puissent s'approprier la gestion desdits tracteurs.
Le Ministère a conçu un programme de rétrocession des tracteurs aux organisations dynamiques des producteurs dont le contenu sera connu au moment opportun. Et ce, pour améliorer l'utilisation et la gestion des tracteurs et maximiser les rendements. En fin de compte, il n’y a pas meilleure source de développement que l'Agriculture. C'est pourquoi nous avons choisi pour thème de la campagne agricole en cours: " Agriculture, socle du Développement durable".
J'encourage les jeunes à s'intéresser à l'agriculture et j'exhorte également les privés à créer des entreprises agricoles dignes de ce nom pour booster le secteur. Car, l'Etat fait déjà beaucoup et il ne peut pas continuer seul. Nous devons conjuguer les efforts pour sortir notre agriculture de la dépendance des pluies. Avec les effets pervers des changements climatiques, il ne faut pas trop compter sur la pluie.
Interview réalisée par Riamian Doumtoloum Ghislain