Tout est parti d’un article du « Témoin » titré à sa Une : « Comment la candidature du colonel Anicet Saulet a été recalée arbitrairement… ». Dans cet article, nous avions rappelé les malheureux souvenirs de ce brillant et jeune capitaine à l’époque ayant dirigé en 1997 la troisième mutinerie de l’armée de la Centrafrique. Lors de cette mutinerie, le capitaine Saulet, aujourd’hui colonel, n’avait commis que le « crime » d’avoir dénoncé le népotisme, le tribalisme et le régionalisme dans les nominations et les avancements dans l’armée centrafricaine.
De retour à Bangui, le désormais ex-ambassadeur centrafricain au Caire, Anicet Saulet, avait déposé sa candidature à la présidence de la transition. Hélas, contre toute attente, le Conseil National de Transition avait invalidé cette candidature. Et ce, sans aucune raison valable. Très en colère, cet excellent officier doublé d’un diplomate hors pair avait adressé une lettre confidentielle à la présidente de la transition, Mme Catherine Samba-Panza, pour dénoncer cette injustice et crier sonindignation. Cette lettre, « Le Témoin » l’avait exploitée en exclusivité(voir édition n° 1161).
Dès la parution de notre article qui avait fait le tour du monde via internet, Mme Catherine Samba-Panza avait servi une demande d’explication à son ambassadeur au Caire, Anicet Saulet, afin de savoir comment cette lettre avait pu traverser toute l’Afrique pour atterrir à Dakar, et précisément dans les locaux du « Témoin ». Non convaincue des « réponses » fournies par le « turbulent » officier saint-syrien, Mme la présidente centrafricaine avait tout simplement pris un décret pour le relever de ses fonctions d’ambassadeur. Trois semaines après avoir été viré du Caire, le colonel Anicet Saulet ouvre le ban et brise le silence à travers une autre lettre qu’il compte envoyer aux autorités des Nations-Unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne, du Parlement centrafricain etc… Nous publions de larges extraits de ce courrier…
Dans cette lettre, le désormais ex-ambassadeur centrafricain au Caire, le colonel Anicet Saulet, tente de rassurer son peuple face aux médias qui se font l’écho de propos qui seraient tenus par M. Michel Djotodia, ancien Président de Transition de la République Centrafricaine, prévoyant un retour au pouvoir de la Séléka à la fin de cette année 2014. Depuis cette annonce, des informations ont fait état de troupes qui se regrouperaient dans le Nord-est de la République Centrafricaine, sous la bannière de ce mouvement dit « Séleka ». Les mêmes informations feraient état de la mobilisation de dix sept mille(17 000) hommes qui pulvériseraient les forces multinationales déjà sur le terrain pour prendre le pouvoir à Bangui, puisque les forces combattantes des Forces Armées Centrafricaines (Faca) n’ont pas encore été réarmées. « Au-delà de l’effet sensationnel de ce type d’informations qui procèdent plus de la propagande, de la guerre psychologique et qui ont pour effets immédiats de faire peur à la population centrafricaine et de mettre la pression sur les négociateurs de la crise dans notre pays afin de faire monter les enchères lors des futures négociations, ces gesticulations de prise de pouvoir par la force ne résistent pas à l’analyse » estime le colonel Saulet qui est le tout-premier saint-cyrien de l’armée centrafricaine.Et de rappeler que la ‘‘nébuleuse Séléka’’ avait conquis le pouvoir dans un contexte très particulier, sous l’ancien président François Bozizé, dont la mal-gouvernance, les frasques, celles de ses proches ainsi que de ses rejetons, avaient fini par rendre le rendre très impopulaire aux yeux du peuple meurtri de Centrafrique. « Il n’avait plus d’assises populaires et la population, lassée, était prête à applaudir la première personne qui viendrait la libérer de ce joug : celle-ci était donc, dans son subconscient, tacitement favorable à la ‘‘nébuleuse Séléka’’ qui, soit dit en passant, disposait aussi de puissants et efficaces éléments précurseurs à Bangui même, au sein de la communauté centrafricaine de confession musulmane » a poursuivi le colonel Anicet Saulet dans sa lettre adressée aux organismes internationaux s’activant pour la paix en Centrafrique. « Les Forces Armées Centrafricaines (Faca), désarmées par l’ancien président François Bozizé et sa bande de collaborateurs prédateurs et incompétents, plus préoccupés par les gains faciles, les enrichissements éhontés et scandaleux sur le dos du peuple et à festoyer en croisières surréalistes et ubuesques sur le fleuve Oubangui qu’à rechercher des solutions qui, du reste, existent, pour le bien-être de la population centrafricaine, n’était que l’ombre d’elles-mêmes ! Elles n’avaient plus d’autres recours que leurs jambes pour se mettre à l’abri, au moindre coup de feu » se désole l’officier Saulet.Selon lui, la prise du pouvoir à Bangui ainsi que son exercice par la ‘‘Nébuleuse Séléka’’ ont négativement marqué les Centrafricains. A l’en croire toujours, Michel Djotodia n’a pas su être un ‘‘président rassembleur’’. « Il ne s’est préoccupé que des Centrafricains de confession musulmane ainsi que de ses mercenaires étrangers, au détriment des Centrafricains qui attendaient beaucoup du successeur de l’ancien Président François Bozizé. A tous ces traitements discriminatoires du nouveau régime, se sont greffées les exactions de la ‘‘nébuleuse Séléka’’ qui ne s’en prenaient qu’aux autres Centrafricains qui n’ont pas l’islam en partage » a-t-il déploré dans sa missive dont « le Témoin » a obtenu une copie exclusive. Pour l’ex-valeureux chef mutin, c’est à la fois normal et naturel que tous ceux qui sont encore valides aient rejoint, physiquement ou par d’autres moyens, les milices d’autodéfense ‘‘Anti Balles AK 47’’, communément connues sous le nom de milices ‘‘Anti Balaka’’. « Les exactions de ces milices ont provoqué les départs massifs des Centrafricains de confession musulmane ainsi que des étrangers ayant en partage l’islam. Elles témoignent, s’il en était encore besoin, de la versatilité de la grande majorité de la population centrafricaine qui, hier, avait applaudi l’arrivée de la ‘‘nébuleuse Séléka’’ synonyme, pour elle, d’un nouvel espoir et redevenue, à force de traitements discriminatoires, foncièrement hostile à ceux-là mêmes qui l’ont pourtant libéré des affres de l’ancien régime » écrit encore le colonel Saulet.
Pour lui, les velléités sécessionnistes et leur corollaire, le découpage des régions de la République Centrafricaine par le Mouvement Indépendantiste du Nord Centrafrique (Minca) qui mettrait huit (08) préfectures du pays dans leur ‘‘République du Nord Centrafrique’’, des régions qui n’ont en commun avec les indépendantistes que la langue nationale, le ‘‘Sango’’, créent parmi la population centrafricaine, chrétienne dans sa grande majorité, de forts relents de résistances armées, face à ces potentiels envahisseurs.Cela dit, selon lui, les Faca, « profondément humiliées, sont maintenant très motivées pour faire leur ‘‘travail’’ qui consiste en la défense du territoire centrafricain » se réjouit l’officier républicain avant de martelerque « les braves soldats des Faca ne sont plus prêts à accepter une nouvelle humiliation ! ». Pour asseoir sa thèse, le colonel Anicet Saulet soutientqu’en fin 2014, les Forces internationales auront un effectif d’au moins douze mille (12 000) hommes, hormis les troupes ougandaises et les conseillers militaires américains qui les encadrent pour traquer l’Armée de Résistance du Seigneur (Lra) dans le sud-est de la République Centrafricaine. « A cela s’ajouteront très certainement, et je le souhaite vivement, des militaires armés des Faca que l’on peut estimer, au départ, à mille (1 000) hommes ». Compte tenu de tout ce qui précède, le colonel Saulet est convaincu que la ‘‘nébuleuse Séléka’’ ne pourra pas, par les armes, prendre le pouvoir à la fin de cette année en République Centrafricaine ! « Car les données sur le terrain ont profondément changé, en sa défaveur. A titre d’exemple, dans une guerre dite ‘‘conventionnelle’’, telle que la ‘‘nébuleuse Séléka’’ se propose de la mener, dix sept mille (17 000) hommes ne viendront jamais à bout d’un ensemble de forces quej’ai volontairement minorées à quatorze mille (14 000) hommes ! » dit l’officier saint-cyrien.
La ‘‘nébuleuse Séléka’’ semble opter pour une guerre qu’elle ne pourra pas gagner !
Pour Saulet, des exemples historiques existent pour témoigner de ce qu’aucune force armée au monde, si puissante soit-elle, n’a jamais vaincu une population qui veut réellement se défendre pour sa survie. Dans sa thèse d’officier de guerre, Anicet Saulet est plus que jamais convaincu que les soldats des Faca, gonflés à bloc, ne se laisseront plus faire ! « Face à cette détermination, la population centrafricaine doit compter sur ses militaires car plusieurs voies existent pour contourner, au besoin, l’embargo de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour les réarmer.Je viens donc de démontrer que la ‘‘nébuleuse Séléka’’ fait un très mauvais choix tactique en optant pour une guerre qu’elle ne pourra pas gagner ! Je l’invite, par conséquent, à s’inscrire et à contribuer positivement à la dynamique de Paix et de sortie de crise dont le canevas a été tracé par le sommet des Chefs d’Etat de l’Union Africaine, tenu à Malabo (Guinée Equatoriale) du 27 au juin 2014 ». Pour terminer, il met en garde d’éventuels aventuriers. « Personne, je dis bien personne, ne gagnerait à une nouvelle déstabilisation de la République Centrafricaine et, partant, de tous les pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). Il y va aussi de la stabilité de tous ceux de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (Ceeac) ».
L’officier dit s’inscrire totalement dans le canevas des conclusions du sommet des chefs d’Etat de l’Union Africaine tenu à Malabo (Guinée Equatoriale) et promet d’œuvrer de toutes ses forces pour leur bonne réussite. Et si la ‘‘nébuleuse Séléka’’ n’adhérait pas au processus de paix et voulait conduire sa lutte armée, alors, lui, à l’instar du Général Charles de Gaulle qui avait lancé aux Français l’appel du 18 juin 1940, il prendrait toutes ses responsabilités, en sa qualité de colonel des Faca. « Oui, je prendrai toutes mes responsabilités pour lancer un appel à la mobilisation du peuple centrafricain et des Faca pour qu’ensemble, nous défendions l’intégrité territoriale de notre cher et beau pays. Oui, la République Centrafricaine demeurera une et indivisible ! » se dit-il convaincu pour terminer.
Une synthèse de : Pape NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin N° 1173 » –Hebdomadaire Sénégalais ( Juillet 2014)