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TCHAD

Tchad : Les attentats dus à "un manque de vigilance de nos services" (Saleh Kebzabo)


Alwihda Info | Par Alwihda Info - 21 Juillet 2015



CONFERENCE DE PRESSE DU CHEF DE L’OPPOSITION POLITIQUE SALEH KEBZABO

Kebzabo devant ses militants en janvier 2015. Alwihda Info/M.R.
Kebzabo devant ses militants en janvier 2015. Alwihda Info/M.R.
Mesdames et Messieurs les Journalistes,

Chers Amis,

Je vous souhaite sincèrement la bienvenue en ces modestes locaux, le siège de l’UNDR, et je réitère à mes collègues Chefs de Partis politiques qu’ils doivent se sentir ici, chez eux.

Cette conférence de presse se tient dans une conjoncture très particulière pour notre pays confronté à des difficultés de tous genres. Même la saison des pluies nous a lâchés, puisque les pluies, d’habitude abondantes en cette période de l’année, sont rares ou insuffisantes. C’est un signe qu’il faut prendre au sérieux, car il y a un risque de déficit alimentaire grave, qui va s’ajouter aux difficultés auxquelles nous sommes déjà confrontés. Au nombre de celles-là, une situation sociale gravissime qui s’est malheureusement exprimée il y a quelques jours.

En effet, pour la première fois dans l’histoire du Tchad, l’Etat n’a pas été en mesure de payer les salaires de ses agents, à la fin du mois sacré de Ramadan et ce, malgré un mois de Ramadan sévère dont la fin fut une fête triste, parce que les chefs de famille n’avaient pas le sou pour faire face aux dépenses de la fête. En dehors de certains agents de forces de défense et de sécurité, tous les agents de l’Etat sont dans l’angoisse. Aux retraités et aux étudiants, on répond avec vergogne qu’ils ne sont pas prioritaires. Les retraités, pour les plus mal lotis, attendent depuis l’année dernière le paiement, ne serait-ce que d’un seul coupon, pour survivre. Quant aux étudiants, ils ont beau crier sur tous les toits pour réclamer six ou neuf mois de bourses et aller en vacances, on leur répond par un silence méprisant. Ils ont donc décidé de faire bouger les lignes et d’aller vers des manifestations pacifiques, dans les jours qui viennent. Ils ont notre soutien total.

Nous ne pouvons pas passer sous silence la situation des opérateurs économiques qui sont en faillite déclarée ou en voie de l’être, les uns après les autres, pour ceux qui sont dans le secteur informel. Cela se résulte par des milliers de licenciements, avec leurs corollaires directs sur la vie des familles. Même ceux du secteur informel qui réclament des centaines de milliards à l’Etat, finissent par craquer à bout de souffle. Seuls les engagements extérieurs, sous surveillance internationale, sont respectés. Pour combien de temps encore ? Dieu seul le sait.

Ce que nous savons, c’est que les finances publiques sont exsangues, les caisses de l’Etat désespérément vides et le Tchad en banqueroute totale. Au lieu de le reconnaitre humblement et de mobiliser les potentialités nationales pour y faire face, le gouvernement s’enfonce dans une fuite en avant qui rappelle celle des coureurs sur un hangar. Les ressources du pétrole ont tari sous le chaud soleil du Tchad et tous les espoirs d’en faire un vecteur de développement sont perdus. Un moment, le gouvernement a voulu trouver un bouc émissaire dans la chute drastique des cours du pétrole. Il n’évoque évidemment pas la période faste où, il y a quelques années, les cours avaient dépassé les 150 dollars par baril. Il y a quelques mois, quand les cours sont descendus en dessous de 50 dollars, le gouvernement en a profité pour renoncer à tout, sauf aux gaspillages et aux détournements.

En fait, cela est vrai pour être clairement énoncé, la récente chute du cours du pétrole n’est en rien responsable de nos malheurs financiers, puisque la production a augmenté dans le même temps pour être doublée, pendant que le cours du dollar enregistrait une hausse de 20 à 30% ! L’argument gouvernemental est donc fallacieux et il faut chercher ses déboires financiers ailleurs. La situation que nous vivons est la conséquence d’une mauvaise gouvernance généralisée que notre pays vit depuis 25 ans, sous le règne du MPS. Le président Idriss Déby ITNO règne sans partage sur le pays, ordonne tout, régente tout, distribue avec générosité, ordonne des investissements colossaux de façon hasardeuse, pose des premières pierres qui sont les dernières et continue d’en poser sans regarder en arrière, dépense sans compter et se retrouve finalement devant un mur de vérité qui s’appelle la faillite. Dans tous les domaines. Il a simplement oublié qu’il n’a privilégié les investissements ni productifs, ni sociaux. Et qu’au final, c’est le pays tout entier qui va payer chèrement ses manquements. Toute une génération est ainsi sacrifiée, car sa boulimie financière n’a pas de limite.

Au nombre des initiatives malheureuses du président Déby, figure en bonne place ses accointances incestueuses avec un nouveau groupe pétro-financier de réputation internationale qui nous a entraînés dans cette aventure de devenir membre du consortium dirigé par Exxon. A quel prix ? Pour en récolter quels avantages pour le pays ? Nous connaissons la face visible de cette opération dont le gouvernement nous a dit ce qu’il a bien voulu nous dire, c’est-à-dire une toute petite partie de la vérité. Le reste est dans une opacité noire et, comme toute vérité, elle finira bien par se dévoiler un jour.

En attendant, le Tchad est financièrement à genoux. Au grand dam des Tchadiens qui se demandent s’ils méritent cette punition divine.

Et comme un malheur ne vient jamais seul, ne voilà-t-il pas que, depuis un mois jour pour jour, notre capitale vit au rythme des attentats ? J’espère que la thèse de la surprise est abandonnée, pour privilégier celle du manque de vigilance de nos services. Il y a environ cinq ans, je mettais en garde le gouvernement et l’opinion contre le phénomène alors peu connu de la secte Boko Haram qui venait de commencer ses exactions au Nigéria voisin. Il y a deux ans, après notre intervention militaire au Mali, je disais que nous devions nous attendre à des représailles. J’ai fait la même analyse après notre débarquement à l’intérieur du Nigéria. Chaque fois, pourtant, nous soutenions par notre vote à l’Assemblée nationale la politique gouvernementale. Mais en mars dernier, nous lui avons retiré notre soutien car cette guerre ruineuse pour notre pays est exploitée à d’autres fins. Qu’en est-il aujourd’hui ?

L’actualité, pour le moment, ce sont les infiltrations de Boko Haram à N’Djamena. A ce stade, l’opinion est de moins en moins convaincue par les arguments du gouvernement et les mesures qu’il prend pèle mêle, comme pris par la panique. Dans de telles circonstances, le peuple veut être rassuré par un gouvernement conséquent, engagé, rigoureux et avare en discours, mais efficace dans ses actions. On nous a servi dans la mêlée les quinze commandements suivis par d’autres, tous aussi inefficaces ou qui se neutralisent. Puis, le gouvernement qui ne rate pas d’occasion de s’y illustrer, en a profité pour étaler sa politique tribaliste et régionaliste, aussi bien dans les mesures prises que dans certains aspects de la gestion des forces de défense et de sécurité.

Dans des situations de ce genre, nous pensons pour notre part que les forces de défense et de sécurité doivent être bien équipées, si elles ne l’étaient pas, ses effectifs accrus par de jeunes Tchadiens de toutes origines, des agents formés aux techniques les plus pointues de lutte contre le terrorisme, pour travailler dans le professionnalisme. Le spectacle offert par le gouvernement depuis cette crise des attentats est désolant, et j’espère qu’il a en pris la juste mesure pour se remettre en cause.

C’est ici le lieu de rappeler deux principes fondamentaux :

Il n’est pas question de profiter de cette situation pour porter atteinte aux droits et libertés chèrement acquis par les Tchadiens. Les mesures gouvernementales pour contrecarrer les actions terroristes ont débordé pour donner lieu à des dérives et exactions en tous genres contre de paisibles citoyens. Cela doit cesser. C’est dans la même panique évoquée plus haut que le gouvernement vient de soumettre à l’Assemblée nationale une loi anti-terroriste incomplète et assimile au terrorisme les actions légales comme les manifestations sociales ou politiques. J’espère que les aspects liberticides de cette loi seront amendés.
La cohésion nationale dans la lutte contre Boko Haram ou tout autre groupe terroriste est un acquis indéniable. Le gouvernement n’a donc pas besoin de dramatiser outre mesure une situation qu’il dit lui-même contrôler, pour en appeler à l’union sacrée. Celle-ci ne peut pas être appelée à tout moment, à la moindre menace limitée et après chaque moment de panique. Le gouvernement doit s’atteler à sa mission sacrée de garant de la sécurité des personnes et des biens, sans contrepartie politique ni exploitation politicienne.
Nous savons tous qu’en ce moment, le président Déby est préoccupé par la prochaine présidentielle qui sera pour lui une rude épreuve qu’il va perdre. Depuis quelques semaines, tout ce qu’il entreprend concourt à la préparation de cette échéance : la formation et la nomination des magistrats au service exclusif du pouvoir, la nomination de centaines d’administrateurs territoriaux et locaux ainsi que celle de la hiérarchie militaire, des investissements dans le secteur de l’eau devenu subitement prioritaire, une attention particulière à la chefferie traditionnelle avec la création de dizaines de cantons sans population ni ressort territorial, le doublement des salaires des forces de police.

Le plus inquiétant et le moins admissible est la mainmise sur les organes politiques et électoraux que sont le CNDP et la CENI. Celle-ci est maintenant sous la coupe du président Déby qui ne s’embarrasse plus pour lui donner des ordres. Nous espérons néanmoins que la CENI aura les moyens dont elle a besoin pour mettre en œuvre son chronogramme qui prévoit, entre autres taches, le recensement électoral biométrique en octobre. Nous apporterons tout notre soutien à la CENI, pour autant qu’elle entreprenne sa mission en toute indépendance. Dans le cas contraire, nous avons la capacité de la rappeler à l’ordre et la sanctionner. Car le Tchad a besoin d’élections apaisées et la CENI doit y concourir sans se soumettre aux injonctions du candidat Idriss Déby ITNO qui doit accepter les règles élémentaires de la démocratie pour une alternance apaisée.

La dernière question qui nous interpelle est celle des libertés de la presse, et la récente décision d’interdiction du périodique ABBA GARDE ne doit laisser indifférent aucun démocrate. Cette décision a été prise en dépit du droit, c’est cela qui est condamnable. La presse est en effet régie par une loi encore en vigueur et nous ne comprenons pas que le Procureur de la République ait recours au Code pénal pour une sanction aussi lourde inadmissible dans un pays de droit. En la matière comme dans les autres qu’ont eu à connaitre nos tribunaux ces temps-ci, le droit n’est pas dit. C’est cela qui nous inquiète.

Notre inquiétude est d’autant plus justifiée que nous avons appris la suspension, par la Cour Suprême, du parti politique UMR (Union des Mouvements Républicains). Cette décision est grave de conséquences pour la démocratie, car nous savons dans quelles circonstances le président de ce parti, M. Annouhr Idriss a été contraint de démissionner pour des raisons de faciès incompatible avec un parti politique d’opposition. La question de fond est là : peut-on être originaire des régions septentrionales, et singulièrement du BET, et appartenir ou diriger un parti politique d’opposition ?

Nous sommes inquiets, car le ministre de l’intérieur et de la sécurité nous avertis qu’il ne tolèrerait plus la liberté d’expression des partis politiques d’opposition. Qu’est-ce à dire ? Comprenez que le ministre est prêt à prononcer ou faire prononcer des mesures de suspension ou d’interdiction de parti politique. Les officines du pouvoir s’y attellent depuis quelques semaines, et nous savons que l’UNDR figure en tête de liste de ces partis politiques. Nous attendons très sereinement et rien n’ébranlera notre détermination à poursuivre la lutte sans relâche pour la conquête pacifique du pouvoir.

Je vous remercie.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)




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